La reconstruction piétine

Plus de quatre mois après le tsunami, quelque 500 000 Sri Lankais vivent encore déplacés chez des proches ou sous tente, en pleine période de mousson pour les côtes sud et ouest

De notre envoyée spéciale

« J’ai rempli 36 formulaires mais nous sommes toujours dans ce camp de tentes « , se lamente un père de famille cependant mieux loti que de nombreuses victimes de la côte est, qui campent sur les décombres mêmes, dans le district d’Ampara. Ce ne sont pourtant pas les fonds qui manquent, ni les organisations humanitaires ! Le 16 mai, le gouvernement sri lankais annonçait avoir reçu des engagements fermes de dons pour 2,2 milliards de dollars, dont les trois quarts auraient déjà été versés. Pourquoi la construction d’habitations temporaires n’avance-t-elle pas plus vite ? La question brûle les lèvres de tout observateur qui prend la peine de se déplacer au-delà des zones les plus facilement accessibles et les plus battues par les médias. Bien difficile d’obtenir des données chiffrées fiables, à commencer par le nombre de kilomètres de côtes touchées : il varie de 230 à 880 ! Le nombre des sans-abri serait officiellement descendu de 500 000 à 90 000, non pas grâce à la construction de logements de fortune, mais parce que 80 % de ces sinistrés se sont réfugiés chez des proches pour échapper à la misère des camps. Sous tente, la chaleur moite et humide comme la promiscuité sont souvent intenables. Diverses formes de violence semblent s’y être donné rendez-vous. Les pluies de mousson ont envahi des camps parfois dépourvus de fossés d’évacuation. L’armée est présente, mais c’est loin d’être une garantie de sécurité, surtout pour les femmes. Une jeune orpheline supplie, ainsi, qu’on l’aide à déménager !

Que dire alors des abris temporaires ? Pour l’ensemble du pays, on n’en aurait construit que la moitié par rapport aux besoins estimés. Mais la situation varie très fort suivant les régions. Coïncidence ? Au sud-est du pays, dans le district d’Hambantota, d’où est originaire le Premier ministre, Mahinda Rajapakse, le nombre d’abris temporaires dépasse même de 28 % les besoins. En revanche, dans la capitale, Colombo, moins de 40 % des nécessités sont couvertes.

On voit aussi de tout dans le choix des matériaux, le meilleur comme le pire ! Des camps de tôles ondulées, véritables saunas où la température intérieure peut friser les 50 °C, aux parois en caoutchouc, responsable de maladies de la peau, ou en branchages de palmier, inflammables et attirant les serpents. Il est urgent de construire en dur et pour de bon.

Le gouvernement mise sur les organisations humanitaires pour bâtir aussi bien du  » semi-permanent  » que du définitif. Il ne leur facilite pourtant pas la tâche. La distance minimale imposée par rapport à la côte a été fixée, suivant les régions, à 100 ou 200 mètres û avec des exceptions pour les hôtels dans les zones touristiques. Or le terrain à bâtir manque cruellement. Les ONG implorent pour déroger à la règle au moins pour le  » temporaire  » mais le gouvernement campe sur son refus.

Il s’était également engagé à ne pas taxer l’aide étrangère. Dans les faits, c’est le parcours du combattant à chaque arrivage dans le port ou à l’aéroport. Les taxes grimpent facilement à 100 %. La corruption est dénoncée de toutes parts. Nombre de conteneurs restent ainsi bloqués plusieurs semaines, dans une véritable partie de bras de fer. Des tonnes de vivres périssables ont dû être jetées, tandis que des ONG attendent toujours le bois prévu pour la construction des abris. On leur reproche notamment de ne pas s’être fournies prioritairement dans le pays. Les salaires de leur personnel sont criants pour les Sri Lankais, exaspérés de les voir passer leurs journées en réunions ou se disputer un emplacement où afficher leur logo aux abords des camps. Les victimes du tsunami continuent de souffrir, paradoxalement, à cause ou en dépit de l’excès d’aide !

Béatrice Petit

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