© Image Globe

Maggie De Block, l’invitée surprise du gouvernement Di Rupo qui a la cote

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Elle est « le » phénomène du gouvernement Di Rupo. Sa cote de popularité explose. Une journée avec celle qui pourrait défier Bart De Wever en 2014.

Sobre, fonctionnel, dépourvu de signes extérieurs de richesse. Le bureau de Maggie De Block n’a rien d’ostentatoire. C’est l’image même de la secrétaire d’Etat Open VLD en charge de l’Asile et de l’Immigration, qui a érigé le pragmatisme en mode d’action. Elle accueille ses visiteurs sans effet de manche. Soucieuse d’exposer son bilan après un an et demi d’action, pas de multiplier les petites phrases ou les charges politiques, ce qu’elle déteste par-dessus tout.

Au mur, quelques tableaux colorés non figuratifs. « Je ne savais pas quoi mettre alors j’ai choisi d’exposer des oeuvres de mon collègue de parti Rik Daems, sourit-elle. » Sur la porte, le S de Superman fait davantage songer à une chambre d’enfant ou à un bureau de fonctionnaires potaches. Elle s’esclaffe : « Ce sont mes collaborateurs qui m’ont fait une surprise. » En elle, ils voient une Superwoman.

Les sondages parlent en faveur de l’invitée surprise du gouvernement Di Rupo. Elle trône désormais à la troisième place des baromètres de popularité en Flandre, juste derrière Bart De Wever (N-VA) et Kris Peeters (CD&V). Une progression fulgurante pour celle qui avait été fortement décriée à ses débuts pour son manque de connaissance des matières, voire, dans le plus sordide des cas, stigmatisée pour son physique hors normes. Elle sourit et soupire un peu : « Cette popularité n’était pas mon but. J’aime travailler hors des écrans radars, je n’aime pas la politique politicienne. La seule chose sur laquelle je veux que l’on me juge, c’est mon action. » Avec un air de petite fille, elle avoue apprécier les réactions des gens qui la poussent à continuer. Surtout en Wallonie où ils sont « très chaleureux ». « Je me félicite de voir que j’ai déjà accompli 90 % de l’accord de gouvernement », dit-elle. Pas par prétention, juste parce qu’elle dit vouloir « tenir parole ».

Un pragmatisme illimité
Maggie De Block est passionnée par la chose publique depuis 16 ans et la rencontre avec son futur mari, membre des jeunesses libérales. Elle n’est finalement entrée au Parlement qu’en 1999 après avoir créé son cabinet médical et éduqué deux enfants. C’est Guy Verhofstadt qui l’a convaincue de franchir le pas. « Je l’ai rencontré pour exprimer mes préoccupations sur l’évolution de la sécurité sociale. Je pensais rester un quart d’heure, nous avons parlé une heure et demie. Il m’a dit : tout ce que tu me dis, il faut le dire au Parlement. » A l’issue de la crise politique la plus longue de l’histoire de Belgique, cette médecin originaire de Merchtem monte au gouvernement où elle hérite d’un des dossiers les plus explosifs du moment : l’asile et l’immigration.

« Mon mari a été le premier surpris que j’accepte ce défi, reconnaît-elle. C’est mon président d’alors, Alexander De Croo, qui me l’a demandé au téléphone. Je travaillais en bas de notre maison bel étage. Mon mari était en haut, je ne lui ai rien demandé : nous avons toujours considéré que les décisions professionnelles se prenaient individuellement. Je n’avais jamais rien fait dans ce domaine, c’est vrai, mais je me suis dit que c’était une opportunité unique de changer les choses. Je ne prends pas souvent des décisions rapides. Là, ça a duré trois minutes, pas une de plus. »

Dans son cabinet, c’est l’heure du briefing matinal. Trente-deux personnes s’activent à son service. Soufflés : Maggie De Block ne traite pas son personnel comme des laquais, comme nombre de ses collègues au pouvoir. Elle met la main à la pâte, imprime les dossiers, partage les sandwiches du midi… C’est une libérale dans l’âme – « c’est génétique », affirme-t-elle – qui croit en la capacité des individus d’assumer leur destin. « Trente-deux personnes, c’est peu pour assumer des compétences qui étaient auparavant aux mains de trois secrétaires d’Etat, qui occupaient 54 personnes, constate-t-elle. Mais cela a été une économie pour le gouvernement. Depuis le début, nous travaillons sans relâche et nous multiplions les visites sur le terrain, en Belgique et dans les pays d’origine des candidats à l’asile, sans que la presse ne soit forcément au courant. Avec mon expérience de médecin, je voulais avant tout poser le diagnostic et apporter des réponses. » Sa recette miracle ? « Tous les acteurs concernés se rejetaient la faute de la crise. Ce n’était plus possible. J’ai mis tout le monde autour de la table et j’ai ordonné que les gens travaillent ensemble. »

Sous ses airs bonhommes, Maggie De Block est une dame de fer. Intransigeante face à la médiocrité. Résultat ? Un miracle aux yeux de nombreux observateurs. Finis la crise de l’asile et les centaines de candidats vivotant dans la rue. « Cette situation était indigne d’un pays comme la Belgique, clame-t-elle. On triait littéralement les gens pour savoir qui aurait droit à un hébergement minimal. J’ai augmenté la capacité d’accueil. Et dans le même temps, j’ai tout fait pour accélérer les procédures et multiplier les retours volontaires. Petit à petit, les chiffres se sont améliorés… Je ne peux pas tricher : chaque mois, nous recevons le nombre précis des demandeurs d’asile. »

Elle jubile – sobrement – en affirmant que 2012 fut une année charnière pour la politique d’asile. Le nombre de demandes d’asile a diminué de 15,8 %, passant de 25 479 à 21 461. « Et cette baisse se confirme au début 2013. Cinq cents en moins en janvier, 500 encore en février, 300 en mars. »

Une fermeté humaniste
Il est midi. Elle avale un sandwich Philadelphia-salade. Une équipe de la RTBF vient l’interviewer pour le JT de 13 h. La Ligue des droits de l’homme s’offusque du renvoi dans leur pays de huit Guinéens par avion militaire. « Ces personnes sont les nouvelles victimes d’une série déjà trop longue d’expulsions collectives », s’indigne l’ONG. Au micro du journaliste Thomas Gadisseux, Maggie De Block répète son leitmotiv : « Il faut être sincère avec les gens. Tu ne peux pas leur dire qu’en Belgique tout est possible, que c’est un eldorado. » Les cheveux au vent, on la sent agacée même si elle comprend que « ceux qui veulent des frontières ouvertes soient critiques ».

N’est-elle pas trop ferme ? « Ce n’est pas être ferme de dire : les lois sont les lois ! Non, c’est non ! Quand j’étais médecin, que j’avais des patients très malades qui risquaient de mourir, je préférais leur dire la vérité plutôt que de leur mentir. Il ne faut pas donner de faux espoirs, avec des avocats, des examens médicaux, des procédures multiples… Ces gens n’ont pas d’avenir avec ça. » Elle insiste aussi, parce qu’une forte dose d’humanité se cache derrière sa carapace, sur la qualité des procédures. « On a le chiffre le plus bas d’annulations de décisions au niveau européen. Il n’y a qu’aux Pays-Bas que les procédures sont plus rapides, mais eux, ils ont 10 % de décisions annulées. Chez nous, la proportion est bien plus faible : 2,74 % de tous les appels. » Elle peste : « Ce n’est pas toujours la vérité que l’on trouve dans les journaux, il y a beaucoup de lobbying dans ce domaine, c’est le moins que l’on puisse dire ! »

Quelques enfants passent derrière la caméra en grimaçant. La secrétaire d’Etat reste imperturbable. Quand elle martèle son message, le monde extérieur n’existe plus. Puis, elle rejoint l’auditoire du vieil Institut Bordet où l’attendent quelques élèves de sixième primaire originaires de sa commune. Ils réalisent un documentaire sur Merchtem… Elle leur raconte ses journées, sa mission et on sent combien au fond cette femme imposante devenue star ne se prend pas au sérieux.

L’après-midi, cap sur Louvain pour une visite sur le terrain. La secrétaire d’Etat, également en charge de l’Intégration sociale et de la Lutte contre la pauvreté, va assister à la Homeless Cup, une compétition de football qu’elle soutient pour les sans-abris, les personnes en proie à des addictions, tous ceux qui ont décroché. « Le foot, ce n’est pas mon truc, dit-elle. Mais s’il peut jouer un rôle social, alors c’est important. Cela permet de réintégrer ces personnes, de leur donner confiance en eux pour accepter de l’aide, ce qu’ils refusent souvent. » Naturellement populaire, elle remet la coupe aux lauréats de Courtrai. Comme un signe d’espoir.

Pour autant, son bilan social est moins palpable. « C’est plus difficile d’obtenir des résultats en période de crise économique, reconnaît-elle. Nous avons rédigé un plan de 118 mesures pour 14 ministres compétents ! Il faut être créatif. J’aime les projets avec un win-win comme les épiceries sociales où l’on aide les gens à acheter des produits moins chers tout en donnant du travail à des plus démunis. » C’est mieux que de donner de l’argent pour écrire un livre sur la pauvreté, ajoute-t-elle. Son moteur, c’est la réalité. Loin des envolées intellectuelles souvent stériles.

Une scientifique terre-à-terre
Phénomène de la politique belge par son parler simple et vrai, Maggie De Block garde les pieds sur terre. Elle est déjà présentée par certains comme celle qui pourrait faire contre-feu à Bart De Wever et à la N-VA en 2014. Elle esquive : « Etre déjà en campagne électorale maintenant, c’est irresponsable. » La N-VA ? « Ils sont dans l’opposition au fédéral, c’est normal qu’ils critiquent. Mais ils sont aussi au pouvoir dans des communes importantes comme Anvers, Alost… et ils devront démontrer qu’ils peuvent oeuvrer au changement promis. On verra dans un an s’ils montreront des résultats concrets comme moi, maintenant. »

La marque d’une scientifique amoureuse des maths. On lui fait remarquer combien son pragmatisme est illimité, ce qui fait rire d’adhésion ses collaborateurs. Elle répond avec un souvenir d’études : « Une camarade avait pleuré dans mes bras après un examen de sophrologie. Elle avait fondu en larmes parce qu’elle n’avait pas trouvé la réponse à un cas concret. L’examinateur lui avait dit : mais que doit penser le patient si le médecin pleure à côté de son lit ? J’ai passé l’examen à mon tour et j’ai dit au prof : c’est un cas bizarre, on va essayer tel examen, suivre tel traitement mais à la fin, le patient risque quand même de mourir. C’était la bonne réponse ! » Tout une métaphore du mode de fonctionnement de Maggie De Block, qui refuse de se laisser submerger par le sentimentalisme.

Elle s’interrompt, réfléchit avant de reprendre la route vers Merchtem. « Je reste médecin au fond de moi. J’ai fait quelques opérations bénévoles pour Médecins du monde, il y a quelques mois. C’était comme rouler en bicyclette : cela ne s’oublie pas. Pour le moment, je n’ai pas le temps de penser au fait que ce métier me manque. Mais je sais qu’en politique, tout peut changer du jour au lendemain. Alors, je sais à quoi je me consacrerai à nouveau. » Maggie De Block sait qu’en politique, personne n’est éternel. Et que les gens attendent de leurs élus qu’ils mettent leur ego de côté. Pour agir. Sans états d’âme.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire