Le best of de Couleur Café

Couleur Café, les 1er, 2 et 3 juillet sur le site Tour & Taxis, à Bruxelles. Infos sur

www.couleurcafe.be

Bienvenue aux fans de moins de 55 ans. Non, blague à part, on a juste eu un curieux choc au vu de l’affiche de notre festival urbain préféré. Alpha Blondy ? Zap Mama ? Sly & Robbie ? Youssou N’Dour ? A première vue, voilà un flash des années 1980, période bénie pour  » les musiques du monde « . C’est dire qu’en matière de têtes d’affiche, les festivals colorés world comme Couleur Café ont du mal à se fournir en nouvelles stars et autres révélateurs médiatiques.

C’est néanmoins courageux de rappeler au front Alpha Blondy, dont les soudaines évaporations ont déjà amené quelques retentissantes annulations de dernière minute. Mais, pour un Ivoirien sur la tangente û auquel on accordera pour cette fois-ci le bénéfice du doute û, il reste un Belge en pleine gueuze (Arno), un Sénégalais vivace et pieux (Youssou), un marathonien du funk (Maceo Parker) et une Anglaise de Paris en voie de  » worldmondialisation  » (la Birkin, triomphante dans ses fresques arabo-gainsbourgiennes). Sans oublier les Dupont-Dupond du rythme : Sly & Robbie. Ce n’est plus de la section rythmique mais de la pure statistique : cette légendaire paire de batteur/bassiste jamaïquains a déjà réalisé une soixantaine d’albums sous son nom, accompagné des centaines de disques en tout genre û de Grace Jones à No Doubt, en passant par Dylan et Neg’Marrons û et serait présente, selon des sources Internet, sur pas moins de 200 000 morceaux dans le grand bazar mondial de la pop-rock-reggae-funk ! A Couleur Café, ils seront accompagnés par Bunny Rugs, la voix de Third World… Parlez-nous donc de petite entreprise !

On est évidemment loin du commerce avec Rokia Traoré, dont le cursus semble avoir été écrit par un démiurge noir et amateur de musique : Rokia est jeune, belle, africaine, travailleuse, imaginative et talentueuse (ce sera tout ?). Rassemblant ses racines maliennes dans des chansons qui ressemblent le plus souvent à des actes d’élégance musicale, sans forfanterie aucune, Rokia met sa grâce en revue de toutes les notes. Sans effort apparent. Ce qui devrait bluffer tout le monde, y compris nos compatriotes d’ailleurs, ceux qui ont choisi notre Belgique pas compliquée pour vivre de leur art sonore : le Guinéen N’Faly Kouyaté et le Kabyle d’Algérie, Abdelli. En scène, les deux sont naturellement à l’aise, avec un petit penchant supplémentaire pour le second dont les compositions signent généralement l’évasion de toute prison stylistique. Peut-être une chance pour son deuxième disque û négligé par le public û de connaître une vie supplémentaire.

Le propre du Couleur Café est de présenter des groupes dans des genres mais aussi dans des réalités économiques complètement différentes. Quel rapport entre les Anversois branchouilles de Zita Swoon, le duo malien Amadou & Mariam et le fils du roi Fela, Femi Kuti and the Positive Force ? Aucun, sans doute, mais ils seront là en voisins inattendus d’un festival métissé dans les groupes comme dans le public. Le Café a également le souci d’attirer des formations plus directement branchées sur un public ado comme Le Peuple de l’herbe, Sinsemillia, Neg’Marrons.  » Djeunes  » égale hip-hop : pour rassasier la frange des moins de 20 ans, le Couleur Café a invité un (ancien) jeune, Kool Shen, 39 ans. Le genre de type qui peut brailler :  » Le prochain morceau, c’est assez égocentrique, c’est une définition de moi-même par moi-même, ça s’appelle Qui suuuuuuuuuuis-jeeeee ? « . Et de taper dans son rap comme s’il était encore un chien fou en colère, plantant ses crocs dans la France bourgeoise et û forcément û décadente. Sur ce morceau live inclus à l’album solo ( Dernier round, Pias), l’ex-moitié de NTM se plonge une dernière fois dans le bain vivant du plaisir en public. Récemment, le quasi-quadra a annoncé sa retraite perso : il passera désormais son temps à s’occuper de son label IV My People. Couleur Café et Dour sont sur sa  » dernière  » route…

Philippe Cornet