Pubs : trop vertes pour être honnêtes

En surfant exagérément sur la vague verte, les publicitaires sèment le doute chez le consommateur. Qui s’organise pour lutter contre ce greenwashing, la grande lessive marketing.

Les publicités sont de plus en plus nombreuses à se parer de vert : les affiches et spots recourent aux ambiances bucoliques – ciel bleu et pâquerettes de rigueur – et les slogans dégoulinent de bonnes intentions, truffés des mots  » durable « ,  » naturel  » et autres préfixes  » éco « à Les autos se vantent d’être propres, les lessives, d’être vertes, la production d’énergie et l’exploitation pétrolière se trouvent des vertus écologiques. En présentant leurs produits dans un cadre naturel, ou en usant d’ allégations environnementales pour des produits qui n’ont en réalité pas ou peu d’impact positif sur l’environnement – voire qui ont des effets négatifs – les publici-taires font du greenwashing. Contraction des mots green et whitewash (blanchir à la chaux), le mot est volontairement proche de brain-washing : en surfant exagérément sur la vague verte, les publicités sèment le doute chez les consommateurs, qui ont toujours plus de difficultés à différencier les vrais des faux produits écolos. Ce phénomène est dénoncé aux Etats-Unis depuis le début des années 1990. Chez nous, la veille citoyenne s’organise, particulièrement sur le Web, où blogs, les sites et les réseaux sociaux décryptant et dénonçant les pubs aux faux airs verts se multiplient.

Une autorégulation qui laisse à désirer

Tout comme le Printemps de l’Environnement a suivi le Grenelle de l’Environnement français, le débat belge sur l’écoblanchiment (version francisée du terme greenwashing) ressemble fort à celui mené dans l’Hexagone voici quelques mois. Ici comme en France, c’est le principe d’ autorégulation de la publicité qui divise. Les associations de défense de l’environnement dénoncent les failles du JEP (Jury d’éthique publicitaire), fondé sur le principe de l’autorégulation et dont les avis ne sont pas contraignants.

 » L’objectif du JEP – on peut le lire sur son site – est de promouvoir la publicité, relève Jean-Baptiste Godinot, président de l’ASBL Respire (Groupe de réflexion et d’ action pour libérer l’espace public de la publicité commerciale). Le JEP émane directement du Conseil de la publicité, une ASBL regroupant les annonceurs, les agences de communication et les médias. Il assure plutôt le rôle d’un lobby ! La loi du 14 juillet 1991 sur l’information et la protection du consommateur, qui interdit les publicités trompeuses, constitue un socle solide, mais le JEP n’est pas l’outil adapté pour la faire respecter. « 

 » Le respect des codes de bonne conduite n’est examiné qu’en fonction des plaintes des consommateurs, regrette Valérie Xhonneux, chargée de mission à la fédération Inter- Environnement Wallonie (IEW). Or les Belges n’ont pas la culture de la plainte. Enfin, l’examen des publicités n’est pas préventif, ce qui implique dans les faits que, même si une plainte est recevable et aboutit à une demande de modification ou de retrait, le système reste inefficace puisque la campagne de pub est bien souvent terminée depuis longtemps. « 

Autant de raisons pour lesquelles les associations environnementales ont demandé la création d’un observatoire indépendant, auquel le JEP n’est pas favorable. Sa directrice, Sandrine Sepul, souligne que  » les annonceurs respectent, dans 98 % des cas, les décisions du JEP « . Elle ajoute qu’il est possible de solliciter son avis sur une campagne avant sa diffusion,  » une démarche préventive importante « .

Des produits interdits de pub

Pas assez pour IEW, qui demande  » l’interdiction d’utilisation de slogans vagues du type « bon pour l’environnement » et celle d’allégations environnementales pour certains produits, comme c’est déjà le cas en Norvège pour les autos « , précise Valérie Xhonneux. L’organisation caresse aussi le rêve d’interdire totalement de publicité les produits néfastes à l’environnement. Ce qui n’est pour l’instant pas à l’ordre du jour de la révision – en cours – du Code de la publicité écologique par le Conseil de la consommation.

Mais avec quels moyens financer cet organe indépendant ? Les environnementalistes souhaitent taxer la pub,  » rien qu’en Belgique, 2,85 milliards d’euros défiscalisés à 100 % « , pointe Jean-Baptiste Godinot. Une idée qui n’enthousiasme pas les publicitairesà Même s’ils sont de plus en plus nombreux à vouloir exercer leur métier autrement :  » Une pub qui respecte le consommateur autant que l’annonceur « , c’est autour de cette idée que Bruno Boulanger a fondé la Cellule Verte. La jeune agence belge a déjà dû refuser de travailler  » pour une très grande marque de cosmétiques qui se prétend être naturelle et qui, en réalité, est un pur greenwashing « . Courageux. La nouvelle ère de la pub sera-t-elle durable ?

Isabelle Masson-Loodts

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