L’Orange au goût amer

Autoritaire et intransigeant, le fils du dernier stadhouder de la Maison d’Orange s’est rendu de plus en plus impopulaire aux yeux des Belges. Au point de les conduire à l’insurrection.

Financier perspicace, homme d’affaires avisé, travailleur consciencieux, voilà un roi bourré de talents ! Mais si Guillaume Ier a des qualités d’homme privé, il en a peu d’homme d’Etat. Avant de se retrouver, par la volonté des puissances, à la tête des Pays-Bas – royaume unitaire dont les limites sont celles du Benelux actuel -, le fils aîné du dernier stadhouder a vécu pendant près de vingt ans en exil. De quoi perdre le sens du gouvernement. Et gagner une mentalité de despote plus ou moins éclairé.  » Que sont les ministres ? Rien du tout !  » affirmait-il.

Sur le plan économique, les provinces méridionales n’ont pas à se plaindre de l’amalgame néerlando-belge. Le roi fait réaliser des travaux d’infrastructure (routes, canaux), crée la Société générale, développe l’industrie… Mais la politique linguistique du souverain suscite le mécontentement. A partir de 1823, il impose le néerlandais comme langue officielle unique de l’administration et de la justice dans les provinces de langue flamande et à Bruxelles. L’extension de cette mesure aux régions wallonnes est envisagée. Ces arrêtés linguistiques inquiètent les Wallons, mais aussi la bourgeoisie belge, qui est francophone. Le roi réserve en outre aux Hollandais la majorité des postes de commande de l’Etat, de l’administration et de l’armée.

Le roi renoue, en outre, avec la politique joséphiste : il veut écarter le clergé de l’enseignement, dont le monopole doit revenir à l’Etat. Il ferme les séminaires, remplacés, en 1825, par le  » collège philosophique  » de Louvain. Cette politique anticléricale est dénoncée en Flandre et dans les milieux catholiques qui, paradoxalement, regardent désormais vers la France et les idées de Lamennais – très populaire en Belgique – sur la liberté de l’enseignement et celles de presse et d’association.

Les catholiques et jeunes libéraux belges finissent par faire cause commune contre Guillaume, mais le roi récuse tout projet de réforme. Pis : son gouvernement multiplie les procès de presse, fait arrêter les leaders de l’opposition. Pourquoi cette intransigeance ?  » Accepter un régime représentatif et parlementaire revenait à donner aux Belges la majorité politique dans le royaume des Pays-Bas « , explique l’historienne Marie-Thérèse Bitsch, auteure d’une Histoire de la Belgique. Quinze années de vie commune ont élargi le fossé qui sépare les Belges des Hollandais. Cette période a vu se cristalliser un sentiment national belge en gestation depuis longtemps.

La crise économique qui frappe la Belgique au lendemain de l’indépendance favorise une nouvelle poussée de l’orangisme, surtout parmi la bourgeoisie de Gand, les milieux commerçants d’Anvers et les industriels comme Cockerill. Mais la tentative de reconquête du pays lancée par Guillaume Ier, en août 1831, le discrédite plus encore aux yeux des Belges. Tout comme son refus, pendant huit ans, d’accepter les clauses du traité des XXIV articles.

Le monarque sexagénaire abdique en 1840. Il peut ainsi épouser, sans provoquer de scandale, Henriette d’Oultremont, sa maîtresse depuis près de trente ans, issue de la noblesse liégeoise. Premier responsable du divorce belgo-néerlandais, le roi protestant hollandais s’est uni à une catholique belge !

O.R.

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