FDF, nouveau président, nouveau nom ?

Depuis leur rupture avec le MR, les FDF vivent une inquiétude existentielle. Pour cette raison, l’élection présidentielle interne revêt un tour particulièrement tendu. Signe de ce doute identitaire : Olivier Maingain annonce son désir de changer le nom du parti.

C’est à une petite révolution qu’en appelle Olivier Maingain. Favori dans la course à sa succession, le président des FDF expose dans un entretien au Vif/L’Express (lire l’encadré page 21) son souhait de transformer le nom du parti. L’homme n’en est pas à son coup d’essai. En 2012, il avait fait évoluer le Front des francophones, à la connotation guerrière, en Fédéralistes démocrates francophones.  » Je n’exclus pas que nous changions de sigle. Cela sera examiné après les élections « , avait-il confié ensuite, en avril 2014. Aujourd’hui, le député fédéral et bourgmestre de Woluwe-Saint-Lambert se montre plus clair encore. Il se déclare favorable à une opération de rebranding, afin de mieux exprimer le projet idéologique du parti, au-delà des questions purement institutionnelles. Le moment, de surcroît, n’est pas anodin : le 8 mars, les militants des FDF éliront leur nouveau président.

La proposition iconoclaste d’Olivier Maingain est à la fois une preuve d’audace et un aveu de faiblesse. Une preuve d’audace ? Deux autres candidats briguent la présidence du parti : Bernard Clerfayt, député bruxellois et bourgmestre de Schaerbeek, et Christophe Magdalijns, bourgmestre faisant fonction d’Auderghem. L’un comme l’autre font figure d’outsiders face à une personnalité qui tient les rênes de la formation amarante depuis vingt ans. La seule chance pour eux de l’emporter serait d’exploiter le sentiment de lassitude de certains militants. Affirmer que le parti ronronne, et qu’il a besoin d’innovation. En lançant l’idée ébouriffante d’un changement de nom, Olivier Maingain bouscule la tactique de ses adversaires. Il se pose, de façon paradoxale, comme le candidat de l’anti-establishment et prouve qu’il peut être l’homme du renouveau, celui qui portera les FDF vers de nouveaux électorats – en Wallonie, dans les quartiers populaires bruxellois, chez les jeunes, auprès des citoyens issus de l’immigration.

Mais la sortie d’Olivier Maingain traduit aussi la permanence d’une angoisse existentielle au sein des FDF, malgré la victoire électorale de mai 2014. Généralement, les partis qui envisagent de modifier leur nom sont à l’agonie. Les écologistes flamands d’Agalev se sont rebaptisés Groen en 2003, après une terrible défaite électorale qui a bien failli les rayer de la carte. Scénario identique en 2002, lorsque le Parti social-chrétien, en pleine crise de foi, s’est mué en CDH. Peu après 1999, Elio Di Rupo a lui aussi envisagé de transformer le PS en Parti du progrès ou en Parti de la solidarité. La forteresse socialiste était alors en lambeaux, éreintée par les scandales.

Chez les FDF, la crise identitaire découle pour une large part de la sixième réforme de l’Etat. D’importantes compétences fédérales ont été transférées vers les Régions et les Communautés. L’arrondissement bilingue de Bruxelles-Hal-Vilvorde a été scindé. Si une telle issue valide a posteriori certaines analyses du parti, elle impose aussi de redéfinir son discours. Faire du maintien de BHV le coeur de son message n’est plus possible dès lors qu’il a bel et bien été scindé.

De plus, le FDF a rompu en 2011 son partenariat historique avec le MR. Désormais obligé de voler de ses propres ailes, le parti doit relever un immense défi : se doter d’un projet de société attrayant, lisible, qui se démarque à la fois de la gauche et de la droite. Pour trouver une voie propre, hors des schémas traditionnels, Olivier Maingain mise depuis trois ans sur le concept de libéralisme social. Un créneau porteur ? L’avenir le dira.

Des réactions contrastées

Confrontés à l’hypothèse d’un nouveau sigle, les deux autres candidats à la présidence réagissent de façon mitigée.  » Je ne plaide pas pour un changement d’acronyme, tranche Christophe Magdalijns. On peut renforcer notre message socio-économique tout en préservant l’étiquette FDF.  » Bernard Clerfayt se montre un chouïa plus ouvert :  » La règle, en marketing, c’est de changer le nom du produit le moins souvent possible. Cela dit, nous devons nous interroger. Le sigle FDF permet-il bien de porter notre projet en Wallonie ? Nous ne sommes pas un parti bruxellois implanté en Wallonie. Nous sommes un parti qui défend un projet original, et dont les racines plongent autant en Wallonie qu’à Bruxelles.  »

Parmi les ténors du FDF, les réactions sont elles aussi contrastées.  » Généralement, tous ces changements publicitaires servent à masquer les vrais problèmes, soupire Didier Gosuin, vice-président du gouvernement bruxellois. Je ne suis fermé à rien, mais l’essentiel n’est pas là.  » Emmanuel De Bock, chef de groupe au parlement bruxellois, accueille l’idée avec plus d’enthousiasme.  » Le temps est venu de modifier le sigle.  » La députée Caroline Persoons défend une position similaire.  » On a intérêt à effectuer ce changement. On vient de fêter les 50 ans du FDF, c’est le bon moment. Si Olivier Maingain est réélu, je crois qu’on ira vers ça.  » Quant à établir la future dénomination du parti, le chantier s’annonce délicat.  » Je suis attaché au maintien de la référence fédéraliste « , fait savoir Emmanuel De Bock.  » J’ai envie que le D de démocratie reste présent dans le sigle, confie Caroline Persoons. J’aimerais aussi retrouver la dimension européenne, ainsi que notre attachement au libéralisme social. Evidemment, quand on met toutes ces lettres-là ensemble, ça ne donne rien…  »

L’option d’un toilettage plus minimaliste circule également. Dès novembre 2012, Olivier Maingain avait déclaré sur Bel RTL que le sigle FDF était jugé  » trop bruxellois « , et qu’il fallait lui adjoindre  » un complément, ou en tout cas une spécificité wallonne « . Le même constat est aujourd’hui posé par Christophe Magdalijns.  » Nous devons traduire dans notre sigle quelque chose de spécifiquement wallon. Je verrais bien un ajout qui soit la lettre W. J’irais même jusqu’à dire que c’est une condition de réussite de notre implantation en Wallonie. On doit modifier notre image, et ça passe par la création d’une marque vraiment wallonne, par exemple le FDF-W.  » Hugues Lannoy, responsable de la section de Liège, exprime de vives réticences :  » Diffuser la nouvelle marque demandera beaucoup d’efforts, qui dépasseront largement le gain que ça peut nous apporter en termes d’identification wallonne pure. Si on doit maintenant s’atteler à faire connaître un nouveau nom, on perdra beaucoup de temps. Et du temps, on n’en a guère : les élections communales ont lieu dans trois ans.  »

Escarmouches

Précisément parce que les FDF se trouvent à un carrefour de leur histoire, le début de la campagne a donné lieu à des échanges assez durs entre les deux principaux candidats, Olivier Maingain et Bernard Clerfayt. Longtemps, l’un et l’autre ont d’ailleurs entretenu le flou sur leurs intentions.  » A ce stade, mon penchant naturel est de dire qu’il est temps pour moi de passer le témoin « , déclarait Olivier Maingain, pas plus tard qu’en avril 2014. Caroline Persoons, l’une de ses proches, ne cache pas qu’elle a été surprise.  » J’avais dit à Olivier que c’était peut-être le moment de préparer un successeur, de lancer un jeune. Cela me semblait positif de montrer que le travail abattu pour redonner au parti son autonomie pleine et entière se manifeste aussi par des nouvelles têtes à sa direction. Mais comme Olivier a choisi de se représenter, je vais le soutenir.  »

La candidature de Bernard Clerfayt a surpris plus de monde encore…  » La plupart des mandataires étaient convaincus qu’il ne se présenterait pas, relate Olivier Maingain. Je disais au contraire : ne vous en faites pas, il va se présenter ! Je le connais, c’est quand il dit une chose qu’il fait son contraire.  » Ce qui a convaincu Clerfayt de se jeter dans la bataille ? Le sentiment diffus que le pouvoir, au sein du parti, est capté depuis quinze ans par un même trio – Olivier Maingain, Caroline Persoons et Michel Colson, le secrétaire général des FDF.

Le Schaerbeekois évoque pour sa part l’absolue nécessité de clarifier le positionnement du parti.  » Je veux qu’il se redéploie sur des thèmes plus vastes que l’institutionnel et le communautaire. On doit mieux entendre nos propositions sur la réforme fiscale, sur l’énergie.  » Affiner la ligne socio-économique, n’est-ce pas aussi ce que dit Olivier Maingain ?  » Oui, il n’arrête pas de le dire… Cela fait vingt ans qu’il est président, dix ans qu’il le dit, et on en est toujours là où on est maintenant. Je pense que j’ai davantage que lui la capacité d’élargir le message du FDF.  »

 » On parle de rajeunissement. Là, je lance un petit pavé dans la mare en direction de Bernard, riposte Olivier Maingain. Il voulait être secrétaire d’Etat au gouvernement bruxellois. J’ai dit non, au profit d’une jeune, Cécile Jodoigne. Ensuite, il voulait être chef de groupe au parlement bruxellois. J’ai dit non, au profit d’un jeune, Emmanuel De Bock.  »

 » Dans l’histoire récente du FDF, Schaerbeek, c’est notre seule grande victoire, contre-attaque Bernard Clerfayt. On a conforté Woluwe-Saint-Lambert et Auderghem, on a perdu Watermael-Boitsfort, on a conquis Schaerbeek. Ma commune est la troisième plus pauvre de Belgique. Malgré tout, je viens de présenter un budget en équilibre. C’est aussi la commune bruxelloise avec le moins de fonctionnaires par habitant. Et pourtant, le service public est rendu aussi bien qu’ailleurs. C’est ma marque de fabrique, et je pense qu’elle peut aussi fonctionner pour le FDF.  »

Un brin dépité par ces passes d’armes, Didier Gosuin s’agace :  » Je n’ai pas envie d’un débat présidentiel sur la forme. Je souhaite un vrai débat d’idées, et précisément sur le terrain socio-économique.  » Et si les deux principaux candidats se neutralisaient ?  » Je suis une alternative possible, insiste Christophe Magdalijns. Diriger les FDF ne me fait pas peur.  »

Par François Brabant

La candidature de Clerfayt a surpris beaucoup de monde. La plupart étaient convaincus qu’il ne se présenterait pas

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