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Pourquoi le MR est prêt à jouer au kamikaze

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Les libéraux francophones sont prêts à négocier seuls avec la N-VA. Une revanche après le camouflet socialiste dans les Régions et un pari pour réformer l’économie du pays. Ils savent déjà comment vendre cette opération politiquement risquée. Et si ça échoue ? L’opposition ne les effraye pas.

La presse flamande l’a baptisée « kamikaze », avant que l’appellation ne soit reprise partout. Alors que l’informateur Charles Michel dispose d’un nouveau délai jusqu’au 22 juillet pour dénouer les fils de l’amorce de crise fédérale, la base du MR souffle pour que se mette en place cette coalition au sein de laquelle le MR, seul parti francophone, mettrait le cap au centre droit en compagnie de la N-VA, de l’Open VLD et du CD&V. Une prise de risque évidente, mais de plus en plus calculée, aux yeux des libéraux.

« Le fait même d’appeler cette coalition  »kamikaze » est une manipulation idéologique extraordinaire, peste le député régional bruxellois Alain Destexhe. C’est à se demander si ce n’est pas la cellule com’ du PS qui a trouvé le mot. Je l’appellerais plutôt la coalition « indispensable ». » Selon un sondage interne au MR, entre 65 et 70% des militants y seraient favorables.

Est-ce l’une des formules que Charles Michel proposera au roi Philippe ce mardi 22 juillet, lors de ce qui pourrait être son ultime rendez-vous de sa mission ? C’est probable. L’option reste toutefois suspendue au bon vouloir du CD&V, qui craint d’être le pôle de gauche au sein d’une telle majorité et devrait renoncer au poste de Premier ministre. Et de l’Open VLD, qui réclame sa présence à tous les niveaux de pouvoir, y compris au gouvernement flamand. Epineux. Mais pas insurmontable, car « des lignes bougent ».

Evincés de la majorité bruxelloise et, sauf retournement de situation, de la majorité wallonne, les libéraux francophones ne décolèrent pas et dénoncent un « déni démocratique » au sud du pays. Le MR, insistent-ils, est le grand vainqueur des élections du côté francophone : +2 sièges à la Chambre par rapport à 2010, +6 au parlement wallon par rapport à 2009 et + 5 au parlement bruxellois, si l’on « oublie » la fédération avec le FDF. Les même libéraux n’avalent pas non plus le « non » de Benoît Lutgen, président du CDH, lancé à l’informateur Bart De Wever le 24 juin alors qu’il tentait de mettre en place une coalition de centre droit avec les humanistes.

« Socialistes et humanistes ont créé le scénario du pire, ils risquent bien de l’avoir, grince Louis Michel, réélu eurodéputé depuis que le MR a été éjecté des Régions. On ne va quand même pas subir les ukases de Di Rupo et de Magnette, ni celui de cette petite particule wallonne de Lutgen. Nous sommes choqués par leur manoeuvre. Le CDH a montré qu’il était scotché au PS, c’est son choix. Mais on ne va quand même pas nous dire aujourd’hui avec qui on peut aller ou non au fédéral, quand même ! Nous ferons ce que nous voulons… »

D’ores et déjà, à la tête du MR, on imagine la façon dont on pourrait « vendre » une telle coalition. En résumé ? Un : le MR aura pris ses responsabilités pour incarner le changement voulu, tendre la main à l’électorat flamand et sauver le pays. Deux : il pourra mener des réformes socio-économiques indispensables, en phase avec son programme. Trois : toute réforme de l’Etat sera exclue, faute de majorité dans le groupe linguistique francophone. Quatre : la meilleure garantie de protection des francophones sera que le MR disposerait d’un levier important en pouvant retirer la prise à tout moment. « Il faut arrêter de dire que le PS est le seul à pouvoir défendre l’intérêt francophone, clame une des figures de proue du parti. Au contraire : si le PS revient autour de la table avec la N-VA, le communautaire sera de nouveau à l’agenda. »

Par Olivier Mouton

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec :

– « Ce qui se passe en Wallonie, c’est le plus beau cadeau que l’on puisse faire aux nationalistes. On renforce les clichés wallons. »

– La tripartite classique ? « Non merci ! »

– En cas d’échec de la mission de Charles Michel, on n’exclut même plus au MR une cure d’opposition à tous les niveaux de pouvoir, fédéral compris.

– En Wallonie, le MR se prépare déjà à capitaliser des voix pour le prochain scrutin – dans cinq ans.

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