Eldorado ou vrai mirage ?

Les travailleurs actifs dans les métiers  » verts  » ou  » alternatifs  » ne sont plus les doux idéalistes d’antan. Evoluer dans une fonction rencontrant ses idéaux peut-il pour autant s’accompagner d’un salaire aussi compétitif que dans une activité  » traditionnelle  » ? Témoignages.

L’éolien, le bois-énergie, les biocarburants, le solaire thermique, les biogaz, la géothermie : ce sont autant de filières d’énergies renouvelables formant un gisement d’emplois diversifié, pouvant accueillir tous les niveaux de compétences, ou presque. Sont-elles pour autant capables aujourd’hui d’attirer et de conserver les talents, face à de plus gros  » joueurs  » ? Windeo, premier opérateur en Europe de petit éolien, a – littéralement – le vent en poupe. La start-up compte une quarantaine de collaborateurs sur la France et la Belgique. Dans le package de ses employés : un salaire concurrentiel par rapport au marché, un équipement de pointe pour le travail (ordinateur, téléphone portable…), une certaine flexibilité d’horaires et vingt-deux jours de congé.

Par contre, idéaux obligent, pas de voiture de société. Un problème pour attirer de jeunes ingénieurs ? Nullement. Chaque semaine, Windeo reçoit entre dix et vingt candidatures spontanées. Les raisons de ce succès ? Un attrait naturel pour son métier et le développement durable, explique Loïc Pequignot, son président et fondateur, qui observe deux types de candidatures : celles qui proviennent de jeunes, souvent des ingénieurs, animés par une réelle conviction, et celles de travailleurs de 40 à 50 ans qui, après un parcours varié, souhaitent mettre leurs compétences au service d’un secteur d’activité en mutation et en croissance.

 » C’est très positif pour notre culture d’entreprise. Ces personnes nous ont choisis. Le métier leur plaît. Les discussions « capotent » rarement sur les conditions salariales, confie-t-il. Ils pourraient sans doute gagner davantage au sein d’une grosse structure. Une de nos forces par rapport aux jeunes, c’est d’investir énormément en eux, à travers des formations techniques indispensables… et onéreuses. De plus, nos collaborateurs se rendent beaucoup sur le terrain. Un second point d’intérêt pour les jeunes qui veulent apprendre. Les travailleurs plus expérimentés ont envie de renouveau et de fraîcheur et souhaitent quitter un environnement parfois en difficulté. « 

Un juste milieu

Administrateur délégué de Brussels Recycling Metal, Caroline Huntz-Vandenbossche insiste sur l’importance de la motivation du personnel, pour que celui-ci travaille dans la même optique que la direction.  » Un management de proximité permettra de recueillir l’adhésion des troupes. Courage et motivation sont deux valeurs essentielles. Aussi nous avons instauré une prime annuelle de 250 euros brut pour nos collaborateurs. BRM est certifié ISO 9001 et 14 001. Nous sommes audités chaque année. Si le rapport est positif, signe que le personnel a fourni un bon travail, la prime est accordée. « 

Après une première expérience professionnelle négative, Jasmina Fiasse, bioingénieure de 28 ans, rejoint Esher, un bureau d’étude indépendant actif dans le domaine de l’environnement.  » Je cherchais avant tout une structure humaine, où l’ambiance de travail prime sur les perspectives de carrière, confie-t-elle. Je n’ai donc pas visé les grandes entreprises. Je souhaitais davantage de concret, de terrain et travailler pour un employeur qui me permette enfin de mener des projets jusqu’à leur aboutissement. « 

Jasmina habite Namur et travaille à Bruxelles. Pour ses déplacements, elle prend le train ou le vélo. Son abonnement est pris en charge à 100 % par Esher, tout comme ses déplacements professionnels. Elle bénéficie également d’un téléphone portable et récupère les heures supplémentaires prestées.  » Je n’ai plus besoin de voiture, indique-t-elle. Mon salaire est, peut-être, un peu moins élevé qu’avant. Peu importe, au décompte final, je suis gagnante car j’utilise essentiellement les transports en commun. Et surtout, le plus important à mes yeux, c’est d’être active dans un secteur – la consultance en environnement – qui correspond à mes idéaux et qui rencontre mes convictions personnelles. Je suis en accord avec mon travail ! « 

Différents accents

Il y a cinq ans, quand il est arrivé sur le marché du travail, Marc Bosmans, ingénieur en environnement, s’est tourné vers de petites entreprises de consultance où il pourrait se forger une expérience. Depuis, chez RDC Environnement, il gère une équipe de trois personnes et dirige un département d’activités.  » Une plus grosse entreprise ne m’aurait jamais confié tant de responsabilités aussi rapidement. Idéalisme et salaire sont deux choses différentes « , relève-t-il. Et là, Marc Bosmans n’est pas laissé pour compte puisqu’outre son salaire il peut compter sur des chèques-repas, des éco-chèques, un téléphone portable, un ordinateur, un vélo d’entreprise, un abonnement de train en 1re classe et du télétravail.  » A mes yeux, un package s’entend comme la combinaison d’un salaire, d’un intérêt pour la fonction et de flexibilité. Ensuite, à chacun de mettre l’accent où il le souhaite. « 

Le contenu avant tout

Quand il rejoint la Banque Triodos en 2003, Frédéric Andrés, détenteur d’un master en sciences politiques et d’un diplôme en management, opère un réel choix professionnel. Sa motivation : le sens profond de l’activité de Triodos qui utilise l’argent comme moyen de financement du développement durable. Au début, dans une fonction plus commerciale, son package est  » seulement  » composé de son salaire.  » Au fil des années, ce salaire s’est amélioré. Il a suivi l’évolution de mes prestations et la croissance de l’entreprise. D’autres avantages – voiture de société, intervention dans les frais de télétravail, abonnement aux transports en commun, etc. – sont également venus s’ajouter. « 

Aujourd’hui âgé de 42 ans, est-il dans la « norme » ?  » Honnêtement, je n’en ai aucune idée. Le contenu de mon travail, les contacts enrichissants avec la clientèle, les projets intéressants à mener compenseraient de toute façon un « déficit » éventuel par rapport à la concurrence. En outre, Triodos possède une structure hiérarchique assez plate qui véhicule une culture de la transparence et de la communication. Un concept peu valorisable mais qui compte pour beaucoup dans le bien-être au travail. « 

Travail flexible

Stéphane Bocca, gradué en agronomie et en sylviculture, est âgé de 37 ans. Depuis dix ans, il travaille chez Natagora, aujourd’hui en tant que permanent.  » Par idéal pour la nature et la conservation « , dit-il. Dans ce  » créneau « , les employeurs potentiels ne sont pas nombreux : les associations ou la Région wallonne.  » Dans le privé, l’esprit n’est pas le même. Il y a toujours une démarche financière sous-jacente. Chez Natagora, la nature et l’environnement restent notre préoccupation principale et nous nous trouvons toujours sur le terrain. C’est ce que j’aime. « 

Aux débuts de l’association, le salaire n’a rien de mirobolant. Et c’est  » à prendre ou à laisser  » : le package salarial ne se négocie pas. Depuis, Natagora a acquis ses lettres de noblesse et les traitements ont été revalorisés.  » Par rapport à d’autres métiers, si l’on se fonde sur les aspects strictement matériels, nous sommes sans doute moins bien lotis. Mais je ne changerais de métier pour rien au monde. Le travail est flexible, j’organise ma journée un peu comme je le veux… et j’aime la nature. « 

LAURENT CORTVRINDT

 » Je suis en accord avec mon travail ! « 

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