UNE ZONE EURO TROP PEU POLITIQUE ?

La critique est souvent entendue, en particulier en Allemagne :  » L’erreur fondamentale fut de créer une union monétaire sans union politique !  » La formule est à la fois inexacte et correcte. Elle est inexacte en ce sens que l’union monétaire n’a pu être envisagée que parce qu’il y avait déjà un certain degré d’union politique ; partager la souveraineté monétaire était vu comme un renforcement de l’intégration qui existait déjà. Si l’Union économique et monétaire (UEM) s’est révélée plus solide que les prédictions de nombreux observateurs, surtout anglo-saxons, qui annonçaient son implosion imminente, c’est parce que ces derniers ont ignoré cette dimension politique. Ils ont sous-estimé la force des liens qui unissaient les Etats membres, l’importance que les dirigeants politiques y attachaient et leur volonté de résoudre ensemble les problèmes.

Mais la critique est correcte dans la mesure où l’union politique est encore insuffisante pour permettre à l’union monétaire de fonctionner harmonieusement, sans trou d’air  » à la grecque « . Car les trous d’air à répétition, non seulement cela donne le mal de l’air, mais cela finit par abîmer la machine.

Dans d’autres unions politiques, la cohésion vient d’un fort sentiment d’identité nationale – qui n’existe évidemment pas dans la zone euro – mais aussi le plus souvent de mécanismes automatiques de transferts budgétaires entre les parties les plus riches et les plus pauvres. Aux Etats-Unis, quand la Californie va mal, elle contribue moins au budget fédéral et elle en reçoit davantage. Au sein de la zone euro, de tels transferts ne sont pas prévus. Certes, des transferts existent en application de la politique de cohésion de l’Union européenne (les  » fonds structurels « ) mais ils sont destinés principalement à soutenir le processus de rattrapage d’Etats membres qui ne font pas partie de la zone euro. Le Rapport Van Rompuy (en juin 2012) proposait l’établissement d’une  » capacité budgétaire  » de la zone euro en vue de faciliter l’ajustement en cas de chocs asymétriques. Cela pourrait prendre la forme d’un mécanisme de type assurantiel qui établirait une solidarité automatique et atténuerait les coûts financiers et sociaux de l’ajustement.

Bien entendu, un tel mécanisme ne pourrait en aucun cas inciter à reporter les nécessaires réformes structurelles, celles qui doivent accroître la compétitivité des entreprises européennes, notamment en stimulant la recherche et l’innovation, en améliorant la qualification des travailleurs, en modernisant les infrastructures économiques et en réduisant les contraintes bureaucratiques. Jusqu’à présent, ces réformes sont restées largement une prérogative nationale. Mais il est de plus en plus évident qu’elles deviennent d’intérêt commun. Les pays de la zone euro dépendent de plus en plus les uns des autres. Si les réformes sont insuffisantes dans un grand pays (la France ?) ou même dans un petit pays (la Grèce ?), les autres finissent par en subir les conséquences. Dès lors, il serait justifié de partager davantage la souveraineté dans ces domaines d’intérêt commun, autrement dit, d’approfondir l’union politique.

Cela implique plus que de renforcer les procédures existantes ; cela requiert sans doute un nouveau traité, donc un large débat démocratique avec les citoyens européens, y compris avec ceux tentés par les sirènes du national- populisme. L’approfondissement de l’union politique passe par une démarche hautement politique, celle qui entraîne l’adhésion d’une majorité de citoyens.

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par Philippe Maystadt

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