Défendre l’Europe

Le Livre blanc français sur la défense, qui confirme la nécessité d’une évolution urgente des armées du pays, démontre que le budget de l’Hexagone ne pourra financer seul les moyens de projection à distance, de communication, et les robots nécessaires à sa sécurité future. Il pose alors la question – qui va bien au-delà de celle des alliances – de l’intégration des armées françaises dans l’Otan, en prenant le risque de se mettre entre les mains des stratèges américains et de leurs technologies, ou avec les autres Européens, en prenant le risque de l’impuissance.

La première solution est tentante : la France est confrontée aux mêmes menaces que ses alliés d’outre-Atlantique et tous ses partenaires européens ont fait ce choix. Mais elle est dangereuse, car elle lui interdira à terme de définir ce qu’elle appelle  » sécurité  » et de construire une industrie militaire autonome, dont les retombées civiles seront de plus en plus considérables. La seconde solution semble à sa portée : les Européens consacrent à leur défense 200 milliards d’euros, soit le deuxième budget militaire après celui des Etats-Unis ; leurs armées, qui regroupent plus de 2 millions d’hommes, se modernisent massivement, avec la prochaine entrée en service, dans plusieurs pays, des avions de transport A 400 M, des ravitailleurs en vol A 330, de chasseurs nouveaux et de porte-avions d’une génération avancée. Mais les faiblesses européennes sont considérables : sur ces 2 millions d’hommes, 100 000 seulement peuvent être déployés au loin, faute de transports aériens et de télécommunications, et les budgets d’équipement, qui ne représentent que le tiers de l’équivalent d’outre-Atlantique, sont divisés en 89 programmes redondants et contradictoires, contre 29, bien pensés, en Amérique.

Bien plus que d’une Constitution, l’Europe a besoin de choisir entre devenir une force supplétive des Etats-Unis, dépendant entièrement d’eux pour sa défense, et se donner une chance de maîtriser les outils de sa protection. La réponse de principe est évidente, mais l’action est titanesque : créer une force d’action rapide commune, se doter d’une flotte unique en Méditerranée, rassembler les escadrilles d’hélicoptères et la maintenance des avions, en particulier les A 400 M. L’Agence européenne de défense a été créée pour cela. Reste à lui donner une réalité. l

j@attali.com

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