J’en reste sans voix

Cher opérateur de téléphonie mobile,

Je dois bien le reconnaître : jusqu’à présent, je n’avais jamais lu la jolie feuille en quadrichromie qui accompagne la facture que vous m’envoyez chaque mois. Heureusement, cet été, à la faveur d’un jour de spleen total, j’ai parcouru votre newsletter titrée  » Produits et services/ tendances/ nouveautés « . Et ce que j’y ai appris m’a passionné : vous m’offriez un Voice Greeting ! D’accord, j’ignorais totalement ce qu’était un Voice Greeting mais, pour une fois que vous donniez quelque chose, vous pensez bien que je n’allais pas faire la fine bouche.

Poursuivant ma lecture, j’ai donc découvert qu’un Voice Greeting, c’est ce que quelques puristes attardés s’acharnent encore à appeler un message d’accueil d’une boîte vocale. Et que le message que je pouvais télécharger sur mon GSM disait ceci :  » Salut, je ne peux pas répondre, je suis aan de kust ! Et ( sic) oui, je suis à la mer du Nord ! Je mange des bonnes moules sur la digue, alors j’ai besoin de mes deux mains. Laisse-moi un message, j’te rappelle après les frites, dis !  »

J’aurais dû m’en douter : si vous m’offrez quelque chose, c’est que, forcément, cela n’a aucun intérêt. Parce que, franchement, on ne voit pas très bien pourquoi qui que ce soit voudrait tapisser sa boîte vocale avec un message aussi, euh, fascinant. Par contre, ce que j’ai très bien compris, c’est pourquoi vous proposiez ce service. Car, après nous avoir fait rire aux éclats avec votre petit sketch sur les moules et les frites de la mer du Nord, votre feuille d’information expliquait que vous aviez encore d’autres messages. Pour les écouter, c’est 1 euro la minute. Et pour les télécharger, 1,50 euro.

Mais, pour ce prix-là, vos Voice Greetings, c’est que du bon ! Pensez donc : on peut même avoir, je vous cite,  » quelque chose (…) avec la voix d’un artiste « . La Belgique n’étant pas pour rien la Patrie des Arts et de la Pensée, je m’imaginais déjà accueillant bien mes correspondants avec  » Bonjour, c’est René Magritte. Ceci n’est pas un Voice Greeting  » ou  » Bonsoir, c’est Hergé ®. Vous venez d’entendre le mot « Hergé »®, vous devez donc 5 euros à Moulinsart S.A. Veuillez payer sans protester, ne nous obligez pas à avoir recours à nos avocats.  » A moins que mes préférences n’aillent à :  » Bonjour menneke, c’est Toots. Attends, je prends mon harmonica et je vais te jouer un air que je suis sûr que tu ne connais pas. Ça s’appelle Bluesette. Allô ? Allô ? Eh bien, menneke, pourquoi t’as raccroché ? »

Pourtant, aux dernières nouvelles, ces messages d’artistes ne seraient pas encore disponibles sur votre serveur. Qu’à cela ne tienne, je vais vite les enregistrer, histoire d’arrondir à mon tour mes fins de mois. Et je suggère aux 200 000 chômeurs qui attendent leur job promis par Verhofstadt de faire de même. Hier 200 000 sans-emploi, demain 200 000 serveurs de Voice Greetings ! Finalement, faire reculer le chômage, c’est simple comme un coup de fil.

Jean-Marie Charles, Heuzy

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