Gérald Frère (à gauche) et son fils Cédric Frère (à droite) © Belga

La nomination de Cédric Frère au poste de régent mine le sérieux de la Banque Nationale

La crédibilité de la Banque Nationale en prend un coup et le gouvernement Michel n’y est pas étranger.

La nomination de Cédric Frère au poste de régent à la Banque Nationale entraîne une vague d’indignation rarement vue dans le monde économico-financier. Cédric Frère succède à son père, Gérald Frère. Il y a vingt ans, ce dernier a pris la place au conseil de régence de son père Albert Frère, l’un des Belges les plus fortunés et détenteur du holding GBL. La décision a entraîné un commentaire particulièrement acéré du quotidien De Tijd qui estime qu’un mandat de régent à la Banque Nationale qui passe de père en fils est digne d’une « république bananière ».

Depuis la venue de l’euro, la Banque Nationale n’est guère plus qu’une filiale de la Banque centrale européenne (BCE). Pourtant, elle joue encore un rôle important, par exemple en tant que fournisseur de toutes sortes d’études économiques et de chiffres, souvent assortis de recommandations pour la politique. Les régents reçoivent ces informations plus rapidement que les autres, car tous les mois, ils se concertent avec la direction de la Banque Nationale. Et Albert Frère illustre lui-même qu’on y trouve vraiment des nouvelles importantes. Il trouvait l’adhésion au conseil de régence si importante qu’il a refusé des mandats d’administrateur dans des banques parce qu’il n’avait pas le droit de les combiner à la régence. Les informations confidentielles au sujet de l’économie européenne et belge dont bénéficient les régents valent beaucoup d’argent pour un investisseur. Ici, les connaissances sont non seulement du pouvoir, mais aussi de l’argent.

Albert Frère considérait sa fonction à la Banque Nationale comme une « question familiale », selon son fils Gérald : « Il trouvait que j’avais droit à un siège quand il a pris sa pension. Quand il l’a dit tout haut, cela lui a valu l’hilarité générale ». Cela n’a pas empêché Gérald de succéder à son père comme régent. Et à présent, c’est au tour de son fils de 34 ans, Cédric, qui n’a pratiquement pas d’expérience ou d’expertise, mais la bonne origine. Appelez ça du népotisme.

La Banque Nationale compte dix régents. La moitié représente les employeurs et employés, l’autre moitié est proposée par le ministre des Finances. Cédric Frère a donc été proposé par Johan Van Overtveldt (N-VA), mais il ne fait pas de doute que cette nomination a été conclue au niveau du gouvernement. Le ministre des Affaires étrangères Didier Reynders (MR), dont on sait qu’il entretient de bonnes relations avec Frère, y a défendu le fils à papa Cédric. La N-VA a consenti, et à son tour, le parti a pu nommer Edwin De Boeck, à la tête de son service d’étude, régent. C’est ce genre de magouilles politiques que dénonçait la N-VA lorsqu’elle n’était pas encore au gouvernement.

La nomination de Cédric Frère mine le sérieux de la Banque Nationale alors que ce sérieux fait débat depuis quelque temps. Il y a un mois, on a appris que la Banque Nationale voulait laisser les employés plus âgés chez eux prématurément, alors que dans toutes ses publications – à juste titre – elle argumente que tout le monde doit continuer à travailler plus longtemps. C’est ce qu’on appelle de l’hypocrisie. L’état est propriétaire à 50% de la Banque Nationale, mais le gouvernement Michel n’a pas l’intention de rappeler la Banque Nationale à l’ordre. C’est ce qu’on appelle se mettre la tête dans le sable.

À la Banque Nationale, plusieurs nominations importantes sont prévues pour cet automne. Le directeur Marcia De Wachter et le gouverneur Jan Smets prennent leur retraite. Il est certain que le vice-gouverneur Pierre Wunsch sera gouverneur. Là aussi, il y a eu les machinations politiques nécessaires : quand le gouvernement Michel est arrivé au pouvoir, le vice-gouverneur Mathias Dewatripont, étiqueté PS, a immédiatement été mis de côté au profit de Wunsch, qui avait travaillé aux cabinets de Didier Reynders. Dewatripont, professeur en économie à l’ULB, était pourtant loué partout pour ses connaissances – et même cité comme gagnant possible du prix Nobel. Mais ici aussi, l’origine est importante, cette fois politique, et aujourd’hui c’est le MR du Premier ministre Charles Michel qui tient les rênes.

De Wachter et Smets, tous deux étiquetés CD&V, seront remplacés par une personne de sorte que le comité de direction se réduise de sept à six membres. C’est au CD&V d’avancer un nom. Et il faut que ce soit une femme, sinon le nouveau comité de direction se composerait uniquement d’hommes. Tout indique que l’ex-parlementaire Mia De Schamphelaere, censeur à la Banque Nationale, sera promue directeur.

Ainsi, tous les partis du gouvernement sont contents. Mais cela ne signifie pas du tout que le pays soit bien servi.

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