Des Belgo-Marocains en panne d’intégration

Faut-il incriminer la tutelle pesante du Maroc ou le manque de proactivité belge ? Les Belgo-Marocains, d’après une étude de la Fondation Roi Baudouin, sont assis entre deux chaises. Inconfortable, à tout le moins.

Désastreuse, nuancée, à contre-courant ! L’étude que la Fondation Roi Baudouin vient de publier sur l’intégration des Belgo-Marocains révèle des situations au moins aussi problématiques que lors de l’exercice précédent appliqué aux Turcs de Belgique (2008). Venant d’une institution aussi respectable que la FRB, la démarche ne peut être qualifiée de  » raciste « . Et pourtant, il y avait quelque risque à se hasarder sur le terrain de l’ethnographie appliquée à un groupe particulier. Si certains clichés volent en éclats – il s’avère, par exemple, que les Belgo-Marocains sont grands consommateurs de médias belges, avant d’être dépendants des télévisions satellitaires -, en revanche, la pauvreté, le repli identitaire en lien avec la religion, les mariages arrangés-forcés sont amplement confirmés. Il sera plus difficile de minimiser cette tendance de fond, masquée par des réussites individuelles éclatantes.

Patronnée par le politologue Hassan Bousetta (ULg), l’enquête quantitative (un panel représentatif de 401 personnes) et qualitative (entretiens approfondis) a été réalisée par l’université de Rabat, avec des intervieweurs associatifs d’ici. Qui sont ces Marocains de Belgique ? D’abord des Belges ou en voie de le devenir (93,6 %). La majorité d’entre eux (67,8 %) ont accédé au territoire belge via le regroupement familial et étaient plutôt des citadins que des ruraux. L’image d’Epinal du Marocain venu faire les besognes dont les Belges ne voulaient pas en prend un coup.

En raison de cette poussée migratoire vers le Nord, le mariage est surinvesti : 45,5 % des personnes interrogées ne sont pas opposées à l’idée d’obliger les jeunes à se marier à des personnes qu’ils ne connaissent pas (45 % chez les Turcs). Les mariages mixtes, qui sont un indicateur classique du degré d’intégration, sont très peu nombreux : 8,5 % (8 % chez les Turcs). Voilà qui relativise les différences entre Turcs et Marocains…

Belges, certes. Mais les  » BM  » restent très attachés au Maroc. Près de la moitié d’entre eux se sentent un c£ur hybride, marocain et belge, le plus souvent dans cet ordre. Mais gare ! Un cinquième de la population étudiée n’éprouve de sentiment d’appartenance que pour le Maroc. Ce lien indéfectible, que l’on a constaté jadis chez les Italiens, se complique d’une donnée neuve par rapport aux immigrations anciennes : la religion. Pour 36 % de Belgo-Marocains, l’appartenance à un islam défini par l’étude comme  » abstrait et transnational  » surclasse toute autre identité. Cette qualification mériterait d’être développée, car, jusqu’à présent, l’islam marocain, de rite malékite et imprégné de mysticisme soufi, ne présentait pas d’obstacle rédhibitoire à l’intégration – le mot fait horreur aux jeunes allochtones, qui sont belges. La  » croyance dans un islam adapté aux réalités culturelles et politiques de la société belge  » recueille cependant une très forte adhésion.

L’étude recèle encore bien d’autres découvertes et confirme des intuitions. Par exemple, si 28,9 % des  » BM  » sont propriétaires en Belgique, 60,6 % ont un immeuble au Maroc. Pourtant, la situation socio-économique est catastrophique dans le panel envisagé : 32 % des actifs sont au chômage et 53 % des personnes interrogées vivraient sous le seuil de pauvreté. Maintenant que les élections sont passées, reste à savoir quoi faire d’un tel tableau, qui, de surcroît, présente des différences régionales marquées. C’est à Bruxelles que les  » BM  » se sentent les plus heureux et ont le plus d’amis belges…

MARIE-CÉCILE ROYEN

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