Swift moucharde ! La faute aux terroristes…

Vincent Genot
Vincent Genot Rédacteur en chef adjoint Newsroom

La société Swift est épinglée par la Commission de la protection de la vie privée, pour avoir communiqué des données à caractère personnel aux autorités américaines

Bien à l’abri dans son écrin de verdure de La Hulpe, la société Swift (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication) cultive la discrétion. Société coopérative de droit belge fournissant des services de messagerie sécurisée à 7 930 institutions financières réparties dans 206 pays, Swift voit transiter quotidiennement par ses systèmes informatiques plus de 11 millions de messages financiers confidentiels. Après les attentats du 11 septembre 2001, l’US Department of the Treasury (UST) a adressé plusieurs demandes pressantes au centre de traitement américain de Swift, afin d’avoir accès aux données des transactions bancaires qui auraient ou pourraient avoir un rapport avec le terrorisme. La société Swift s’est exécutée après avoir, selon ses dires, obtenu des autorités américaines  » d’importantes garanties quant à la finalité, la confidentialité, la supervision et le contrôle du nombre limité des données produites « . Ce faisant, Swift a violé pendant cinq ans – et viole encore – la loi belge sur la protection de la vie privée. Sur ce sujet, la conclusion du rapport de la Commission de la protection de la vie privée, présenté au gouvernement le 28 septembre dernier, est sans appel. L’affirmation de Swift selon laquelle la société a communiqué ses informations au compte-gouttes est même sérieusement battue en brèche. Dans le rapport, on peut lire, entre autres choses, que,  » vu le champ d’application des sommations et du volume moyen de messages traités quotidiennement par le service de Swift, le nombre de messages soumis aux sommations doit être très élevé. Dans une lettre du 14 septembre 2006, Swift a confirmé que l’UST  » a parfaitement le droit, en vertu de la législation américaine, de soumettre la section américaine de Swift à une sommation afin que soient communiqués tous les messages de Swift ». Cela signifie donc que, rien que pour 2005, un total de 2 518290 000 messages peut être soumis aux sommations.  »

Pris entre le marteau du Patriot Act américain et l’enclume de la législation européenne, Swift a jugé plus profitable de collaborer avec le gouvernement américain. Mais l’entreprise avait-elle vraiment le choix ?  » Bien entendu ! Il existait des alternatives, explique Martine Lartigue, de la Commission de la protection de la vie privée. Dès la première sommation, Swift pouvait alerter les autorités belges et européennes. Cela aurait permis aux gouvernements européens et américain d’entamer des négociations. Swift n’a rien fait, il a simplement obtempéré…  » Comme Swift avait informé la Banque nationale de Belgique qu’il était soumis à des sommations américaines dès 2002, on peut légitimement s’étonner que le gouvernement belge n’ait pas été informé de cette situation avant la publication d’un article dans le New York Times à la fin juin 2005. Ce qui est certain, c’est que Guy Verhofstadt a préféré renvoyer l’affaire à la Commission européenne, en prenant bien soin de souligner que le gouvernement n’envisageait pas de poursuivre Swift. Et si, au parquet fédéral, on confirme que des documents concernant Swift sont bien arrivés dans les bureaux, on se dépêche de préciser qu’il est encore trop tôt pour se prononcer sur d’éventuelles poursuites. En attendant, le facteur des grandes banques mondiales continue à présenter le contenu de sa sacoche aux services de renseignement américains.

Vincent Genot

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