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Envie de voir la vie rose ?

Le Vif

Les temps troublés ont accru le désir d’optimisme. Mais comment et où le trouver ? Grâce aux dernières recherches scientifiques, on sait comment l’évaluer et le booster. Tout en cultivant un certain pessimisme… qui peut aussi avoir de bons côtés.

Depuis plusieurs décennies, le psychiatre et psychologue français Alain Braconnier traque les secrets de la psychologie humaine. Auteur de grands succès comme Les filles et les pères, Petit ou grand anxieux et Etre parent aujourd’hui, il explore dans son dernier ouvrage (1) les voies de l’optimisme, source de multiples bienfaits, et livre les réponses et les clés pour changer d’état d’esprit. Le Vif/L’Express : Pourquoi un livre sur l’optimisme ? Alain Braconnier : Ma vie professionnelle m’a amené à rencontrer des personnes angoissées, souffrant d’un mal-être, qui cherchaient à retrouver de l’optimisme. L’optimisme est très important, c’est un besoin humain comme manger et dormir. Quand on en manque, on ne dort pas. Par ailleurs, j’ai toujours été agacé par les travaux sur le bonheur qui est difficile, complexe et qui dépend de chacun. Quand il s’agit de l’optimisme, en revanche, on sait de quoi on parle. Les travaux scientifiques, essentiellement anglo-saxons, sur les bienfaits de l’optimisme sont très nombreux. Je me suis dit que ce serait dommage de ne pas les faire connaître au public francophone. Comment définissez-vous l’optimisme ? Il n’est pas synonyme de bonheur ni de bien-être. Il se définit par deux caractéristiques. Tout d’abord, il désigne la capacité d’avoir une vision plutôt agréable du futur. Ensuite, il indique la capacité d’expliquer les événements tels qu’ils vous arrivent et dont on peut tirer des aspects positifs, par exemple voir un verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. L’optimisme est un trait de personnalité. Il y a deux types d’optimistes : des optimistes momentanés qui vivent des états où ils se sentent optimistes, et des optimistes de fond qui possèdent les deux caractéristiques. Quels sont les arguments scientifiques en faveur d’une part génétique de l’optimisme ? Naît-on optimiste ? Les études sérieuses portant sur la comparaison de « vrais » et de « faux » jumeaux pointent environ 20 à 25 % de génétique dans le caractère optimiste. Donc, oui, on peut affirmer que certains naissent plus optimistes que d’autres. Le cerveau est influencé par la génétique. Cela dit, grâce à la découverte de la plasticité cérébrale, nous savons aujourd’hui que rien n’est figé dans le cerveau. Il se construit à tout âge. De nouvelles connexions cérébrales s’établissent en relation avec l’éducation, les expériences de la vie et le désir de rejeter le pessimisme quand celui-ci devient trop envahissant. Devenir optimiste n’est pas une question de volonté, dites-vous. Comment trouver la motivation pour retrouver l’optimisme ? Oui, ça ne se décide pas. Il faut d’abord se reconnaître, savoir qui l’on est, s’évaluer, éventuellement à l’aide de tests et questionnaires. L’optimisme se communique, il faut savoir se tourner vers les personnes positives, refuser la plainte collective qui peut fasciner et être contagieuse, trouver des aspects favorables à chaque situation. Il n’y a pas de baguette magique. L’optimisme se recherche et cette recherche demande du temps et du travail. Le résultat est toujours très positif, car « on va vers »… Peu à peu, on peut changer. Avant de s’adresser à un professionnel, il faut essayer par soi-même. Pourquoi dites-vous qu’il faut être un peu « fou » pour être optimiste ? Dans l’optimisme, il y a un petit côté « illusion », une prise de risque, une recherche de frissons qui permet de rester en éveil. Il faut retrouver la légèreté, le petit grain de folie et l’insouciance. Nous sommes tous des enfants à la recherche d’un monde merveilleux et fantastique. Selon vous, nous devons chercher l’optimisme là où il se trouve, dans la petite enfance. Pourtant, la régression n’a pas bonne presse… Oui, la régression a une connotation négative car elle est l’inverse de la progression et elle incite à ne pas progresser. Il faut être responsable, sérieux et mature. Je pense à la régression au sens positif du terme dans la mesure où je dis qu’il faut s’autoriser à se donner des libertés. Quand on est en vacances, on cherche des activités qui donnent du plaisir : on joue, on rêve, on se réveille plein de désir et d’énergie. Comme un enfant, on s’ouvre au monde et on croit à l’impossible. C’est ça, « régresser ». Notre société nous offre beaucoup de tentations, mais nous avons perdu le sens de l’émerveillement. Il faut réapprendre à s’émerveiller des choses simples. Quels sont les bienfaits de l’optimisme ? Tout d’abord, il produit des effets positifs sur la santé physique. Une personne de caractère optimiste a une meilleure qualité de vie et une durée de vie plus longue. L’optimisme influe aussi sur la santé morale. Je donne souvent l’exemple des femmes qui viennent d’accoucher. Chez les optimistes, le baby blues est moins long et débouche rarement sur une dépression post-partum. L’optimisme change la relation au monde, à l’autre. On va vers l’autre, on est attiré par l’autre, on développe une vie sociale. L’optimisme a des effets positifs sur la confiance en soi et sur l’estime de soi. Chez les enfants, on a constaté une influence positive sur les résultats scolaires. Les bienfaits de l’optimisme, très nombreux, ont été tous confirmés par des travaux scientifiques. Vous prônez un optimisme « intelligent », plutôt modéré, car, selon vous, l’optimisme excessif n’est pas bon. Comment trouver le bon dosage ? Parmi les optimistes excessifs, je classe ceux qui font semblant, qui crânent. On le sent tout de suite. Ensuite, il y a l’optimisme béat qui est le déni de la réalité. Dans l’optimisme par la méthode Coué, on se voile la face. Il s’agit d’une fuite, tout ne va pas bien. Il faut aussi mentionner la « maladie d’idéalité » qui suscite un optimisme irréaliste, parfois délirant, et touche surtout les mégalomanes. Il vaut mieux être profondément que totalement optimiste. L’optimisme doit être privilégié mais le pessimisme doit vous habiter de temps en temps car il permet d’anticiper les difficultés et de contrôler les choses. Le pessimisme peut être une source de créativité, chez les artistes, par exemple. Il y a aussi le « pessimisme défensif », autrement dit une stratégie mentale visant à se préparer aux événements stressants. Ce mode d’anticipation permet d’être plus rassuré le moment venu et de réussir mieux que prévu. Le pessimisme n’a pas que des mauvais côtés. Quelles sont les meilleures psychothérapies pour devenir optimiste ? Dans une psychothérapie, environ 50 % des résultats reposent sur l’alliance thérapeutique. Il est important de tomber sur un thérapeute à qui l’on attribue le pouvoir et la capacité de vous aider. La confiance est primordiale. Il y a deux types de thérapies. La « psychologie positive » aide à comprendre les schémas de pensée et à en changer. Cette thérapie est assez courte, concrète, mais moins profonde. L’approche psychanalytique, en revanche, s’intéresse au sous-jacent, aux racines de ces schémas : on travaille sur les traumatismes et sur l’éducation. Cette thérapie est plus longue et plus réflexive. L’important est que la personne ressente naturellement et instinctivement ce qui lui convient le mieux.

(1) Optimiste, par Alain Braconnier, Odile Jacob, 304 p.

Entretien : Barbara Witkowska

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