Madagascar Justice sous les tropiques

Comment le chef d’un petit village de brousse a fini par faire condamner le pédophile qui sévissait dans son île.

Sea, sex and sun. Au nord-ouest de Madagascar, l’île de Nosy Be offre aux touristes ses plages de sable blanc, ses eaux turquoise et ses jeunes prostituées. Il faut naviguer une journée encore pour atteindre, en plein océan Indien, l’archipel des Mitsio. C’est là qu’André G. a jeté l’ancre, il y a quelques années. Ce pédophile suisse était convaincu que personne, ici, ne viendrait lui chercher noise. Et qu’il lui suffirait d’offrir quelques boîtes de médicaments aux villageois pour pouvoir abuser, en toute impunité, des petites filles aux pieds nus invitées à monter à bord de son voilier, ancré à quelques mètres de la plage. Après une longue bataille, il a fini par être condamné, au mois d’octobre 2007, par une cour d’appel malgache à cinq ans de prison ferme pour viol et pédophilie. Une condamnation qui n’aurait jamais été prononcée sans l’opiniâtreté de deux hommes bien décidés à faire en sorte que, pour une fois sous les tropiques, le crime soit sanctionné.

Le premier viol remonte, semble-t-il, à 2003. Le village de brousse où  » s’approvisionne  » André G. s’est très vite divisé en deux clans. D’un côté, ceux qui apprécient les cadeaux dont les couvre l’ancien chef d’entreprise – une barque à moteur fera taire bien des réticences – et choisissent de fermer les yeux sur ce qui se passe à bord du voilier. De l’autre, ceux qui, avec le chef du village, Mahamodo, sont convaincus que le comportement de l’homme sur la plage est en train de détruire leur communauté.

Des autorités sensibles à la générosité…

Mais, seul, Mahamodo ne peut pas grand-chose contre cet étranger. D’autant que les autorités locales sont, elles aussi, sensibles à sa générosité… A la fin de 2005, le chef du village voit arriver dans l’archipel un autre skippeur : Roland Vilella. Ce Français qui navigue depuis plusieurs années est l’un des piliers du  » milieu bateau  » de Nosy Be. Dans cette petite communauté d’une vingtaine de marins aventuriers, les rumeurs qui circulent sur le comportement d’André G. ont jeté le trouble. Roland Vilella se rend donc dans l’archipel pour rencontrer le chef du village et tenter d’en savoir un peu plus. Mahamodo lui fait part de son inquiétude. Les deux hommes décident d’agir de concert afin de rassembler les pièces qui permettront de confondre le pédophile. Le dossier qu’ils constituent est accablant : deux témoignages de viol et plusieurs autres qui font état de la présence à bord de  » fillettes déguisées et maquillées en femmes « . Vilella découvre aussi qu’un couple de touristes français avait, trois ans plus tôt, alerté le bureau de l’Unicef à Antananarivo, en vain.

Dans un premier temps, en janvier 2006, les documents rassemblés sont remis aux autorités suisses. Mais celles-ci ne bougent pas. La justice malgache est alors saisie. Le premier verdict, en novembre 2006, est très clément : une peine de prison avec sursis pour atteinte à la pudeur. Ni le chef du village ni les victimes n’ont été entendus et tout laisse à penser que les juges ont été payés par l’accusé. Mais la presse malgache commence à s’intéresser à l’affaire, l’association Terres des hommes apporte son soutien à Mahamodo. Et le ministère public fait appel. Le second procès a lieu sur la Grande Ile. C’est la première fois que Mahamodo fait le voyage. Des heures de taxi-brousseà Il est accompagné des deux victimes qui ont accepté de témoigner. Cette fois, le skippeur suisse, qui a entre-temps quitté Madagascar, est condamné. La bataille n’est pas terminée pour autant : André G., dont le voilier est toujours ancré dans l’archipel des Mitsio, a décidé de se pourvoir en cassation. Verdict attendu en mars ou en avril. l

Dominique Lagarde

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