Les Wallons sautent sur Anvers !

Mais ce n’était qu’un exercice… Objectif : mieux planifier l’évacuation de ressortissants.

Ecole Sint-Willebrord à Berchem, dans un quartier aéré du Grand Anvers. Des rebelles des Portland Freedom Fighters retiennent une vingtaine d’élèves et leurs deux professeurs. Des paracommandos du 2e bataillon de Flawinne s’apprêtent à donner l’assaut. Au coin de la Jan Moorkensstraat, deux d’entre eux prennent position derrière une voiture. L’attente est longue. La boulangère observe la scène. Des passants prennent des photos. Des gamins rient. Soudain, des crépitements : un camion déboule, une vingtaine de soldats sautent en marche, abattent deux rebelles, se ruent dans le bâtiment.  » Y’a de l’ennemi ici !  » hurle un para. D’autres rebelles sont neutralisés. Les otages sont mis en sécurité. Manquent deux enfants : on fouille partout. Enfants retrouvés. Dix minutes après, tout le monde s’engouffre dans des minibus. Direction : une caserne au centre d’Anvers, pour les premiers soins, ensuite Zoersel, d’où ils seront  » rapatriés  » en C-130… vers Beauvechain

Ce n’était là qu’une partie de l’opération Active Trip 07 qui s’est étalée sur une semaine parallèlement à Coxyde et à Anvers. Objectif : entraîner toutes les unités et services de l’armée en vue d’une éventuelle évacuation de ressortissants. Dans l’actualité politique belge, cette fiction couleur kaki était troublante. Sur les cartes imaginaires, la Belgique était divisée en trois Etats : le Portland (qu’on suppose en Afrique centrale) en proie à une rébellion, le Bastioland, qui met son aéroport à disposition, et… la Belgique, en format de poche. Le but était de sauver 330 Occidentaux pris au piège à Anvers, capitale du Portland. Les militaires avaient aussi pour mission de récupérer un diplomate belge et une centaine d’expatriés à Coxyde, avec évacuation par voie maritime ! Même si 6 000 kilomètres séparent fictivement la Belgique du Portland, on était parfois dans un rêve éveillé, avec ces figurants flamands sauvés par des paras wallons…

Une coopération internationale nécessaire

Cet exercice, le plus important en 2007, aura impliqué près de 2 500 militaires émanant des quatre composantes de l’armée belge. L’invitation avait été lancée aux pays voisins, mais seule la France a répondu présent en envoyant 120 soldats basés à Castres. Affectés à l’un des forts d’Anvers, censés représenter les différents points de ralliement, ils devaient accueillir les  » rescapés « , les enregistrer, fouiller et ravitailler. Le tout en s’exprimant par gestes ou dans un sabir franco-anglais.  » La coopération avec les Français se passe bien, commente le général-major Eddy Testelmans, chef de la composante Terre de l’armée, et qui dirigeait l’exercice. Nous avons souvent les mêmes intérêts. C’est important pour l’avenir, car les opérations d’évacuation ne se feront plus jamais sur une base purement nationale. « 

La dernière intervention sur le terrain date de 1994, au Rwanda, avec l’opération Silver Back. Plusieurs rotations de C-130 avaient permis d’évacuer les expatriés. Mais ce sont surtout les images de Rwandais terrorisés et suppliant qu’on les sauve qui resteront dans les mémoires. Ils furent abandonnés, et massacrés aussitôt après. Plus jamais ça ? La question embarrasse nos officiers. Pour le général Testelmans,  » la protection des civils exige de développer d’autres plans, par exemple avec l’ONU. Ce n’était pas l’ambition de l’exercice présent « . On se rappelle le film Shooting Dogs qui relate le génocide : les Casques bleus étaient autorisés à tirer sur les chiens mangeurs de cadavres, mais pas sur les massacreurs. Reste que, pour l’usage de la force, la décision n’est pas seulement militaire : elle est avant tout politique.

François Janne d’Othée

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