Patrons efficaces, belges au carré

Les employeurs de l’est du pays se montrent très attachés à la Belgique, bien qu’ils apprécient moins les lenteurs wallonnes. Et certains se méfient aussi de la tutelle… germanophone.

Petit paradis économique, la Communauté germanophone tire le meilleur profit de sa situation frontalière, du multilinguisme de ses habitants et de sa cohésion sociale. Pour preuve, le taux de chômage : il s’est établi à 7,2 %, en moyenne, en décembre 2007, et descend même jusqu’à 4,2 % dans le canton de Saint-Vith. Avec 12 %, La Calamine fait exception à la règle : une  » maison de l’emploi  » y a d’ailleurs été ouverte.  » Ce quasi-plein-emploi est dû à la proximité du Grand- Duché, à la bonne santé du secteur de la construction et à l’importance de nos exportations « , explique Volker Klinges, directeur de la Chambre de commerce et d’industrie et de la Fédération générale des employeurs germanophones.

Bien connus pour leur efficacité, les entrepreneurs locaux ont vécu la crise belge comme une perte de temps et d’énergie. Le problème BHV est aux antipodes de leur décontraction linguistique. Le rattachement au grand-duché de Luxembourg ?  » Une boutade !  » lance Michel Horn, patron de l’entreprise familiale Ortis, célèbre pour ses produits phytothérapeutiques, qui emploie 100 personnes à Elsenborn et 40 au Grand-Duché.  » Dans ma famille, nous sommes viscéralement attachés à la Belgique, qui nous a délivrés du Reich allemand et qui donne à l’étranger l’image d’un pays sérieux, au riche passé industriel et européen, où les gens boulottent. Les germanophones y sont respectés, choyés même, au point de donner lieu à quelques gaspillages. Fallait-il vraiment que nous ayons quatre ministres ? « 

Yves Noël, président du conseil d’administration du groupe NMC (mousses synthétiques), une multinationale qui occupe 450 personnes à Eynatten, et 550 autres en Europe, est aussi un  » Belge au carré « .  » Aucun scénario d’éclatement de la Belgique ne tient debout, assure-t-il. Si cela se produisait, on s’empresserait aussitôt de reconstruire des coopérations.  » Membre de plusieurs conseils d’administration flamands, il est – ce qui en dit long – vice-président de la Fondation Roi Baudouin.  » Mon grand-père a changé deux fois de nationalité, mon père, une fois, dit-il. Je suis heureux d’avoir une patrie qui m’accueille de façon sympathique, qui m’a appris le français et l’allemand, où les spécificités culturelles peuvent s’épanouir. 90 % des chefs d’entreprise germanophones partagent mon opinion. « 

Haro sur l’administration wallonne ?

Les institutions wallonnes, en revanche, suscitent des sentiments plus mitigés.  » L’idée est largement répandue que les rapports avec les autorités administratives gagneraient à être plus efficaces, explique Yves Noël. Les entreprises locales trouvent qu’on ne s’inquiète pas trop d’elles, mais qu’on déroule le tapis rouge devant les investisseurs étrangers. Cependant, au-delà de l’aménagement du territoire et du logement, le patronat n’est pas demandeur d’autres transferts de compétences. « 

Michel Horn, lui, est plus nuancé.  » Les Hollandais et les Allemands ont le droit de s’installer chez nous, même si cela complique la vie des jeunes Belges germanophones à cause du renchérissement des prix. Pour aider nos jeunes, il existe d’autres leviers que celui du logement. Par ailleurs, en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme, je n’ai eu qu’à me féliciter de mes contacts avec la tutelle wallonne ! Une administration rapide et efficace, mais plus lointaine, est un gage de neutralité. Chez nous, tout le monde se connaît : une forme de jalousie peut se manifester à travers des décisions bureaucratiques. Ce n’est pas la Région wallonne, mais des fonctionnaires germanophones qui ont exigé que notre nouvelle usine soit bardée de bois… « 

M.-C.R.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire