Pas d’imagination au pouvoir

de dorothée klein – Rédactrice en chef

Certains anniversaires interpellent. Le 1er mai 2007, le Moniteur belge publiait l’arrêté royal portant sur la dissolution des Chambres. Le 2 débutait la campagne électorale. On ne se doutait pas que le pays s’embarquait dans une zone de turbulences sans précédent.

 » Il est interdit d’interdire « .  » L’imagination au pouvoir « . Etc. Voici quarante ans, un étudiant en sociologie, Daniel Cohn-Bendit, débarquait à la Sorbonne en venant du campus de Nanterre. Dany le Rouge mettait le feu à Paris. Le mouvement de contestation se radicalisait. Mais, aux Etats-Unis et même à Strasbourg, première université touchée, cette vague émancipatrice avait commencé à souffler, un an plus tôt. En Belgique,  » Mai 68  » avait éclaté en… février. Le 7 de ce mois-là, les Flamands avaient fait tomber le gouvernement Vanden Boeynants-De Clercq, à force d’hurler  » Walen buiten «  à Leuven. Louvain était restée longtemps l’université de la bourgeoisie catholique francophone. Entre 1950 et 1960, elle s’était démocratisée et le nombre de ses étudiants avait doublé. Les Flamands se faisaient toujours plus nombreux aux côtés des Wallons et des Bruxellois. A Leuven, le mouvement antiautoritaire de Mai 68 s’était traduit par une attaque frontale contre la bourgeoisie francophone et le pouvoir des évêques attachés à l’unité de l’institution. Le splitsing de l’université a finalement scellé celui du PSC-CVP et provoqué une crise politique inédite de 132 jours.

En 1968, réformer l’Etat avait été une façon bien belge de faire la révolution. Les francophones avaient hurlé au coup de force ; les Flamands, eux, avaient dénoncé la  » tache d’huile francophone  » qui risquait de s’étendre de Bruxelles à Louvain. En effet, le succès des nationalistes de la Volksunie avait poussé le CVP à consolider son identité flamande.

Quarante ans plus tard, l’histoire semble se répéter. Les Flamands se battent toujours pour l’  » homogénéité  » de leur territoire. Mais, ce lundi 28 octobre, à l’heure de boucler Le Vif/L’Express, le monde politique était enfermé dans un dilemme. 1. Impossible de savoir si les députés flamands étaient prêts à voter, ce 30 avril ou le 8 mai, en séance plénière à la Chambre, la scission de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde, comme ils l’avaient fait en commission de l’Intérieur, le 7 novembre dernier. Ni si, dans cette hypothèse, le gouvernement Leterme Ier allait tomber. Et provoquer le retour aux urnes. En 1968, les partis nationalistes avaient gagné les élections anticipées. Aujourd’hui, ces dernières feraient, en plus, le jeu du Vlaams Belang.

2. Ce 28 octobre, il n’était pas davantage possible de prévoir si le parlement wallon allait plutôt engager une procédure en conflit d’intérêts, à l’instar de la Communauté française à l’automne dernier. But : éviter le pire et  » geler  » le dossier pendant quatre nouveaux mois. Quoi qu’il en soit, crise de régime ou nouveaux atermoiements, l’imagination ne semble plus au pouvoir. Et notre technologie institutionnelle montre clairement ses limites. Il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître : notre système belge dysfonctionne. l

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