Carte blanche

« Peu d’entreprises belges sont à la recherche de travailleurs avec un handicap mental »

Les employeurs belges font preuve d’engagement social, de flexibilité et de compréhension envers les employés désavantagés sur le marché du travail. Cependant, en raison du manque de connaissances, cette responsabilité sociale ne se traduit pas au niveau de l’emploi dans le circuit économique classique (CEC). Telle est la conclusion des responsables de ID@Work, le projet visant à créer un rapprochement entre les employeurs du CEC et des travailleurs avec un handicap mental.

Dans le cadre de ID@WORK (Intellectual Disability at Work), nous avons effectué un an et demi de recherches conjointement avec l’Antwerp Management School et HEC Liège à propos de l’inclusion des travailleurs avec un handicap mental dans le circuit économique classique. Nous avons rédigé un livre blanc et avons interrogé plus de 250 employeurs via un test (www.inclusionautravail.be).

Deux chercheurs avec un handicap mental ont rejoint nos scientifiques. Si nous nous étions basés sur leurs diplômes, jamais ils n’auraient décroché ce job, alors que leurs points de vue se sont avérés un enrichissement pour l’enquête. Ce qui ne fait que confirmer que le jobmatching, ou appariement d’emploi, demeure un élément essentiel pour combler les postes vacants. Les employeurs, et par extension toutes les agences de recrutement ou de placement, etc., doivent se concentrer sur les talents, les compétences et la motivation des employés et ils doivent faire correspondre ces atouts aux tâches à accomplir. Le screening automatique des CV constitue un premier obstacle pour la mise au travail dans le CEC des personnes avec une déficience intellectuelle.

Autre obstacle : la résistance au travail inclusif. À titre personnel, nous nous sommes heurtés aux principes d’un médecin d’une mutuelle. Il a refusé de déclarer notre chercheur avec un handicap mental « bon pour le service ». Nous avons résolu le problème en changeant de mutuelle.

Troisième facteur pour expliquer le pauvre degré d’emploi des personnes avec un handicap mental dans le CEC : le dédale administratif auquel sont confrontés les employeurs.

Enfin, dernier obstacle : le manque de connaissances. Notre étude a montré qu’une majorité des entrepreneurs souhaitant engager une personne avec un handicap mental sont mus par un engagement social. Les chiffres montrent une grande volonté en termes de flexibilité dans la composition des tâches, l’accompagnement, les horaires de travail, jusqu’à l’investissement dans le développement personnel. Mais les résultats de l’étude nous apprennent que ces mêmes employeurs ne savent pas quelles sont les tâches qu’ils peuvent attribuer aux personnes avec un handicap mental, qu’ils craignent une forme de résistance au sein du personnel et une perte de rentabilité, et enfin qu’ils n’ont pas la moindre idée des instances auxquelles il faut s’adresser pour obtenir des aides publiques, pour trouver le statut adéquat pour leur employé ou bénéficier de conseils au travail.

En notre qualité de business schools, nous avons abordé la problématique du point de vue du management. Il fallait trouver la réponse à la question fondamentale : comment pouvons-nous aider les employeurs à traduire leur engagement social au niveau du travail et libérer un potentiel incroyable de collaborateurs motivés et talentueux ? Sur base de notre étude, du livre blanc et du test réservé aux employeurs, voici le top 5 des actions susceptibles de faire avancer les choses en matière d’emploi durable d’une personne avec un handicap mental.

1. La préparation

Si une relation personnelle entre l’employeur et l’employé avec un handicap mental est à l’origine du recrutement, cette relation ne peut en aucun cas devenir une initiative personnelle de l’employeur. Impliquer le personnel dans l’intention, informer les collègues immédiats : voilà comment transformer cette initiative en un engagement social partagé et une décision stratégique portée par toute l’entreprise.

2. Primes et accompagnement

Il est recommandé aux employeurs souhaitant engager un travailleur avec un handicap (mental) de solliciter de l’aide et ce, dès la phase de l’intention. En Wallonie, ils peuvent s’adresser à l’Aviq et à Bruxelles, au Phare. En Flandre, il existe 11 GOB, des agences d’orientation spécialisées, de médiation et de formation. Tous ces services peuvent fournir de l’aide en vue d’obtenir des primes et du coaching.

3. Le jobmatching

Il est impératif de se rendre compte des connaissances et des compétences des travailleurs avec un handicap mental.

Il est impératif de se rendre compte des connaissances et des compétences des travailleurs avec un handicap mental. Ces notions peuvent s’acquérir au travers de discussions préparatoires et/ou d’un stage dans le milieu du travail. Composez l’éventail des tâches ensemble sur la base des compétences et rectifiez si nécessaire.

4. L’empowerment

Il existe de nombreuses raisons pour agir « autrement » avec le collègue avec un handicap mental. Mais une trop grande tolérance s’avère contre-productive. Tout collègue qui ne respecte pas les accords doit être rappelé à l’ordre. Une attitude (trop) protectrice peut entraîner un manque d’initiative dans le chef du travailleur avec un handicap mental.

5. Le réseau

S’associer avec d’autres entreprises qui emploient également des travailleurs avec un handicap (mental) renforce l’expertise et l’expérience. Envisagez également la constitution d’un réseau avec des parents, des associations de soutien social et/ou d’autres partenaires pour échanger des informations sur l’employé et ses réalisations. Très utile lorsque la mission du service d’orientation vient à son terme.

Nous sommes particulièrement heureux que ID@Work ait été repris dans la note politique de la Secrétaire d’État Zuhal Demir. Nous saisissons cette occasion pour inciter le gouvernement à simplifier les procédures en vue de l’obtention de subventions et d’accompagnement. Nous plaidons en faveur d’un ajustement du soutien financier aux personnes avec un handicap (mental) qui font leur entrée sur le marché du travail.

Par exemple, une personne qui a droit à une allocation d’intégration risque de la perdre si son revenu franchit un certain seuil. Une mesure que nous comprenons pour la durée du contrat de travail. Mais au terme de ce contrat, la personne doit répéter tout le processus. Résultat : l’employé potentiel tentera de limiter ses heures de travail afin de ne pas perdre l’allocation, ce qui n’est nullement profitable pour l’employeur. Enfin, il faudrait mettre un terme à la fragmentation des organisations d’accompagnement. Il en existe des dizaines offrant du coaching. Chacune avec ses propres connaissances et expertise. En raison de la concurrence, la collaboration entre ces fournisseurs de services peut être qualifiée de sous-optimale, voire inefficace. Il en résulte une perte de connaissances.

Donc, nous serions très reconnaissant au gouvernement de favoriser un marché de l’emploi plus inclusif. Merci aux employeurs pour votre engagement social. Merci aux travailleurs avec un handicap mental de nous montrer votre motivation. Nous avons un grand besoin de tous les talents.

Prof. dr. Bart Cambré, Directeur de la recherche Antwerp Management School, Prof. dr. Benjamin Huybrechts, Chargé de cours HEC Liège et Anouk Van Hoofstadt, Project Manager ID@Work.

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