Albert Ier Arrière-pensées politiques

La légende du  » Roi-Chevalier  » ne tient plus. Quelle proportion de jeunes savent même qu’il fut le troisième roi des Belges ?

C’est sans doute inconcevable pour les vieilles générations, mais autant l’accepter : Albert Ier, pour une majorité de jeunes Belges, c’est… qui encore ? Déjà en 1995, un sondage passé auprès d’étudiants de première année d’université montrait que si Léopold III  » parlait  » encore (un peu) aux 18-20 ans (en raison de la Question royale), Léopold Ier, Léopold II et Albert Ier étaient quasi interchangeables. Quinze ans plus tard, le fossé s’est davantage creusé. Que reste-t-il alors de l' » âme de la Belgique « , du vaillant opposant à l’envahisseur, entré vivant dans la légende et auréolé de nouvelles qualités après sa mort tragique ? Très peu de choses, sans doute, depuis que la recherche historique a révélé un personnage différant sensiblement de l’image d’Epinal. Le Roi Sublime, le Roi Martyr, le Roi Viril, Albert l’Inoubliable, Albert le Modeste, Albert le Charitable, Albert le Sage, Albert le Bien-Aimé ?  » Il est son peuple et son peuple est lui « , affirmaient ses contemporains, le comparant à Léonidas, Marc Aurèle ou Cromwell. Faux. Eternellement nimbé d’un culte de la personnalité (en 1914, les bourgeoises exhibent en pendentifs les pièces de monnaie à son effigie), Albert s’en moquait, en vérité. Les témoignages concordent : son titre glorieux de  » Roi-Chevalier  » lui déplaisait souverainement (il était d’ailleurs un piètre cavalier). Et  » sa  » décision d’affronter l’ennemi, loin d’être strictement personnelle, relève tout simplement des devoirs imposés à la Belgique par le respect du droit. Sous le résistant transparaît alors le conservateur habile et secret, sachant humer le vent, ne laissant jamais percer ses sentiments, utilisant tous les moyens à sa disposition (et pas toujours constitutionnels) pour sauter les obstacles que lui place le monde parlementaire… A sa décharge, le mythe a été beaucoup cultivé par les Alliés, qui s’en sont servis comme arme de propagande efficace. En répandant largement le texte du King’s Albert Book (1914), volume dédié à la splendeur de notre pays et de son guide, les Britanniques cherchaient à renforcer notre indépendance pour arrêter les Allemands dans leur progression. En 1934, les Français ont pris le relais, parce qu’ils redoutaient une dénonciation par la Belgique de l’accord militaire franco-belge de 1920. Tout ça n’était donc pas sans arrière-pensées politiques. Mais aujourd’hui, il n’y a plus que le Palais royal pour diffuser (sur son site), sans le nuancer, le cliché chevaleresque du grand  » roi casqué « …

V. C.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire