Cher Jean-François Cirelli,

Je voulais vous remercier, vous, le grand patron de Gaz de France. Parce que, depuis que j’ai lu une de vos citations, j’ai enfin compris les rouages secrets de l’économie.

Quand vous avez déclaré, je cite :  » Il est très difficile de marier les cultures différentes de deux entreprises françaises. Alors, faire des opérations hostiles entre deux pays différents, avec des langues différentes et des cultures différentes… « , j’ai soudain su pourquoi c’était toujours les sociétés belges qui se faisaient avaler par des groupes étrangers et jamais le contraire.

Parce que, quand un étranger vient chez nous pour nous acheter une banque, une Société générale de Belgique ou un Electrabel, il peut parler français, néerlandais, italien ou anglais, il y aura toujours quelqu’un pour le comprendre. Tandis que quand M. Enel vient dire à Mlle Suez :  » Buona sera, signorina, ié viens pour racheter vous « , Mlle Suez se contente de répondre :  » Quéquidit ? J’entrave que dalle !  » et le fauteur d’OPA repart chez lui, la queue entre les jambes.

Si l’acheteur potentiel parle anglais, c’est encore plus vite plié : en France, il est encore plus facile de trouver un serveur aimable qu’un homme d’affaires qui parle anglais. Quant au dernier entrepreneur d’outre-Quiévrain à comprendre l’allemand, il a disparu mystérieusement, il y a une soixante d’années, après l’échec de l’OPA hostile de Deutschland AG sur France SA.

C’est donc ça, la fameuse exception française : nos voisins sont juste incapables de comprendre ce que le reste du monde peut bien vouloir leur dire ! Vous croyiez l’économie dirigée par les principes de Keynes ou de Schumpeter ? Pas du tout, elle n’a que deux maîtres : Berlitz et Assimil.

Evidemment, dans ces circonstances, on se demande comment les Français font pour vendre des Airbus aux Chinois. Simple : pour aborder les sujets qui fâchent, style les droits de l’homme, ils font leurs discours en français, les Chinois applaudissent poliment sans en comprendre un mot. Puis, quand on arrive à la partie business, on sort les calculettes et tout le monde est content.

Bon, maintenant que les Belges ont compris le secret de nos amis un peu plus au sud de chez nous, ils vont évidemment se dépêcher de l’appliquer. Et la prochaine fois qu’un Français débarquera ici en s’exclamant  » Salut les aminches ! Je viens acheter vos chemins de fer. Et mettez-moi aussi votre armée et votre reine Fabiola en prime !  » il suffira de lui répondre :  » Qu’est-ce que tu broubelles, menneke ? Ik versta je helemaal niet, djôse wallon comme tout le monde !  » Ça devrait nous mettre à l’abri de toutes les OPA pour quelques siècles.

Marc Oschinsky

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