La révolution des agences immobilières

Les agences immobilières vivent-elles leur troisième révolution ? Après l’informatique et Internet, doivent-elles aujourd’hui passer au réseau ? A l’américaine…

On pourrait croire qu’il n’y a rien de plus immuable que l’activité d’agent immobilier, qu’il suffit, en quelque sorte, de réunir un acheteur et un vendeur. En un peu plus de deux décennies pourtant, le métier a fondamentalement changé.

Sa première révolution, il l’a vécue à la fin des années 1980, avec l’outil informatique. Finies les fiches et recherches fastidieuses (pour peu que la mémoire ne suive pas), vive les programmes de classement et de gestion du portefeuille.

Sa deuxième révolution a été portée par Internet, fin des années 1990, devenu un incontournable débouché pour les petites annonces : au sein de sites propres, mais également auprès de site commerciaux externes tels immoweb.be, vlan.be, logic-immo.be… Les candidats acheteurs ne peuvent plus s’en passer et ne s’en passent d’ailleurs pas.

Et maintenant ? Une troisième révolution semble être en marche, inéluctablement : le rattachement des agences à un réseau. Comme si, désormais, l’isolement était significatif de disparition.  » On peut estimer le nombre d’agences immobilières à quelque 3 000, dont 10 à 12 % sont intégrées dans un réseau « , indique Eric Verlinden (réseau Trevi). Qu’il s’agisse du sien (28 agences), des deux mastodontes américains que sont Century 21 (163) ou Era (112), mais encore de l’allemand Engel & Völkers (17), des belges Immoview (19), Certes (17), McNash (11), etc.  » Sur les 3000 agences actuelles, on peut tabler qu’endéans les 5 ans plus d’un millier va soit disparaître, soit rejoindre un réseau.  » Les premières parce que trop petites (moins de 5 personnes pour des honoraires inférieurs à 200 000 euros), les secondes parce que trop… moyennes (de 5 à 20 personnes pour des honoraires entre 200 000 et 1 million d’euros).  » Le regroupement sera spectaculaire. Au final, le marché sera représenté par 500 à 600 opérateurs, dont 80 % détenus par 20 % des enseignes, poursuit-il. On n’a rien inventé. On ne fait que dupliquer, à quelques années de distance, ce qui s’est passé aux Etats-Unis, en France… « 

En Belgique, le phénomène a débuté en 1995, avec le lancement simultané, effet du hasard, de Century 21, Era et Trevi. Mais depuis deux à trois ans, le mouvement s’est fortement accéléré. Le marché est quasi vierge – surtout en Wallonie – et attire des opérateurs belges et étrangers. Français, notamment. Comme Laforêt Immobilier (700 agences, principalement en France, mais aussi au Portugal et au Luxembourg), qui s’est choisi, il y a moins d’un an, un master franchisé belge, Patrick Balcaen, propriétaire de deux agences immobilières (Jette et Wemmel), et qui annonce des contrats de franchise avec 4 autres agences à Bruxelles.

Mais qu’offre donc un réseau ?  » Même si le métier est et reste local, explique Patrick Balcaen, on est dans un système de globalisation de la consommation. Les consommateurs se tournent vers des marques qui les rassurent. L’immobilier ne fait pas exception à la règle.  » Même si l’appartenance à un réseau, qu’il impose ou non certaines règles professionnelles ou déontologiques, ne signifie pas d’emblée travailler de manière plus intègre.  » Non, je dirais malheureusement non. Certes, les exigences minimales sont telles qu’un agent non agréé ou radié de l’IPI [NDLR, l’ordre des agents immobiliers] n’en fera jamais partie. Et un réseau accompagne, suit, informe, forme. S’il est bien géré, il peut créer une cohésion stimulant les échanges d’informations, d’expériences.  » Mais sans certitude aucune.

A défaut de travailler  » mieux « , le réseau assure en tous les cas aux membres de travailler  » plus « .  » Le niveau de professionnalisme que l’on exige de l’ensemble de la profession immobilière (courtiers, syndics, gestionnaires, experts) est de plus en plus élevé « , indique Eric Verlinden, qui évoque les certificats énergétiques, électricité et, pourquoi pas demain, amiante.  » Le réseau doit être compris comme un support d’informations mises à jour régulièrement, permettant aux franchisés ou partenaires d’être aisément upgradés et donc de se concentrer sur leur métier qui est de vendre, louer, gérer… « 

Ces services ont un prix, bien sûr. Dans le cas de franchisés, le droit d’entrée s’élève de 20 000 à 25 000 euros, plus des royalties de 8 % sur le chiffre d’affaires, dont 2 pour les seuls aspects communication et défense de la notoriété de la marque. Dans le cas de partenaires comme Trevi, le droit d’entrée est ramené à 3 000 euros auxquels s’ajoute une redevance mensuelle fixe de 500 euros au maximum.

Certains vont concevoir leur réseau de manière quantitative, à l’américaine, d’autres de manière plus qualitative, s’imposant des exclusivités territoriales. Trevi table sur un maximum de 45 à 50 partenaires à terme, soit une vingtaine supplémentaires qu’il trouvera essentiellement en Flandre puisqu’il a fait le plein en Wallonie. Laforêt vise les 150 au niveau national (objectif 2018), 210 à plus long terme.

Sans trop de problèmes ? En temps de crise, plus qu’en temps de boom, l’appartenance à un réseau paraît indispensable. Mais, en temps de crise, justement, ces coûts peuvent être insurmontables.

Réseau low cost

Ce dont est convaincu Joe Chtouki qui vient de lancer – après deux ans d’étude de marché – un concept de réseau low cost : Real Estate Group (REEG). Dont coût : 150 euros par mois, sans droit d’entrée, avec un préavis en cas de renonciation de seulement 3 mois.  » Ce concept permet aux agences de bénéficier des facilités et de la crédibilité d’un réseau tout en gardant leur identité, leur logo, leur couleur « , explique-t-il. Car ce qu’il apporte, son essence même, c’est d’être une plate-forme informatique inter-agences facilitant leur collaboration.  » Quelle est la réelle valeur ajoutée d’un réseau, questionne-t-il, si ce n’est la collaboration qu’il suscite entre les membres. Or, en pratique, ce n’est pas ce que les réseaux existants mettent en avant.  » Et c’est bien ça qu’il veut, lui, promouvoir.  » Le plus difficile pour une agence, ce n’est pas de vendre un bien, c’est de le rentrer, ajoute-t-il. Or, pour un candidat acheteur, le plus important, c’est que son agence lui offre un large panel de biens.  » REEG est né de ces deux principes de base et compte déjà 12 agences.  » Tout bien rentré par un des membres du réseau peut être vendu par les autres membres, partage de commission à la clé (50/50 généralement). Cela facilite grandement l’obtention d’un mandat, en exclusivité de surcroît, puisque l’agent peut dire que derrière lui il y a 12 (ou 20, 30, 100 ou 150) agences qui s’en occuperont aussi. Quant au candidat-acheteur, il est assuré d’une offre 10 fois supérieure à celle d’une agence traditionnelle.  » Parallèlement, le réseau agit comme centrale d’achat en matière de publicité et autres outils de communication.  » Les 150 euros sont donc facilement récupérés. « 

Pour l’heure, Joe Chtouki organise des conférences à Bruxelles et en Wallonie pour expliquer son concept. Et il voit déjà grand : 1 000 agences à terme, 400 à Bruxelles et en Wallonie et 600 en Flandre.  » C’est que contrairement aux autres réseaux, chez REEG il n’y a aucune exclusivité territoriale à satisfaire puisqu’il y a partage de la commission, conclut-il. Il y a quelques années, les concurrents d’une agence, c’étaient les autres agences. Aujourd’hui, c’est… immobel.be & Co, qui permettent à des particuliers que leur bien soit vu par des milliers de personnes… sans l’intermédiaire d’une agence. Un réseau comme REEG arrive au même résultat, valeur ajoutée de l’agence en plus. « 

CHARLOTTE MIKOLAJCZAK

 » Le plus difficile, ce n’est pas de vendre, mais de rentrer un bien « 

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