Dyllon Randall (à g.) et ses étudiants exhibent les premières briques à base d'urine humaine. © DR

Ces briques sont fabriqués avec du sable… et de l’urine humaine

Le Vif

Les douloureux calculs rénaux sont peut-être les premières pierres d’une révolution dans la construction. Des chercheurs de l’université du Cap sont parvenus à créer de véritables briques à base… d’urine humaine et de sable.

Ces blocs gris ont l’apparence et le poids des briques habituelles. Et leur résistance conviendrait pour la construction. Le procédé repose sur la précipitation du carbonate de calcium. Cette méthode est largement inspirée de celle utilisée par la nature pour fabriquer dans l’océan les coquilles des mollusques et l’exosquelette du corail. Au laboratoire, les chercheurs ont ensemencé un mélange de sable et d’urine avec une bactérie productrice d’une enzyme dénommée uréase. Cette dernière décompose alors l’urée, élément principal de la miction, et forme une substance semblable à du ciment qui s’associera aux grains de sable pour donner une sorte de béton. Cette pâte est ensuite disposée dans des moules.

Au bout de quatre à six jours de repos, on en retire une brique dont la solidité rivalise avec celle de ses cousines conventionnelles. Et cette résistance pourrait être encore augmentée, en accroissant tout simplement le temps de séchage. L’odeur ? Elle est inexistante dans le produit fini. Les émanations ammoniaquées typiques de l’urine quittent, en effet, le mélange au bout de 48 heures, selon les chercheurs.

Mais il y a un hic. De 20 à 30 litres d’urine sont nécessaires pour fabriquer une seule brique. Sachant qu’il faut environ 1 500 briques pour élever une maison de 100 m2 au sol et qu’un adulte urine 1,5 litre par jour, il faudrait 41 ans à un couple pour produire de quoi fabriquer les briques de son petit nid. Consciente du frein imposé par le volume requis, l’équipe sud-africaine de Dyllon Randall travaille à diminuer la quantité d’urine nécessaire.

L’avantage environnemental de ce recyclage original est loin d’être négligeable. En effet, pas besoin de porter un four à 1 400 °C, comme cela est d’usage dans la production de briques conventionnelles : tout le processus entourant les biobriques se déroule à température ambiante. De quoi éviter qu’une quantité substantielle de CO2 se retrouve dans l’atmosphère chaque année.

Ce professeur a flairé que sur le plan chimique, l’urine est de l’or liquide. Outre le calcium et les ions carbonates, uniques éléments de l’urine nécessaires aux briques, elle contient de l’azote, du potassium et du précieux phosphore, dont les réserves naturelles s’épuisent.  » Environ 97 % du phosphore présent dans l’urine peut être converti en phosphate de calcium, ingrédient clé des engrais qui sous-tendent l’agriculture mondiale.  » L’économie circulaire a de beaux jours devant elle !

Par Laetitia Theunis.

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