Marsupilamis fut le gros morceau FWB de l'événement. Projet facile, mais succès assuré. © dr

Cartoon plein

A Toulouse, le Cartoon Forum, rendez-vous européen dédié à la coproduction de séries d’animation, a fêté sa 30e édition en mettant la Fédération Wallonie-Bruxelles à l’honneur. Revue des troupes.

Du 16 au 19 septembre, le Cartoon Forum a pris une nouvelle fois ses quartiers dans la ville rose, au bord de la Garonne. Objectif avoué ? Tisser un réseau de coopération transfrontalière suffisamment solide pour permettre aux pays européens de rivaliser avec les plus grands de l’animation. Et ça marche. Au-delà de toute espérance, même. En trente années de manifestation, ce sont ainsi pas moins de 786 projets qui ont pu se financer grâce à ce rendez-vous de référence à la popularité croissante, pour un budget total avoisinant les 2,7 milliards d’euros. Les chiffres ont de quoi donner le vertige. Et illustrent bien à quel point l’événement s’est imposé au fil des ans comme un incontournable tremplin pour la création animée au sein du Vieux Continent.

Cette année encore, le Cartoon Forum a rassemblé plus de mille participants, professionnels de la profession (producteurs, investisseurs, auteurs, diffuseurs, journalistes) issus de 39 pays différents. A Toulouse, on croise par exemple en masse les sbires de France Télévisions, tandis que les scouts de Netflix, toujours à l’affût d’un bon coup, sont également du rendez-vous. Mais cette édition 2019 était surtout l’occasion d’offrir un coup de projecteur sur un village d’irréductibles du secteur : la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), introduite par une vidéo rigolarde mitonnée maison qui pose d’entrée les ambitions, faussement modestes, d’une délégation débarquée à Toulouse avec des caisses remplies de chocolat et de bières spéciales. On ne se refait pas.

Petits mais costauds

Sur 85 projets européens inédits présentés au cours de cette 30e édition, pas moins de sept ressortaient de la Fédération Wallonie-Bruxelles, tous réunis sous la bannière et le mot d’ordre de cette délégation :  » Les petits géants de l’animation « . Parmi les sept projets, cinq ont bénéficié de l’appel à projets Créanimation, fonds de soutien destiné au développement des séries d’animation lancé, en juin 2018, par la FWB et la RTBF sur le modèle du fonds séries belges qui a notamment permis l’éclosion de La Trêve, Unité 42 ou Ennemi public. Avec un but on ne peut plus clair : convaincre (1). Le principe ? Simple et imparable : en trente minutes chrono, chacun vient pitcher son bébé encore en gestation à l’assemblée, visuels et trailer à l’appui. Le tout réparti sur trois salles au sortir desquelles un Extra Time Corner permet aux discussions de se prolonger et, dans le meilleur des cas, aux négociations de s’amorcer. Les statistiques parlent d’elles-mêmes : chaque année, 40% des projets présentés trouvent chaussure à leur pied et se concrétisent dans les mois qui suivent. Autant dire que, dans cet eldorado rêvé de l’animation, il ne faut pas se louper : aucun droit à l’erreur, sous peine de tomber directement aux oubliettes sans même passer par la case départ.

Some of Us, dix épisodes de dix minutes sur la discrimination  dans le sport, comme l'homophobie.
Some of Us, dix épisodes de dix minutes sur la discrimination dans le sport, comme l’homophobie.© dr

En partie porté par la société belge Hors Zone, Some of Us démarre très fort dans la petite salle rose avec sa proposition de dix épisodes de dix minutes sur la discrimination dans le sport : homophobie, racisme, handiphobie… Pour un mélange de prises de vue documentaires et de dessin qui permet d’aller plus loin – vers l’onirisme, la métaphore, la poésie. Atterrissage espéré ? En télé, notamment sur la RTBF, pendant les JO de 2020. Dans la foulée, place à Juliette & Jules, un projet de 52 capsules de quatre minutes à destination des jeunes enfants défendu par Altitude 100 Production, la boîte saint-gilloise de Guillaume Malandrin.  » Chez Altitude 100, on est à l’industrie audiovisuelle ce que le slow food est à la gastronomie « , résume-t-il. Produire peu, mais produire bien : le maître mot est louable et a déjà fait ses preuves. Quelques extraits teasers d’une grande qualité graphique, muets ou presque, compensent les manquements évidents d’une présentation timorée à l’excès. Prometteur, donc, pour une série au budget estimé autour de deux millions d’euros et en quête d’un vendeur international.

Houba houba bof

En face, cela dit, la concurrence est rude. Très rude, même. Dans la longue file qui mène à la salle bleue, la plus grande des trois, les Français de TeamTO distribuent de faux 45-tours flexi sur lesquels s’impriment les tables de leur loi, ramassées en un titre évocateur : We Are Family. Soit une anthologie pop splittée en courts épisodes évoquant chacun la naissance d’un genre musical dans un esprit positif et rassembleur. A l’intérieur de la salle, un DJ affublé d’un tee-shirt Beastie Boys envoie des tubes avant que toute l’équipe n’expose plus en détails l’ambition créative et le propos d’une série où Giorgio Moroder et Chic partouzent avec Daft Punk, tandis que Donna Summer et Patti Smith accouchent de Blondie. L’affaire s’achevant sur un quizz musical avec vinyles à gagner à la clé. Grosse ambiance. Qui dit mieux ?

De salle en salle, de jour en jour, la déferlante belge, en tout cas, se poursuit : Quinquin de Beluga Jungle ambitionne de raconter l’histoire d’un canard sauvé d’une usine de foie gras mais obsédé par l’idée d’y retourner, tandis que Toutmosis de La Belge Prod entend explorer les mésaventures d’un pharaon capricieux prisonnier du monde magique des murs. Quant à La Grande Rêvasion de Kwassa Films, en quête de diffuseur pour Noël 2020, il prendrait la forme d’un unitaire en stop-motion (image par image) de vingt-six minutes pour la télé. Mais le gros morceau FWB de l’événement, ce sont bien sûr ces nouveaux Marsupilamis cornaqués par Dupuis et Belvision, studio bruxellois historique des Astérix et des Tintin, qui l’incarnent (52 épisodes de douze minutes dans les tuyaux). Graphisme 3D sans âme, froid et moche, action inutilement débridée, cadre exclusivement urbain aux couleurs criardes : soyons honnête, l’échantillon qu’il nous a été donné de voir à Toulouse a largement de quoi faire se retourner d’idées bien noires le pauvre André Franquin dans sa tombe. Mais le succès promis à ce projet paresseux et facile, dont l’atterrissage devrait intervenir en 2021, ne fait néanmoins guère de doute. C’est aussi ça, la loi du marché…

(1) Ce que n’ont pas manqué de faire, en marge de la manifestation, la RTBF, via sa marque OUFtivi destinée à la jeunesse, couronnée à Toulouse d’un Cartoon Tribute dans la catégorie Diffuseur de l’année, et la société bruxelloise Panique !, élue, quant à elle, Producteur de l’année.

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