Diététique Un petit plus pour rien ?

Habitués, sinon accrocs, aux aliments enrichis et aux compléments alimentaires, nous oublions de nous demander s’ils sont indispensables à notre santé. Et au moins sans danger pour nos organismes. Petit rappel à l’ordre entre bon grain et ivraie.

Et hop, une gélule de ceci, une autre de cela. Et hop, dans le caddie, un aliment enrichi. Ça ne peut pas faire de tort, pardi ! En êtes-vous sûr ? Certains médecins et spécialistes en doutent. Les résultats de plusieurs études sur les compléments alimentaires et autres aliments enrichis les ont échaudés. Et les incitent à la prudence. D’autant que, comme ils le répètent inlassablement, chez un adulte en bonne santé, une alimentation équilibrée et diversifiée répond à tous les besoins nutritionnels et énergétiques. Sans qu’il soit besoin de chercher, ailleurs, une utopique panacée. Le simple fait de consommer quotidiennement cinq portions de fruits et de légumes suffit généralement.

Comprendre, il y a bien longtemps déjà, que l’absence de vitamine C était responsable du scorbut chez les marins, a représenté une grande étape. De simples citrons embarqués dans les cales suffirent à résoudre ce problème !  » On sait, désormais, que le déficit prolongé en micronutriments, c’est-à-dire en vitamines, en minéraux ou en oligoéléments, risque de provoquer des maladies curables – parfois de manière spectaculaire -, grâce à l’administration de l’élément qui faisait défaut « , remarque le Pr Nicolas Paquot, chef de service associé en diabétologie et nutrition au CHU Sart Tilman (Liège). Aucune raison, donc, de ne pas combler les carences avérées en fer, en iode ou en vitamine D, fréquentes en Belgique. Par ailleurs, certaines périodes de la vie, comme la phase de croissance chez l’enfant ou les dernières années de vie chez l’adulte, s’avèrent davantage propices à l’installation de déficits ; autant y rester attentif.  » Mais, dans tous les autres cas, insiste le Pr Paquot, il n’est pas prouvé que de légers déficits ont des conséquences majeures sur nos santés. « 

Nous précipitons-nous donc en vain sur les nombreuses supplémentations ou autres aliments enrichis qu’on nous propose et auxquels nous attribuons des propriétés miracles ? Nous le faisons, en tout cas, sans toujours savoir qu’ils sont loin d’avoir scientifiquement démontré leur apport à nos santés ou même leur innocuité.  » Parfois, cela n’a d’autre conséquence qu’une dépense inutile. Néanmoins, diverses études récentes font également planer un doute sur les effets pervers de certains de ces apports et de leur surdosage dans l’organisme « , souligne le nutritionniste.

Même les très en vogue oméga 3 n’échappent pas à cette remise en question. Ces graisses, très présentes dans l’alimentation des Esquimaux, réduisent les risques de mortalité due au cancer et aux maladies cardio-vasculaires. Mais ces populations puisent leurs sources d’oméga 3 dans leur consommation de poissons gras et non dans des suppléments !  » De grandes études menées en France ont montré qu’une supplémentation en oméga 3 a des effets favorables chez les patients qui avaient souffert d’un infarctus du myocarde, précise le Pr Paquot. En revanche, nul spécialiste ne pourrait assurer qu’aucun effet défavorable n’est à redouter des gélules que l’on avale. Actuellement, et alors qu’on peut raisonnablement espérer que ces graisses ont également des effets bénéfiques sur les maladies inflammatoires ou sur l’asthme, le seul message honnête de prévention consiste donc à préconiser de manger du poisson gras deux fois par semaine. Et de réduire simultanément nos apports excessifs en oméga 6 (augmentés par des huiles végétales comme l’huile de tournesol). « 

De la même manière, les antioxydants ont moins bonne presse qu’il y a quelques années.  » L’étude Suvimax, menée en France pendant plus de sept ans sur 13 000 personnes, a prouvé qu’un cocktail de vitamines C, D, de sélénium et de zinc n’avait eu d’effet, en termes de réduction de mortalité par cancer, qu’auprès d’hommes assez âgés et qui, dès le départ, montraient des déficiences en micronutriments en raison d’une alimentation déséquilibrée, souligne le Pr Paquot. D’autres études ont fait état d’effets délétères de certains suppléments alimentaires. Trois recherches axées sur la prévention des accidents cardio-vasculaires par une prescription de suppléments en vitamine B12, B6 et en acide folique ont démontré leur inutilité. Avec, parfois, une tendance à un pronostic plus défavorable de l’accident coronarien relevé au sein du groupe des personnes qui recevaient ces substances… « 

De même, autant les antioxydants provenant de notre alimentation auraient un effet favorable dans la prévention de certains cancers (comme celui du poumon), autant des suppléments purifiés administrés à dose élevée pourraient se révéler dangereux.  » L’effet bénéfique d’un apport extérieur en antioxydants pour lutter contre les cancers n’a pas encore été démontré « , insiste le spécialiste.

Et pourtant, les spécialistes y croient

Prudents (ou plus prudents) à l’égard des micronutriments, les spécialistes restent néanmoins assez optimistes face à certains compléments alimentaires, parmi lesquels figurent les prébiotiques et les probiotiques. Il s’agit – pour les probiotiques -, de micro-organismes vivants qui, lorsqu’ils sont consommés en quantité suffisante dans l’alimentation, ont un effet bénéfique sur la santé. Cela dit, nul ne crie encore au miracle.  » Nous ignorons encore en partie la composition de notre propre biotope intestinal. Nous ne savons donc pas exactement quelles sont les souches ou les germes que nous devrions prendre quotidiennement afin d’améliorer nos défenses « , remarque le Pr Paquot.

Les maladies inflammatoires du tube digestif (comme la rectocolite ulcéro-hémorragique et la maladie de Crohn) sont en forte augmentation depuis quelques années. Nos prédispositions génétiques n’ayant pu se modifier si rapidement, l’explication de cette hausse se trouve sans doute dans nos comportements alimentaires. En recevant  » les bonnes souches  » ou  » les bons germes  » parviendrait-on à inverser la tendance ? Cette piste est également explorée pour l’asthme et le diabète, y compris à des stades précoces de la maladie. En attendant, faute d’éléments contraires, la consommation journalière de ces probiotiques et prébiotiques ne semble pas néfaste, à défaut d’être forcément aussi efficace que le laissent croire les publicités. Les laits enrichis de ces substances présenteraient également un intérêt. A condition de ne pas se contenter de les avaler en évitant de se poser la bonne question :  » Mon alimentation est-elle équilibrée ? « 

Pascale Gruber

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