Une expo qu’on aime… à la folie !

La folie révulse autant qu’elle fascine. Son ombre plane autour de nous… rappelant qu’à chaque instant elle peut venir nous tourmenter à des degrés très variés. Une omniprésence la rendant d’autant plus inquiétante et intrigante.

Un panorama (d)étonnant explorant en quatorze chapitres toutes les circonvolutions de cette pathologie universelle qu’on appelle  » folie « . Voilà le sujet passionnant soigneusement abordé cet été par le musée de la Vie wallonne. Une mise en perspective de regards très nuancés, supportée par quelque deux cents objets de nature et de provenance panachées.

Sans la moindre réserve, on pénètre au c£ur du sujet, accueilli par un  » accessoire  » que l’on a d’emblée envie de mépriser : une camisole de force. Son effet est garanti ! A elle seule, cette chemise sinistre incarne la souffrance et résume l’incroyable distorsion séparant le monde intérieur du fou et l’oppression extérieure. Elle symbolise aussi la contention imposée par une société qui – à tort ou à raison – a peur du malade mental et cherche à s’en protéger.

Plus qu’une simple rétrospective s’attachant au sujet chronologiquement, l’exposition  » Vertiges de la folie  » confronte différentes façons dont ces  » barjos « ,  » tarés  » ou  » fêlés  » – les termes ne manquent pas pour les nommer – ont été au fil des siècles appréhendés.

Pendant l’Antiquité, on attribue à la folie une cause divine… L’Ancien Testament raconte comment Yahvé frappe de folie Nabuchodonosor, roi de Babylone, pour avoir détruit le temple de Jérusalem. A la même époque, les Grecs voient en la folie une affection strictement féminine. Ils considéraient alors l’utérus – hystera – comme un petit animal voyageant dans le corps de la femme, à la recherche de chaleur et d’humidité. Son déplacement causait des troubles à la source de l' » hystérie « . Cette vieille superstition persistera… Jusqu’à la fin du XIXe siècle, l’hystérie reste perçue comme une maladie typiquement féminine frappant les  » frustrées  » sexuelles (veuves ou célibataires). Charmant !

Tout aussi absorbant, le chapitre suivant aborde l’amour dans sa variante pathologique proche de la folie. Excessif et ultra-passionné, l’amoureux transi s’enfonce dans une dynamique toxique composée d’états extrêmes, entre jouissance totale et angoisse infernale. Plus loin, il est question de mal de vivre et de dépression. Des souffrances condamnées par notre société moderne exaltant le narcissisme, la performance et la réussite sociale… sans épargner les plus faibles ou les  » perdants  » d’une bonne dose de culpabilité.

La visite se poursuit sur la folie meurtrière. Celle qui place le criminel au rang de malade mental, le déchargeant d’une partie de sa responsabilité, quand il ne s’agit pas de le considérer comme le martyr de sa propre pathologie. Autant d’attitudes face à des actes d’une terrible cruauté si difficiles à digérer pour la collectivité. Enfin, notre pérégrination dans ces méandres touchant au plus profond de l’humain se termine sur une question récidivante :  » Faut-il avoir un grain pour être artiste ? « 

Vertiges de la folie, musée de la Vie wallonne, cour des Mineurs, Liège. Jusqu’au 19 août. www.viewallonne.be

GWENNAËLLE GRIBAUMONT

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