Le fléau négligé

Cette pathologie continue d’être mal diagnostiquée, insuffisamment soignée et sous-estimée par les patients comme par le corps médical

Voici une bien curieuse maladie: potentiellement mortelle, elle est souvent anodine si elle est bien soignée. En constante augmentation (doublement en quinze ans, actuellement première affection chronique chez l’enfant), mais peu prise au sérieux par les patients eux-mêmes et, parfois, sans attention particulière de la part du corps médical. Pathologie à part, l’asthme – puisque c’est de lui qu’il s’agit – a fait l’objet, le 7 mai, d’une journée mondiale de sensibilisation.

Cette maladie continue à faire peur et à être niée. Pour preuve, ces données étonnantes issues d’une enquête réalisée, en France, en 1999 auprès de 1 771 asthmatiques : malgré l’efficacité avérée des traitements existants, malgré les recommandations internationales, un quart seulement des malades se disaient prêts à prendre les médicaments nécessaires. Un tiers d’entre eux étaient effrayés à la perspective de se traiter à vie, plus de 1 sur 10 estimait qu’on pouvait s’en passer. Près de 30 % pensaient même que les médicaments proposés étaient « mauvais » et « non nécessaires »!

Pourtant, on peut mourir d’une crise d’asthme. Ce constat est d’autant plus difficile à accepter que, dans une grande majorité des cas, ces décès auraient pu être évités. En effet, une prise en charge satisfaisante de cette maladie est possible. Mais encore faut-il d’abord la diagnostiquer puis la traiter, ce qui est loin d’être le cas pour les 5 à 8 % d’asthmatiques que compte la Belgique.

Rappelons que cette altération inflammatoire des voies respiratoires se traduit par l’un des quatre facteurs suivants: essoufflement rapide et inexpliqué, toux rebelle la nuit, poumons qui sifflent, difficulté à respirer normalement. Sa sévérité est très variable. Un appareil, appelé spiromètre et évaluant le débit expiratoire maximal, permet d’apprécier son degré de gravité. « Appelé à se généraliser dans les cabinets des médecins, il complétera leur nécessaire interrogatoire des patients », explique le Pr Paul De Vuyst, chef du service de pneumomologie à l’hôpital Erasme (Bruxelles) et professeur à l’ULB. En effet, diagnostiquer un asthme, aux symptômes respiratoires d’une grande banalité, n’est pas toujours facile. « Face à une bronchite, et en particulier chez les enfants, certains médecins ont tendance à diagnostiquer- à tort – une pathologie infectieuse, alors qu’il s’agit bien de cette maladie inflammatoire, précise le Pr De Vuyst. De même, la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), qui frappe les fumeurs, est parfois confondue avec l’asthme. Actuellement, des tests permettent cependant de faire la différence entre ces deux pathologies. »

Traitements efficaces

En fait, les médecins ne sont pas les seuls à sous-estimer cette maladie. C’est, aussi, le cas de ceux qui en souffrent. Une enquête française avait montré que 8 % des asthmatiques interrogés pensaient souffrir d’une forme grave de la maladie, alors qu’en fonction de critères objectifs ils étaient 21 % dans ce cas. Selon une étude de l’ULB et de la VUB, la moitié des adultes asthmatiques sous-évaluent la sévérité de leur affection. « En fait, très souvent, raconte le Pr De Vuyst, ces malades s’accommodent assez bien de leur handicap. Ils s’habituent à leur état chronique, au fait de vivre moins vite, moins bien, à ne plus sortir les jours de grande pollution, à supporter de ne plus faire de sport. Pendant la consultation, il ne faut donc pas se contenter de leur « Tout va bien » et les interroger avec précision pour déterminer leurs besoins de traitements réels. »

Selon l’enquête Aire, réalisée en 1999 auprès de 3 500 asthmatiques dans sept pays européens, un tiers des patients se réveillent la nuit au moins une fois par semaine. Plus de la moitié des adultes ont éprouvé un ou plusieurs épisodes de gêne respiratoire au cours du mois précédent. Et près de 1 enfant sur 2 a dû manquer l’école pour ce motif. Au total, 30 % des patients ne seraient pas pris en charge. « Pourtant, dans une très grande majorité des cas, un traitement de fond, remboursé et sans effets secondaires, y compris chez l’enfant, permet réellement de contrôler la maladie de manière efficace. Il redonne en très peu de temps une vie normale avec, dans certains cas, des résultats spectaculaires. »

En fait, le caractère variable de cette maladie dépend de facteurs externes qui l’influencent, comme la pollution (y compris dans les maisons avec, entre autres, la présence de poussières ou d’acariens), le pollen, les virus, etc. Mais la régularité du traitement joue également un rôle essentiel dans le contrôle de la maladie. Or les patients ont souvent tendance à négliger leur indispensable suivi médicamenteux. A eux aussi, pourtant, de se prendre en charge…

Vincent Olivier et Pascale Gruber

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