69 kilos tout mouillé

Le jeune Tchèque se profile comme le digne successeur de Bart Goor.

La saison passée, le RSCA n’avait guère trouvé de solution au remplacement de Bart Goor, parti tenter sa chance à l’Hertha Berlin. Tour à tour, Tarek El Saïd, Mark Hendrikx et même Walter Baseggio s’étaient succédés sur l’aile gauche sans constituer la panacée.

Tout porte à croire que cette lacune sera enfin comblée. Depuis le début du championnat, en tout cas, le Tchèque Martin Kolar (19 ans) s’est imposé à ce poste. Une réussite d’autant plus belle que le joueur s’apparente à un cadeau du ciel.

En mission de repérage pour Vaclav Kolousek, du Slovan Liberec, c’est le jeune flanc gauche du Bohemians Prague, au contraire, qui fit d’emblée figure de priorité aux yeux de Peter Ressel, qui le souffla finalement au nez et à la barbe des ténors du football tchèque.

Lors du récent déplacement du Racing Genk au Sparta Prague, nous avons pu recueillir plusieurs témoignages sur lui. Ils complètent une interview du joueur réalisée grâce à Jean-Christophe Hollants, un journaliste belge qui se partage entre notre capitale et celle de la Tchéquie où il a pu suivre, ces derniers mois, l’éclosion du joueur.

Copa Mondial

Qu’est-ce qui vous a poussé à rallier Anderlecht à 18 ans, alors que vous aviez encore tout à découvrir dans le championnat tchèque?

Martin Kolar: Jouer à l’étranger, c’était la matérialisation d’un vieux rêve pour moi. Depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours été attiré davantage par les exploits de nos meilleurs joueurs hors frontières plutôt que par ceux d’éléments restés au pays. A dix ans déjà, je me faisais fort de marcher sur les traces de ces glorieux aînés. J’en avais d’ailleurs fait la promesse à mon père. Simple carreleur, celui-ci s’était vraiment saigné, autrefois, pour m’offrir des chaussures de football de qualité: des Copa Mondial. J’étais tellement heureux et fier que je lui ai dit: – Papa, je te revaudrai cela un jour Et c’est chose faite, à présent, sous la forme de ce transfert au Sporting.

Quelle fut l’importance de votre père dans votre éducation?

Je lui suis reconnaissant d’avoir investi la plupart de son temps libre en moi. Ses collègues ne comprenaient pas ce qui le poussait à jouer au parc en ma compagnie en lieu et place de siroter une ou plutôt plusieurs bières avec eux. – Tu perds ton temps, il n’arrivera de toute façon à rien, lui répétaient-ils sans cesse. Mais il ne s’est jamais préoccupé de leurs remarques et fut, en quelque sorte, mon premier entraîneur. Même si lui-même n’avait jamais tâté du football auparavant, mais plutôt du hockey sur glace. Moi aussi, je me suis essayé à cette discipline durant mon adolescence. Mais je n’avais vraiment pas la carrure pour m’imposer (il rit).

Qu’est-ce qui vous avait incité à vous lier au Bohemians Prague plutôt qu’au Sparta ou au Slavia, les clubs les plus réputés de la capitale?

Mes parents, ma jeune soeur et moi habitions le quartier de Stodulky, non loin des installations de Bohemians, et j’ai donc abouti chez eux par facilité. De plus, comme son nom l’indique, ce club est moins snob que les trois « grands »: le Sparta, le Slavia et Viktoria Zivkov. Il correspondait donc davantage à mon statut et c’était donc une deuxième bonne raison, pour moi, de signer ma carte d’affiliation là-bas. Je ne l’ai jamais regretté car j’y ai vécu de très beaux moments avec mes compagnons d’âge, avant d’être incorporé dans le noyau A au cours du deuxième tour de la compétition 2001-2002. J’ai finalement disputé 11 matches. Ce n’était pas mal pour un débutant.

Vous aviez la possibilité de signer chez l’un des ténors praguois cet été. N’aurait-ce pas été une destination plus logique qu’Anderlecht?

C’est peut-être bizarre à dire mais après ces quelques rencontres à peine, j’avais déjà l’impression d’avoir fait le tour de la question en Tchéquie. Je n’étais vraiment pas convaincu de pouvoir encore y progresser. D’accord, le Slavia et le Sparta représentaient un pas en avant. Mais encore fallait-il y être titulaire. Or ces deux-là ont davantage battu le rappel des stars émigrées, ces dernières années, que lancé des jeunes dans la bataille. Le cas posé par Lukas Zelenka est édifiant, à cet égard, puisqu’il fut plus souvent réserviste que titulaire la saison passée au Sparta. Et je n’avais pas envie de partager le même sort.Entre Goor et Rensenbrink

Vous n’aviez quand même pas plus de garanties d’être titulaire au Sporting?

Je n’en suis pas si sûr. Mon manager, Zdenek Nehoda, qui connaît le football belge pour avoir évolué au Standard jadis, m’a dit qu’il y avait des perspectives pour moi à Anderlecht, vu que plusieurs joueurs s’étaient relayés à la place de médian gauche tout au long de la campagne écoulée. Il y avait donc un bon coup à jouer et, jusqu’à présent, je ne regrette évidemment pas mon choix. Je me suis très vite intégré, non seulement sur le terrain mais aussi dans la vie de tous les jours car les gens sont réellement très sympathiques ici. Je n’aurais franchement pu mieux tomber.

Hugo Broos voit en vous un croisement entre Bart Goor et Robby Rensenbrink. Mais ces noms ne vous disent probablement pas grand-chose?

Je ne connais le Hollandais que de réputation. L’autre, en revanche, m’a fait grosse impression à l’occasion des test-matches contre mon pays pour la Coupe du Monde. C’est un très bon joueur et je suis flatté que l’on me compare d’ores et déjà à lui, même si j’ai encore tout à prouver.

A l’image de Bart Goor, vous alliez une technique plus qu’appréciable à une combativité de tous les instants. C’est une combinaison rare. Qu’est-ce qui l’explique chez vous?

Chez les Bohemians, il fallait tout simplement se battre chaque semaine si on ne voulait pas sombrer. De plus, au même titre que les autres jeunes, j’ai été formé à la dure par l’entraîneur Vladimir Petrzela, qui dirige l’équipe fanion aujourd’hui. Cet homme partait du principe que lorsqu’un joueur perdait le ballon, il devait mettre tout en oeuvre pour le récupérer. C’est pourquoi je m’époumone toujours, au risque d’en faire parfois trop. Comme récemment contre La Gantoise lorsque j’ai commis un penalty après une folle course-poursuite.

Auparavant, déjà, vous aviez été à la base du but d’ouverture d’Aleksandros Kaklamanos suite à une passe approximative dans l’axe. Deux erreurs qui auront finalement valu au RSCA de perdre ses premiers points en championnat.

J’en suis le premier navré. J’ai voulu trop bien faire et cela s’est retourné contre moi. Si j’avais laissé le travail de récupération à d’autres, c’est sûr qu’on ne m’aurait pas montré du doigt. Rien à faire: un but est toujours la conséquence d’une erreur. Tantôt c’est l’un, tantôt c’est l’autre qui la commet. Il faut pouvoir l’accepter. Ce qui me désole, c’est que le Sporting n’ait pas été en mesure de reprendre l’avantage alors qu’il restait quand même 40 minutes à jouer.Cuit après une heure

Vous-même n’avez pas pu vous racheter puisque vous avez été remplacé par Clayton Zane un quart d’heure plus tard. C’est d’ailleurs votre lot depuis le début de la saison car vous fléchissez souvent en deuxième mi-temps?

Je dose mal mes efforts. Je fais tout à fond, comme en Tchéquie, en oubliant que le rythme est beaucoup plus élevé ici. Dès lors, après une heure de jeu, je cherche mon deuxième souffle. L’entraîneur a raison de me remplacer à ce moment-là car je suis alors complètement éreinté. D’ailleurs, je n’ai encore jamais aussi bien dormi que depuis que je suis en Belgique (il rit).

A l’occasion de votre tout premier match sous la casaque anderlechtoise, à Knokke, vous aviez épaté la galerie par quelques prouesses techniques. Quoi de plus normal, peut-être, pour quelqu’un qui devait essayer de se mettre en évidence lors d’une joute amicale. Par la suite, toutefois, on vous a vu tenter des petits ponts aussi contre Malines et Westerlo notamment. C’est le signe d’une grande confiance en vos moyens, non?

Je ne conçois pas le football sans prise de risques. D’autant plus que je joue quand même sur une portion du terrain où les pertes de balle ne portent pas à conséquence. En général, du moins (il grimace). Aussi, je n’hésite jamais à faire preuve d’audace. Mais je dois me garder d’en faire trop. A Westerlo, par exemple, j’avais réellement exagéré. Face à Malines et au Standard, c’était déjà beaucoup plus raisonnable.

Le public anderlechtois n’en apprécie pas moins de tels gestes. Et ce n’est pas un hasard si vous faites déjà figure de chouchou.

Pourtant, j’ai le sentiment de ne pas encore avoir montré grand-chose. Pour ce faire, je ne suis pas encore suffisamment impliqué dans le jeu. La plupart de nos offensives se déroulent sur l’aile droite. Ce n’est pas anormal car Ivica Mornar prouve qu’il constitue toujours un bon placement. Moi, je n’ai pas encore la même cote auprès de mes coéquipiers. Mais, de match en match, je sens quand même que cette implication augmente.

Vous avez déjà fait vos preuves comme navetteur le long du flanc gauche. Mais pas encore comme buteur. Marquer n’est pas votre spécialité?

J’ai toujours davantage fait marquer qu’inscris des buts moi-même. Mais une demi-douzaine de goals est dans mes cordes, bon an mal an. Et je sens que mon premier but est pour bientôt.

Vous avez signé un contrat de cinq ans au Parc Astrid. Quelles ambitions nourrissez-vous durant cette période?

Je veux devenir une valeur sûre au Sporting avant de tenter ma chance dans un championnat plus relevé encore. Comme en Angleterre, par exemple, où évolue mon club favori: Manchester United. Mais d’ici là, il me reste encore pas mal de chemin à accomplir en Belgique, j’en suis pleinement conscient.

Bruno Govers

« Je ne conçois pas le foot sans prise de risques »

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