Se résigner à acheter plus petit à Bruxelles

La région de Bruxelles-Capitale reste la plus chère du pays. Une maison y coûte en moyenne 360 000 euros et un appartement 210 000 euros. Solution pour les amateurs : acheter plus petit.

Le rouleau compresseur du marché immobilier bruxellois est en route « , assure d’emblée Gaétan Bleeckx, notaire à Saint-Gilles. Et cette fois-ci, la capitale semble bien en selle. Bruxelles a connu, en effet, en 2011, une des plus fortes progressions d’activité immobilière à l’échelle de la Belgique, affichant 5,2 % de transactions supplémentaires au compteur par rapport à 2010. Une sérieuse accélération, qui contraste avec le piètre +0,8 % obtenu l’année précédente et l’inquiétant -15 % qui avait défrayé la chronique en 2009. La crise financière a beau se faire menaçante, l’année 2011 est vraisemblablement celle de la reprise pour le marché immobilier bruxellois. Reprise qui survient  » plus tardivement que dans les autres régions « , relève Me Robert Langhendries, dont l’étude est située à Uccle. De là à dire que l’on est revenu au niveau d’avant crise – économique, celle-là – il y a un pas… que les deux notaires sont prêts à franchir.

Les observateurs les plus suspicieux noteront tout de même que le marché n’est pas encore  » tout à fait  » comparable à ce qu’il a été par le passé. En effet, l’indice de l’activité de l’année écoulée culmine à 95,6. Or l’indice 100 fixé par la Fédération royale des notaires est celui obtenu au 3e trimestre de l’année 2007… juste avant la crise, donc.

Heureusement, il y a les prix pour rattraper le tir et balayer les dernières hésitations. Car, en la matière, Bruxelles reste la région la plus chère. En ce qui concerne les maisons d’habitation, elle parade sur le podium, du haut de ses plus de 360 000 euros de moyenne, loin devant la Flandre (environ 230 000 euros) et la Wallonie (165 000 euros). Soit une hausse de plus de 8 % par rapport à 2010. Les appartements n’ont pas brillé autant, 2,8 % d’augmentation  » seulement « , amenant les candidats-acquéreurs à débourser 210 000 euros, en moyenne toujours. De quoi tenir tête de justesse à la Flandre (208 000 euros) et battre la Wallonie (150 000 euros) à plates coutures.

Comme souvent, derrière ces moyennes se cachent de grandes disparités. Que permet de mettre en lumière l’analyse des prix médians (qui excluent les extrêmes du calcul). Laquelle est encore plus favorable à Bruxelles en termes d’augmentation des prix, puisqu’elle attribue une hausse de 11,8 % aux maisons d’habitation, et de 5,4 % aux appartements.

Bruxelles sous la loupe

Le marché immobilier bruxellois est unique en son genre en Belgique. On y trouve le plus d’appartements, de maisons de rapport et de maisons de maître. Et, proportionnellement, le moins d’unifamiliales. Un comble quand on sait que c’est le bien qui y est le plus recherché. Le moins de terrains à bâtir, aussi, que les notaires ne prennent même plus la peine d’intégrer dans leur analyse, tant les prix atteignent des sommets dès qu’une poignée de mètres carrés de terre en friche font son entrée, royale, sur le marché. Font défaut également aux chiffres annuels du notariat bruxellois les garages et les kots étudiants, pourtant des produits très prisés et au rendement important.  » Mais tout aussi impossibles à interpréter, vu, dans le cas des garages, le peu de transactions et, dans celui des logements étudiants, l’absence d’information quant à l’usage que fera un acquéreur de son bien. Rien n’indique, en effet, dans l’acte de vente d’un logement, qui l’habitera, précise Gaétan Bleeckx, qui se permet tout de même quelques observations. Cela dit, comme les terrains, les garages affichent des prix fous. C’est la rareté qui fait le tarif. A titre d’exemple, j’en ai vendu quelques-uns entre 40 000 et 60 000 euros, et même un à 100 000 euros dernièrement ! Mais c’est là quelque chose de tout à fait anecdotique. Impossible de donner ici un chiffre représentatif du marché. « 

Autre particularité du marché immobilier bruxellois à mettre en avant : le nombre important de communes – 19, tout de même – aux caractéristiques propres et bien définies. Le tout sur un territoire plutôt étriqué. Ce qui donne lieu, bien souvent, à un changement radical de paysage, d’une rue à l’autre. Et il en va de même des prix. Autant de goûts, de couleurs et… de budgets avec lesquels les candidats-acquéreurs se trouvent plus ou moins d’affinités.

Des prix fort disparates

En passant chaque commune au peigne fin, on s’aperçoit que le peloton de tête de l’année 2011 est tout autre que les anciens champions en date. On peut même parler de dégringolade pour Etterbeek, qui perd sa première place du classement des maisons d’habitation les plus onéreuses, et tombe au 6e rang (-0,6 %, 390 000 euros). Lui succède un duo de communes, Woluwe-Saint-Pierre et Uccle, dont les tarifs s’envolent littéralement (respectivement + 25 % et + 28,6 %, 450 000 euros). Ixelles suit de près (+ 18,2 %, 437 250 euros), tandis que, dans le bas du tableau, on trouve Koekelberg (- 4,5 %, 253 000 euros), Forest et Neder-over-Heembeek ex æquo (respectivement – 27,9 % et – 11,4 %, 252 500 euros), et Molenbeek-Saint-Jean, qui referme la marche (+ 0,4 %, 241 000 euros). Des bons derniers qui n’étaient – Molenbeek excepté – pas du tout ceux de 2010, où les retardataires étaient non pas quatre, mais trois, en ce compris Anderlecht et Berchem-Sainte-Agathe.

Bruxelles-Ville (+ 22,7 %, 340 000 euros), Berchem-Sainte-Agathe (+ 17,6 %, 300 000 euros), Saint-Gilles (+ 18,6 %, 350 000 euros) et Schaerbeek (+ 23,9 %, 350 000 euros) sont à signaler également pour leurs fortes augmentations de prix. Tandis que Forest connaît la chute la plus retentissante. A se demander si ses amateurs n’ont pas tous basculé vers Uccle, dont la hausse est à peu près égale à la baisse forestoise…

Il est intéressant de noter que le prix des maisons de rapport perd 1,4 % par rapport à 2010, pour se monnayer à 350 000 euros. Soit, en détail, des prix qui s’échelonnent entre pas loin de 500 000 euros à Saint-Gilles et 480 000 euros à Ixelles jusqu’à un peu plus de 300 000 euros à Anderlecht et Laeken.  » Beaucoup de ces immeubles fourmillent d’infractions urbanistiques à Bruxelles, intervient Gaétan Bleeckx, ce qui permet peut-être d’expliquer ce refroidissement du marché. Ceux qui sont en règle partent, eux, à une vitesse ahurissante.  » Une baisse de régime qui détonne toutefois dans un contexte de crise financière, où tout porte à croire que les investisseurs, déçus par les rendements boursiers, sont en quête d’alternatives dans la brique. D’autant plus que la demande est là. La capitale compte, en effet, le plus grand nombre de locataires en Belgique, puisque 60 % des ménages y choisissent – ou y subissent – cette option, contre quelque 20 à 30 % en Flandre et en Wallonie.

Les appartements, qui constituent eux aussi un placement apprécié des investisseurs, se caractérisent par une relativement bonne santé immobilière. Trois communes tiennent le haut du pavé, affichant un prix moyen de 235 000 euros : Ixelles (+ 14,3 %), Woluwe-Saint-Lambert (+ 14,6 %) et Woluwe-Saint-Pierre (- 11 %, soit une baisse non négligeable), tandis qu’Anderlecht est bon dernier (- 3,3 %, 130 000 euros).

A noter qu’entre les deux extrêmes, certaines communes enregistrent de très bons résultats, qui frisent même l’étonnement : Bruxelles-Ville (+ 22,2 %, 220 000 euros), par exemple, mais aussi Auderghem (+ 18,4 %, 225 000 euros), Saint-Gilles (+ 18,8 %, 190 000 euros), Neder-over-Heembeek (+ 16,2 %, 179 000 euros) et Saint-Josse-ten-Noode (+ 15,6 %, 156 000 euros).

Vers des logements de plus en plus petits

Un marché immobilier est la rencontre entre offre et demande. Plus il y a de demandes, plus la concurrence est rude et plus les prix s’envolent. A l’inverse, un repli de la demande doit se concrétiser sur un repli des prix.

Comment, dès lors, expliquer la débandade des prix, qui crèvent le plafond, d’un côté, et la timide reprise du marché de l’autre ?  » Une baisse d’activité, voire une hausse plus faible ne sont pas incompatibles avec une augmentation soutenue des prix, souligne Robert Langhendries. Il s’agit de deux courbes différentes.  » Et surtout, il faut compter, à Bruxelles, avec une tendance nouvelle qui se fait de plus en plus prégnante : un changement de comportement de la part des candidats-acquéreurs.  » Avant, les gens restaient propriétaires du même bien pendant trente ans, observe Gaétan Bleeckx. Aujourd’hui, le roulement est beaucoup plus rapide. On achète plus vite, on revend plus vite. Et ce, en parallèle avec des taux d’intérêts hypothécaires toujours historiquement bas.  » Concomitamment à cette rotation plus rapide du marché, le notaire saint-gillois se fait également l’écho d’une propension des acheteurs à se tourner vers des logements plus petits. Dont la taille suit en quelque sorte les différentes étapes de la vie.  » Les jeunes sautent plus vite qu’avant le cap de la propriété, pour un bien adapté à leurs moyens, poursuit-il. Tel qu’un petit appartement ou un studio. Plus tard, en couple ou avec un jeune enfant, ils revendent celui-ci et en acquièrent un plus grand. Après quelques années, ils vendent à nouveau et se mettent à la recherche d’une unifamiliale. « 

Un comportement qui semble fort avisé, quand on sait qu’entre 2000 et 2010,  » les prix ont doublé à Bruxelles « , pointe Gaétan Bleeckx. Autant de plus-values successives qui autorisent les candidats-acquéreurs à voir toujours plus grand… alimentant par la même occasion la hausse des prix. Et donc, à retardement, l’activité immobilière de la capitale.  » Attendre avant d’acheter, c’est rater le coche, insiste le notaire. Soit on reste sur le quai, soit on monte dans le train en route… mais peut-être pas tout de suite en première classe ! « 

Un boom démographique

Cela étant, cette tendance à la hausse de prix, couplée d’une activité immobilière modérée, peut aussi être encore plus simplement expliquée par la pénurie de ces petits logements, vers lesquels tous semblent se tourner. En effet, en Belgique de manière générale, et à Bruxelles plus particulièrement, le nombre de ménages a tendance non seulement à proliférer, mais aussi, à diminuer en taille. En se rapprochant inexorablement des deux personnes par foyer. Et ce, pas tant du fait du nombre important de séparations et de ménages monoparentaux, mais plutôt en raison du vieillissement de la population. D’où une foule d’amateurs de tous âges, qui se bousculent au portillon des petits appartements et autres studios. Lesquels ont tout le mal du monde à suivre les desiderata de cette demande effrénée, avec les conséquences que l’on sait en termes de prix et de volume de transactions…

Sans oublier un phénomène majeur, qui est en passe de bouleverser le paysage de la capitale, comme de toutes les grandes villes européennes. Tous les experts s’accordent à dire, en effet, que Bruxelles est en proie à un boom démographique sans précédent. Ainsi, l’Institut bruxellois de statistique et d’analyse estime à 200 000 le nombre de nouveaux habitants qui viendront grossir les rangs de la population bruxelloise d’ici à 2020. Ce qui revient à quelque 25 000 personnes par an. A titre d’indication, la vague de nouveaux arrivants n’était gonflée, en 2011,  » que  » de 19 000 personnes. Et s’est déployée essentiellement sur les communes du centre et de l’ouest : Ixelles, Bruxelles-Ville, Schaerbeek, Molenbeek-Saint-Jean, Anderlecht. Communes dans lesquelles, à l’exception d’Anderlecht, les appartements ont connu des hausses de prix significatives. De même, le marché des maisons d’habitation semble avoir également profité çà et là de cette demande nouvelle, à l’exception de Molenbeek cette fois.

Par ailleurs,  » on a vite tendance à faire l’amalgame entre immigration et population à bas revenus, met en garde Gaétan Bleeckx. Or une étude de la Région bruxelloise rapporte que ces nouveaux arrivants sont tout autant – si pas en plus large proportion – issus des franges aisées de la société.  » Et sont plus susceptibles de jeter alors leur dévolu sur les communes de l’est de la ville, à proximité immédiate des institutions internationales.  » Autant d’argent frais qui arrive sur le marché « , sourit le notaire, au bénéfice direct des communes qui composent ledit  » croissant d’or « , d’Uccle à Woluwe-Saint-Lambert. D’ailleurs, ces allées et venues de ressortissants étrangers se font le plus souvent au départ de la France,  » les Français formant la première nationalité étrangère de Bruxelles et ayant une préférence pour Uccle et les abords de son lycée français « , complète Robert Langhendries.

FRÉDÉRIQUE MASQUELIER

Las bâtiments en règle partent à une vitesse ahurissante » Attendre avant d’acheter, c’est rater le coche « 

Les nouveaux arrivants sont tout autant issus des franges aisées de la société

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