52. En être quitte !

Il faut pouvoir, le moment venu, tourner la page, solder la dette, effacer l’ardoise. L’action de la justice pénale avait-elle un autre sens que de remettre symboliquement les choses dans leur état initial, comme si le mal causé pouvait en quelque sorte être effacé par la peine subie ? N’est-il pas logique, dès lors, que la justice s’achève par une sorte d’absolution du condamné ? Il y a cependant plusieurs manières de régler ses comptes avec elle.

D’abord, la plus choquante : les peines se prescrivent après un certain laps de temps (variant d’un à vingt ans selon leur gravité). Si l’auteur de l’infraction a pu échapper à l’exécution de sa peine, s’il est  » fugitif et latitant « , il demeurera finalement impuni. Nouvelle illustration du fait que la justice est intimement liée au temps qui passe et que son  » utilité  » s’érode. On peut considérer comme scandaleux, par exemple, que l’évasion d’un détenu laisse courir la prescription ; autrement dit, qu’elle puisse, à la longue, lui bénéficier. Des considérations pragmatiques, dans ce cas comme dans d’autres, auront malgré tout prévalu. Semblable situation est néanmoins rarissime et citée pour mémoire.

Il y a cependant d’autres hypothèses dans lesquelles le condamné sera dispensé de subir sa peine. Lorsque le roi l’aura gracié, entre autres, pour des motifs qu’il apprécie souverainement (c’est le cas de le dire). Ou lorsqu’il s’agit de courtes peines d’emprisonnement : sauf exception, le parquet ne les exécutera pas, nos établissements pénitentiaires étant du reste surpeuplés.

Il y a, par ailleurs, le cas de ceux qui ont obtenu un sursis : à l’issue du délai d’épreuve imparti par le tribunal, ces condamnés seront définitivement exemptés de subir leur peine. Si ce sursis était  » probatoire « , il en ira de même à condition d’avoir respecté les conditions auxquelles était subordonné leur maintien précaire en liberté. De même, les détenus libérés  » en conditionnelle  » seront, le jour venu, affranchis de la tutelle qui leur était imposée. Même si, dans ce cas, le délai d’épreuve peut être largement supérieur à la durée de l’emprisonnement qu’il leur restait à subir à la date de leur libération, raison pour laquelle certains détenus décident d’aller  » à fond de peine « , le maintien d’un contrôle sur l’exercice de leur liberté, une fois celle-ci acquise, leur étant plus insupportable que l’enfermement ! Ici, la logique est sauve. S’il n’y a pas eu récidive dans le laps de temps fixé, il est cohérent d’accorder au condamné, une fois pour toutes, une remise de peine faite sous la condition expresse qu’il reste désormais  » dans le droit chemin « .

Mais, dans tous les cas, la condamnation reste inscrite sur le fameux  » certificat de bonnes conduite, vie et m£urs « , qui reste un sésame à l’emploi. Ce stigmate n’est effacé, après un délai de trois ans, que pour les petites peines (en principe six mois au plus). Sinon, le condamné doit demander sa  » réhabilitation  » au terme d’un délai variable. Détail édifiant : le condamné doit avoir remboursé les condamnations civiles. C’est donc à ce stade ultime, et seulement si le condamné prend l’initiative de cette requête, que la justice se préoccupe de vérifier que les victimes ont bien reçu ce à quoi elles avaient droit ! Signe tangible que le souci de voir le dommage réparé reste largement étranger à la justice. J’ai eu l’occasion d’en détailler les causes antérieurement : la justice est rendue au nom et pour le compte de la collectivité et non de la victime ; le préjudice envisagé est du registre abstrait (une atteinte aux valeurs) et non matériel (le dommage effectivement subi). Il n’en reste pas moins que le divorce actuel entre public et justice trouve son origine notamment dans cette absence de visée réparatrice.

par bruno dayez

Quand le condamné redevient un citoyen normal

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