Paul Magnette, l’espoir du renouveau carolo

Le nouveau bourgmestre de Charleroi symbolise, pour la majorité comme pour l’opposition, une ville contrainte au renouveau. A charge pour Paul Magnette de transformer les attentes en réalités…

Paul Magnette ne jure que par le contact direct.  » Depuis Cicéron, on n’a rien inventé de mieux en politique !  » C’est grâce à cela qu’il a conquis Charleroi, estime-t-il. Mais il est désormais loin, le temps du porte-à-porte où certains habitants le dévisageaient un point d’interrogation dans les yeux, comme lors de son premier exercice du genre pour les régionales de 2009. Trois ans plus tard, 24 220 Carolos ont coché son nom dans l’isoloir.

Une ascension fulgurante. Il possédait certes la carte du parti depuis 1993. Un engagement  » personnel et privé « . Tout au plus les instances du PS sollicitaient de temps à autre le politologue sur des questions européennes, sa spécialité. Il aura suffi d’un coup de fil, en juillet 2007.  » Le matin, j’étais en tee-shirt en vacances et le soir, en costume.  » Elio Di Rupo remanie alors le gouvernement wallon. Paul Magnette a su tirer son épingle du jeu dans la gestion de la crise post-affaires. Ce prof de l’ULB a le visage bien fait pour incarner le renouveau.

Ministre wallon, puis fédéral. Il l’avait juré : s’il devenait mayeur carolo, il quitterait ses fonctions au gouvernement. Il a tenu parole. Mais a accepté de devenir président du PS.  » C’est difficile de dire non.  » Ajoutez à cela un mandat de sénateur (il ne donne plus cours à l’ULB) et vous obtenez un emploi du temps trop chargé pour être à la tête d’une ville de 203 871 habitants ?  » Pas du tout. La preuve : j’arrive encore à caser des interviews ! C’est un reproche que les gens dans la rue ne me font jamais. Ils sont fiers que mes fonctions me permettent d’avoir des contacts.  »

 » Il y a des Carolos qui espèrent que ses casquettes seront un avantage, reconnaît Sofie Merckx, conseillère communale PTB. Mais il y en a d’autres, comme moi, qui estiment que notre ville aurait besoin d’un dirigeant à temps plein. Il connaît les gros dossiers mais il n’a pas le temps de se préoccuper des petites choses.  »

 » On dirait qu’il s’ennuie  »

 » Il court toujours d’un rendez-vous à l’autre. Il ne s’éternise jamais aux réunions. Quand on gratte un peu, on remarque un manque de connaissance, juge Luc Parmentier, chef de l’opposition Ecolo. Si on l’asticote trop, il devient agressif. Au conseil communal, on dirait qu’il s’ennuie. Il n’arrête pas de jouer avec son gsm !  »

Un iPhone ? L’achat de 100 téléphones pour les fonctionnaires fut son premier couac. Une facture de 70 000 euros, sous plan de gestion, ça suscite forcément la polémique.  » Un peu comme la douche de Marie Arena « , ironise l’Ecolo.  » Pour faire des réparations dans des écoles, il faut des années. Mais les smartphones, ça passe comme une lettre à la poste !  » fustige Sofie Merckx.

Il fallait moderniser les services, répond Paul Magnette.  » Vous vous rendez compte que le système informatique ne me permet même pas d’envoyer un pdf à mon chef de cabinet assis à côté de moi ? interpelle Cyprien Devilers, échevin MR de l’Environnement. Il a refusé de s’immiscer dans le fonctionnement de l’administration, comme ce fut trop le cas auparavant.  »

Le mayeur veut prendre de la hauteur. Donner un cap politique à ce paquebot qui fut longtemps en errance.  » Il entend jouer un vrai rôle politique et ne pas se contenter d’être un exécutant au quotidien. Cela fait longtemps que l’on n’avait plus vu un bourgmestre qui se plaçait à un tel niveau « , lance Olivier Chastel, chef de groupe MR au conseil. Celui qui fut l’un des plus virulents dénonciateurs des affaires et du PS sous Van Cau ne mâche pas ses compliments à l’égard de Paul Magnette. Il faut dire que celui-ci a tenu à ouvrir sa – très confortable – majorité. Ses partenaires CDH et MR n’ont pas hérité que de miettes.  » Il a fait de grosses concessions et nous a donné d’importantes compétences « , se réjouit le ministre fédéral.

 » Du coup, Olivier Chastel fait moins belle-mère et le CDH suit corps et âme « , grince Luc Parmentier.  » Paul est le capitaine d’une équipe de foot, mais tout le monde se passe la balle « , rétorque Cyprien Devilers.

Pas de projets mégalos

Le capitaine et son équipe doivent jouer un sacré match. Le premier goal à inscrire : augmenter la population de Charleroi et, par conséquent, les recettes.  » On doit atteindre les 240 000 habitants d’ici quarante ans.  » L’entraînement commence maintenant.  » Il faut parvenir à rendre la ville friendly.  » Pas en multipliant les projets mégalos, assure Paul Magnette. Mais en construisant des logements diversifiés. En réaménageant l’espace public. En attirant des investisseurs privés. En misant sur la culture. En revalorisant la formation des jeunes. En rendant du travail aux Carolos.  » La situation économique est excellente. Regardez l’aéropôle, Alstom, Thalès, AGC, l’aéroport… C’est l’emploi qui pose problème. Seul un tiers des postes disponibles profite aux habitants, le reste est occupé par des Namurois, des Bruxellois… C’est le drame de Charleroi.  »

Son projet de ville est épais et se divise en sept axes. Logements, redynamisation des centres, mobilité douce, services publics, préservation des espaces verts, culture, reconstruction du sens du respect et de la responsabilité.  » Charleroi a moins besoin d’argent que de bonnes décisions, plaide-t-il. Nous pouvons compter sur de nombreux atouts. Nous sommes tout de même la capitale de la chaleur humaine. Tous les matins, je prends cinq minutes pour faire la bise à tout le monde ! « 

DOSSIER COORDONNÉ PAR PHILIPPE BERKENBAUM, AVEC ANNABELLE DUAUT, CAROLINE DUNSKI, MÉLANIE GEELKENS, BENOÎT JULY ET FRÉDÉRIQUE MASQUELIER; MÉLANIE GEELKENS

 » La situation économique est excellente… C’est l’emploi qui pose problème « 

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