Des projets d’attentats déjoués en France

Pierre de Bousquet de Florian, directeur de la DST

Comment analysez-vous la menace islamiste qui pèse sur la France ?

Trois ordres de menace convergent aujourd’hui qui peuvent faire de la France une cible du terrorisme islamiste. La première est la montée du salafisme [NDLR : courant radical fondé sur une lecture littérale du Coran]. On observe depuis quelques années, dans la communauté musulmane implantée en France, un besoin de retour aux sources de la religion. Or les plus actifs dans ce domaine sont les fondamentalistes proches du salafisme. Cela se traduit par un raidissement communautaire, un venin mortel pour notre société laïque et intégratrice. Nous craignons que cette radicalisation, particulièrement perceptible dans les jeunes générations, ne soit un terreau pour le terrorisme. Le deuxième type de menace renvoie à nos liens historiques avec le Maghreb, qui est agité par des mouvements radicaux et le terrorisme. Cet été, en Algérie, un nouvel émir s’est imposé au Groupe salafiste pour la prédication et le combat. Cet homme, Nabil Sahraoui, est plus sensible à l’exportation du combat islamiste que son prédécesseur et il a fait allégeance à Al-Qaida. Enfin, la troisième menace tient à ce que l’Irak est devenu une terre de jihad, vers laquelle convergent de jeunes activistes.

On évoque la présence de dizaines d’islamistes français…

Ce qui est certain, c’est que, avant que le conflit

éclate, quelques dizaines

de Français ont voulu se rendre en Irak pour combattre. Certains n’ont pas pu passer les frontières, d’autres n’ont pas été acceptés par les troupes de Saddam Hussein. Aujourd’hui, à notre connaissance, aucun Français n’est prisonnier des forces de la coalition. Aucun n’a été signalé mort au combat. Mais certains sont évidemment susceptibles de se trouver en Irak. Le risque est donc grand de se voir confronté à l’émergence et au retour vers l’Europe d’une  » troisième génération « , formée sur les champs de bataille, après les générations bosniaque et afghano-pakistanaise. Cette dernière fournit toujours l’essentiel des terroristes arrêtés ces dernières années.

Aucun attentat islamiste n’a touché la France sur son sol depuis 1996. A quoi attribuez-vous cette situation ?

Restons humbles. La

France n’a pas été touchée

sur son sol, mais n’oublions pas que des Français ont été volontairement visés à Karachi. Que d’autres ont été touchés dans les attentats de Bali,

de Djerba et de Casablanca.

Que le pétrolier français Limburg a subi une attaque suicide au Yémen…

Des projets d’attentats ont-ils été déjoués en France ?

Oui, à plusieurs reprises. Un kamikaze devait faire exploser un camion contre l’ambassade des Etats-Unis, à Paris, en 2001. En 2002, nous avons démantelé un groupe, à La Courneuve et à Romainville, qui s’apprêtait à commettre un attentat, probablement chimique, contre la représentation russe à Paris. Ce réseau était en relation avec un autre groupe, en Grande-Bretagne, qui envisageait de déposer de la ricine, qui peut être mortelle au toucher, sur des poignées de porte, dans des lieux publics. Depuis septembre 2001, la DST a arrêté 120 activistes. Une soixantaine ont été écroués. Aujourd’hui, la France n’est peut-être pas en première ligne, comme les Etats-Unis, Israël, la Grande-Bretagne ou les coalisés de l’opération  » Freedom in Irak « . Il ne faut pourtant pas s’y tromper : les islamistes nous incluent dans leur détestation de l’Occident et de ses  » croisés « . La menace est persistante.

Vincent Hugeux, Eric Pelletier, Jean-Marie Pontaut et Marie-Cécile Royen, avec Vanja Luksic à Rome,

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