Harpie ou Barbie ?

Au diapason de la Foire du livre, qui consacre sa 41e édition aux femmes, la revue Ah ! a convié 69 écrivains à redéfinir des mots du registre féminin. L’amour y est omniprésent, et la misogynie, maudite !

Il en est d’hyper- courtes ( » Poil : virgule érogène  » ;  » Mégère : femme non apprivoisée « ), dont on aime l’espièglerie. Il en est de très longues, aussi (Burqa, Vulve, Epilation, chacune sur deux pages), qui courent le risque de lasser. Finalement, il y en a pour tous les goûts : des sérieuses, des hardies, des poétiques, des humoristiques… La seule consigne imposée aux écrivains francophones embarqués dans la rédaction de ces définitions fut  » qu’ils prissent le Petit Robert comme modèle « , explique Jacques Sojcher, professeur d’esthétique à l’ULB et initiateur, avec Virginie Devillers, de cet abécédaire original intitulé Femmes, je vous aime. Et pour le reste, en avant la subjectivité !

Appartenant tous au registre féminin, Amante, Bas Nylon, Botox, Corset, Déesses, Lolita, Pipelette, Stérilet, Ménopause, Giron ou Toison font ainsi partie des 205 mots choisis par 69 auteurs (romanciers, philosophes, historiens, cinéastes, anonymes –  » peu importe, il fallait juste qu’ils sachent bien écrire « ) pour leur donner une nouvelle jeunesse. Cette somme de textes drôles et argumentés, finalement plus sérieux qu’il n’y paraît, se lit comme ça, dans le désordre, en picorant de-ci de-là les trouvailles.  » C’est ludique, c’est une fête du langage, poursuit Sojcher, mais ça donne à penser. Et on a bien sûr fait le tri, en refusant les définitions incohérentes, brouillonnes ou misogynes.  » Bizarrement, des mots auxquels on s’attend restent absents. Le String, ce fil dentaire en forme de slip, n’y figure pas. Tigresse et Seins, non plus. D’autres, méconnus, se sont invités entre les pages, comme les jolis et médiévaux Fruition et Affemmement.  » La difficulté consistait à ne pas tomber dans le piège du jeu de mots à bon marché.  » Jean Claude Bologne, Francis Dannemark, Corinne Hoex, Foulek Ringelheim, Patrick Roegiers, Jaco van Dormael et tous les autres se sortent pas mal de l’exercice, même si leurs proses sont inégales. Avec Bikini, Paul Emond raconte une histoire, au départ des réflexions de Salvador Dali sur le bout de tissu qu’arborait Ursula Andrews dans James Bond contre Dr No. Mais Jacques André se trompe, lui, lorsqu’il prétend que Biche est un  » belgicisme prononcé par un homme ou une femme à son amour pour le dompter et le rassurer « . Dans ses films, de Funès (qui ne parle pas le français de Belgique, que nous sachions) ne cesse de le susurrer à sa partenaire Claude Gensac… Qu’importe, après tout, car les collaborateurs de cet ouvrage, émanation de la revue Ah ! (anciennement Revue de l’Université de Bruxelles, au titre devenu trop ampoulé), y évoquent massivement l’amour. Et, pour ne pas faire de Jaloux ( » Sujet craignant de rater le train dont il ignore l’heure de départ « ), ils ont décidé de rempiler, avec un tome 2 qui reste à écrire, mais déjà baptisé Hommes, je vous aime

Femmes, je vous aime. Abécédaire. Tome 1, Ah !, 158 p.

En marge : le 14 février à 20 heures, une vingtaine d’auteurs animent une soirée au Poème 2, à Bruxelles, où les spectateurs sont invités à lire leurs propres définitions. (www.theatrepoeme.be). Même réjouissance à la Foire du livre (petit théâtre), le 19 février à 15 heures www.flb.be)

VALÉRIE COLIN

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