Intégration

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Brandi comme gousse d’ail devant vampire, le mot n’est utilisé que lorsque surgit un problème. L’individu, la communauté, le pays qui, le cas échéant, aborde différemment les codes de la majorité pèche ainsi par déficit d’intégration. Et doit forcément en porter la responsabilité. Un des refrains de 2015.

Nous en avons besoin comme de pain à l’heure où tout n’est que division, morcellement, éclatement ou querelles : l’intégration s’impose comme un remède naturel aux maux de notre époque. Le mot est à la mode et revient régulièrement dans les discours, tant des politiques que des experts. L’Europe devrait davantage être  » intégrée  » parce que nous devons apporter des réponses continentales aux menaces globales, économiques ou sécuritaires. Les citoyens d’origine étrangère doivent être davantage  » intégrés  » dans notre société,  » intégrer  » ses valeurs pour éviter de se faire manipuler par le radicalisme.

Si l’intégration est une nécessité, sa concrétisation est loin d’être évidente. Quelques jours après les attentats de Paris, Paul Kumpen, nouveau patron des patrons flamands, s’exprimait sans détours :  » Il y a un problème d’intégration. On doit avoir un système qui intègre totalement. Il faut qu’on explique aux migrants comment fonctionne notre Région, notre culture.  » Et d’asséner :  » Nous ne sommes pas une civilisation à la carte.  » Pour arriver à cette fameuse intégration, c’est tout un parcours… sinueux comme le fédéralisme belge. Depuis 2004, la Flandre a mis en place un  » inburgering  » qui prévoit notamment des cours de néerlandais et d’orientation sociale ainsi qu’un accompagnement dans la recherche d’études ou d’un emploi. Dans un premier temps, les partis francophones ont rejeté cette approche trop inclusive à leurs yeux. Avant de se rendre à l’évidence : face à l’échec du modèle  » communautariste « , il leur faut réagir. Mais ça se fait dans le désordre… En Wallonie, un coup de force du vice-ministre-président CDH Maxime Prévot ouvre la voie à un parcours d’intégration obligatoire. En Région bruxelloise, en revanche, là où c’est le plus nécessaire, il ne sera que facultatif : la faute à un manque de volonté politique, et surtout à l’ampleur budgétaire que représenterait un tel dispositif.

Faut-il qu’il soit trop tard pour qu’on se lève ? Quand les modèles de l’intégration réussie s’exprimeront-ils ? Ils sont légion parmi les Diables Rouges, souvent partis chercher fortune et reconnaissance à l’étranger. Marc Wilmots, leur coach devenu une icône, y va lui aussi de son couplet :  » Le sport est un vecteur fort d’intégration.  » Et de prolonger dans l’air du temps :  » Je ne crois pas que les gens qui partent (en Syrie) soient capables de se réintégrer après. Mais il faut surtout penser aux gens qui ne sont pas partis, qui restent ici.  » Un bon sens désarmant. Mais son capitaine, Vincent Kompany, choisit… CNN pour dire que ce qui s’est passé à Molenbeek était  » si prévisible « . La faute aux politiques. Il est si difficile de trouver les mots justes…  » Le sentiment qui domine est l’impuissance, déclare Hakima Darhmouch, présentatrice du JT de RTL-TVI. J’ai mal à mon modèle bruxellois de mixité.  » Son plaidoyer ? Il faut se battre intellectuellement contre l’obscurantisme, mais aussi reconnaître ceux qui vivent ici.  » Je n’excuse pas les terroristes, mais j’en veux aussi à ceux qui ont cautionné une espèce de sous-catégorie de Belges d’origine étrangère. Je ne suis pas moins belge qu’un autre.  »

 » L’Europe ne fonctionnera pas sans davantage d’intégration politique « , martèle de son côté Guy Verhofstadt, président du groupe de l’Alliance des démocrates et des libéraux (ADLE) au Parlement européen. Il s’agit de  » partager la souveraineté nationale « , de créer des agences et des unions européennes, de mettre de côté nos égoïsmes. Fort bien. Mais en 2015, on a surtout assisté à des reculs notoires. Le 18 novembre, La Libre Belgique titre :  » Schengen, monument de l’intégration européenne en péril.  » Après les barrières construites à l’Est pour empêcher l’arrivée des réfugiés, voici que les pays de l’Ouest meurtris par le terrorisme rétablissent les contrôles aux frontières. Les accords de Schengen, qui consacrent la libre circulation des personnes, sont en danger. Et dans le même temps, des pays candidats à l’intégration européenne comme la Turquie font marche arrière.

Et si cette intégration, apparemment implacable, était en réalité difficile à concrétiser parce qu’elle indispose les partisans d’une identité nationale forte, non métissée ?

Olivier Mouton

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