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La CNE très critique envers Claude Rolin

François Brabant
François Brabant Journaliste politique au Vif/L'Express

Felipe Van Keirsbilck, le secrétaire général de la centrale des employés de la CSC, juge « embêtant » le départ de Claude Rolin vers le CDH. « J’espère qu’il aura la décence de ne pas siéger dans le groupe PPE », lance-t-il. Pour Van Keirsbilck, les syndicats belges doivent s’émanciper des partis politiques.

Le Vif/L’Express : Comment accueillez-vous la décision de Claude Rolin d’être tête de liste CDH aux élections européennes ?

Felipe Van Keirsbilck : C’est une surprise totale. Je l’ai appris hier à 16h05 par un SMS du président de la CSC, me disant qu’une conférence de presse aurait lieu moins d’une heure plus tard. L’information n’a pas du tout filtré.

La nouvelle vous fait plaisir, elle vous déçoit, elle vous indiffère ?

Nous, à la Centrale nationale des employés (CNE), on regrette un peu cette frénésie avec laquelle les partis politiques courtisent soudains les syndicalistes… On a des sentiments mitigés à la vue de ces responsables syndicaux accueillis avec beaucoup d’écho médiatique sur les listes du PS, du PTB, et maintenant du CDH. Cela me laisse un goût étrange, le fait que pour faire de la politique, on soit obligé de se rallier à un parti. A la CNE, notre conception de l’action syndicale et de l’action politique, c’est plutôt de faire pression sur les partis politiques. Quand on manifeste, par exemple, on fait aussi de la politique, mais collectivement, après que les mots d’ordre et les positions aient été débattues longuement.

Se présenter à une élection, aux côtés d’autres candidats, n’est-ce pas aussi un engagement collectif ?

Le lien que Claude Rolin aura maintenant avec les travailleurs, les militants, les structures collectives sera beaucoup plus ténu, moins direct, qu’il le veuille ou non. Il sera représentant du CDH… Nous, on trouve que les enjeux politiques sont trop importants pour être laissés aux seuls hommes politiques. Mon regret avec la décision de Claude Rolin, c’est qu’elle accroît l’impression que, pour avoir quelque chose à dire, maintenant, il faut être ailleurs qu’au syndicat. C’est embarrassant, ça.

Que le secrétaire général de la CSC migre vers le CDH, cela donne l’impression que le vieux pilier chrétien reste une réalité sociale et politique, non ?

Disons que c’est embêtant. Surtout vis-à-vis de nos militants, qui vont nous dire : vous prétendez que la CSC est un syndicat pluraliste, sans lien avec l’ancien pilier chrétien, mais encore une fois, c’est au CDH que s’en vont ses responsables… La décision de Claude Rolin vient réaffirmer l’image CSC = CDH. Moi, je pense au contraire que le syndicalisme en Belgique, tant rouge que vert, a besoin de s’émanciper de la politique. Il n’est pas question pour nous de dépendre des places que les partis nous laissent sur leurs listes électorales, d’être juste bons à occuper la petite niche « sociale » que les partis veulent bien nous laisser. En Belgique, il y a beaucoup trop de dépendance des syndicats par rapport aux partis politiques. Ce n’est pas bon. Aujourd’hui, le syndicalisme a besoin de trois choses. Un : approfondir sa démocratie interne. Deux : retrouver sa combativité. Trois : être libre par rapport aux partis.

Jusqu’à présent, les députés européens CDH siègent à Bruxelles et Strasbourg au sein du groupe PPE, ancré au centre-droit, avec de nombreux élus remettant en cause le droit à l’avortement. Serait-ce un problème à vos yeux que Claude Rolin fasse partie du PPE ?

Ce serait quand même embêtant qu’il siège au PPE, avec les amis de Berlusconi, et toute une série de députés économiquement très, très à droite. J’espère qu’il aura la décence, lui qui vient d’un syndicat et qui a commencé à l’extrême gauche, de refuser de faire partie du PPE.

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