Deux ans plus tard : le chantier très inachevé

L’eau a coulé sous les ponts liégeois. Qui charrie son lot de bonnes et mauvaises nouvelles. L’arrêt en principe temporaire de la phase à chaud en sidérurgie grippe le chantier inachevé de la revitalisation économique.

Au début de l’année 2009, la consultation sur la candidature de Liège comme capitale culturelle 2015 a recueilli un peu moins de 20 000 signatures. Le quorum nécessaire pour pousser officiellement le dossier n’a pas été atteint. La mobilisation, pourtant, fut inédite dans une population liégeoise abonnée davantage à la résignation et au manque d’alternative. Cette réaction populaire constitue un immense espoir pour la région liégeoise. Elle dénote une volonté de retrouver la fierté d’une ville qui vaut mieux que l’image et les statistiques économiques qu’elle véhicule.

Parallèlement, la principauté a enregistré quelques avancées positives ces deux dernières années.

D’abord, comme ailleurs dans le pays, le chômage a reflué. Une diminution de 12 %, attribuable à la bonne conjoncture.

Ensuite, un certain nombre de projets se concétisent. Ainsi, quinze ans après le lancement du projet, le musée Curtius a, enfin, ouvert ses portes en 2009. La première exposition temporaire, consacrée à Paul Delvaux relève un fier défi.

Enfin, la politique économique en région liégeoise était un cocktail périmé composé de soutiens à la production industrielle et d’investissements immobiliers. L’approche table désormais davantage sur l’innovation, la créativité et la mise en réseaux. La création du Pôle de l’image (15 entreprises actives dans le domaine du cinéma et de l’image, 200 personnes) trace la voie de futurs regroupements structurés assez prometteurs dans des métiers de pointe. Des collaborations sont possibles entre acteurs d’univers a priori étrangers les uns aux autres. Point d’orgue : ce projet de pôle  » biologistique « , porté notamment par BioLiège et l’aéroport de Bierset.

Retours de crise

Malgré ces notes positives, de vastes taches ombragent toujours le paysage économique liégeois. Ainsi, l’illusion de la relance durable d’une phase sidérurgique a chaud n’aura duré que deux ans. En ce mois d’avril 2009, ArcelorMittal s’est ravisé. D’aucuns doutent, pour de bon, de voir un jour les hauts-fourneaux rougeoyer à nouveau. Le secteur de l’acier a sans doute encore un avenir, à Liège. Mais principalement dans le domaine de la recherche et du développement de produits de pointe. Pas dans la production.

L’épisode ArcelorMittal rappelle l’extrême fragilité du tissu économique liégeois. Malgré le petit rétrécissement des derniers mois, le taux de chômage de la province de Liège demeure l’un des plus élevés d’Europe (86 800 demandeurs d’emploi inoccupés, pic de 2006, selon le Forem). La jeune population active est insuffisamment formée. L’économie liégeoise reste très dépendante d’activités traditionnelles.

Le chantier de la revitalisation économique liégeoise est donc très largement inachevé. Liège demeure prisonnière d’un émiettement des pouvoirs et d’une culture politique burlesque. L’amateurisme persiste dans la prise de certaines décisions ou leur mise en £uvre. En témoigne le dérapage du dossier de la salle de spectacle Country Hall. Inadaptée à la taille d’une ville comme Liège, mal pensée, cette infrastructure démesurée, inaugurée voici trois ans à peine, s’avère structurellement déficitaire. Le Country Hall creusera les caisses déjà asséchées de la Communauté française pendant les 25 prochaines années, au moins.

Une vision d’avenir

En février 2009, Bernadette Mérenne, professeur d’urbanisme très réputée de la Cité ardente, tirait, prudemment, la sonnette d’alarme dans le magazine de l’université de Liège :  » En 2015, la rénovation de l’Opéra sera terminée, la Cité des médias construite, la gare de Calatrava installée, mais qu’en sera-t-il de la place devant la gare et de la liaison de ce quartier avec la Cité des médias ? »

Faudra-t-il encore dix ou quinze ans ? Les projets liégeois ne manquent pas. Les entrepreneurs inventifs non plus. Mais pour que les résultats suivent, il manque une bonne dose de cohésion, de cohérence dans le temps et, surtout, de professionnalisme. Les Liégeois gagneront beaucoup à s’entourer d’experts internationaux pour mener leurs études et leurs actions. La Cité ardente ne peut plus se permettre de vivre repliée sur elle-même. Elle doit bâtir une véritable vision de sa place en Europe, partagée par tous.

Jean-Yves Huwart

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