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Foi et politique: Richard Fourneaux, « Je n’aurais eu aucun problème avec Jésus »

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Nos élus ont-ils la foi ? Une foi ? S’appuient-ils sur d’autres convictions philosophiques pour traverser leur vie, y compris politique ? Sont-ils plutôt agnostiques ? 15 d’entre eux ont choisi d’en parler. Dont Richard Fourneaux, bourgmestre MR de Dinant.

« Je n’aime pas que l’on mette des gens dans des cases. On ne dit pas assez qu’on évolue, en fonction de ses expériences de vie. On n’est pas cliché, pour toujours, dans le bain dans lequel on vous a trempé à la naissance. Mes parents étaient de petits entrepreneurs. Mon père était catholique par habitude mais on ne le voyait guère à la messe. Même à la cérémonie de ma communion, il n’est arrivé qu’à la fin. Ma mère était catholique, non pratiquante.

Enfant, j’ai été dans une école libre, non par choix mais par facilité. C’est d’ailleurs un de mes professeurs qui m’a proposé de prendre une carte de parti au PSC. J’ai aussi été très impliqué dans le mouvement de jeunesse du patro, où j’ai été actif de 6 à 24 ans.

J’ai vécu mon évolution personnelle comme un drame. Longtemps, je me suis conformé aux cases dans lesquelles on voulait que je me range. Jusqu’à me marier, en 1991. Je n’ai découvert mon homosexualité qu’un peu plus tard, à 28 ans. Personne ne me croit quand je dis ça, mais c’est vrai. Cette découverte a été insupportable pour moi. Elle est intervenue alors que plusieurs dossiers éthiques étaient en débat au Parlement. Or sur ces sujets, j’étais plutôt perçu comme de droite, et très en pointe, contre Joëlle Milquet. Un enfer, pour moi. Un sentiment de culpabilité et de honte, du fait du mensonge permanent dans lequel je vivais. Je faisais semblant. Je n’en parlais pas. J’aurais eu trop peur des conséquences. J’ai traîné quelques années comme ça. Avec le recul, je m’aperçois que c’était une erreur. Dans le clergé, j’ai rencontré par la suite bien des gens ouverts et compréhensifs.

Tenez, par exemple : il y a quelques années, les pères-abbés m’ont invité pour les 800 ans de l’Abbaye de Leffe et m’ont demandé si je venais accompagné. Je me suis retrouvé à table, avec mon compagnon, aux milieu de tous les pères abbés de la congrégation, venus du monde entier. J’étais, avec mon compagnon, le seul  »civil » de la table. Nous avons parlé de plein de choses passionnantes. Pourquoi donc avais-je eu si peur ?

J’ai la foi et je le revendique, même pour quelqu’un qui vit différemment. Je pense que ma foi a une influence sur mon action politique. J’ai un profond sens social. Je me décarcasse pour les gens. Je n’ai pas une doctrine chrétienne. Mais c’est inné, du fait de mon milieu et de mon éducation. Plus j’avance en âge et plus je suis attiré par cette réflexion sur la foi. Auparavant, je n’y réfléchissais pas. Mon parcours de vie m’y a obligé.

Avec le temps, je deviens plus militant. A Dinant, par exemple, j’ai renforcé le pôle hospitalier chrétien, au détriment du pôle public. D’abord parce que les Petites soeurs de pauvres en sont de très bonnes gestionnaires. Ensuite parce que je trouve, chez elles, des valeurs que je ne retrouve pas dans le second, une manière particulière d’appréhender la personne. Ce choix-là est militant.

Je prie, oui. Pendant 14 ans, j’ai beaucoup prié. Je vais à la messe souvent. Je connais la vie de Jésus. Si j’avais vécu à son époque, je n’aurais eu aucun problème avec lui. Je ne vois donc pas pourquoi j’en aurais avec ses héritiers. Je veux revendiquer le droit de vivre ma vie personnelle tout en conservant mes convictions catholiques. Le vrai message de l’Eglise n’est pas si mal que ça, au fond. Revenons-y. Le pape François 1er va-t-il réussir à faire bouger le curseur ? J’ai cette impression. S’il parvient à réconcilier le message initial de l’église avec l’évolution de la vie, il peut faire quelque chose de grand.

En Belgique, il y a des débats qu’on ne peut plus avoir, du fait de la confrontation entre l’histoire judéo-chrétienne et les autres religions. Je ne vois pas pourquoi on ne peut pas promouvoir et revendiquer le passé qui est le nôtre, notamment face à la montée de l’islam.

Mon militantisme catholique vient d’une certaine crainte de voir le monde islamique gagner en importance dans la vie publique. Il faut oser revendiquer ce que nous sommes, dans un esprit d’ouverture, bien sûr, mais il y a des limites au principe de tendre la joue droite. On doit défendre nos valeurs. Etre ouvert ne doit pas devenir se faire bouffer.

C’est comme si le milieu politique avait peur de s’afficher. Je ne sais pas si c’est un calcul politique ou s’il s’agit de quelque chose de plus profond. Il est vrai que certaines positions dogmatiques de l’Eglise n’ont rien arrangé. Moi, je suis peintre en bâtiment à l’origine, je ne suis pas philosophe, ni théologien. J’analyse les choses comme tout le monde. Et je constate que le dogme de l’Eglise ne correspond plus à la réalité. Je me demande s’il n’y a pas un mensonge permanent de l’Eglise, dans laquelle on trouve deux discours : celui de la hiérarchie et celui du terrain, qui sont totalement différents. Sur le terrain, moi, je n’ai jamais eu le moindre problème ou la moindre réflexion, même indirecte, sur mes choix de vie, de la part d’un membre du clergé, alors que je suis gay et que j’ai en outre quitté le PSC.

Au MR, on ne m’a jamais parlé de ça. La croyance des uns et des autres n’a aucune importance dans ce parti. Au PSC, certains m’ont reproché de partir en faisant jouer la question du catholicisme. Mais c’est Joëlle Milquet qui a ouvert la porte : en enlevant le C de PSC, elle a rendu leur liberté aux chrétiens qui voulaient aller ailleurs.

Dans son chef, ce changement de nom n’était pas une question de marketing politique. Elle voulait faire évoluer le parti, en profondeur, y compris sur le programme et l’éthique. J’étais contre le changement de nom. D’abord parce qu’à Bruxelles et en zone rurale, la tradition de la pratique religieuse était très différemment respectée. Ensuite, même si la référence chrétienne était fragilisée, je n’étais pas convaincu que la référence à l’humanisme soit assez solide pour les gens.

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