Les enchères du 9e art

Les aventures de nos héros préférés s’échappent des albums pour envahir les maisons de ventes. Aux enchères, les planches de bandes dessinées – longtemps snobées, culture populaire oblige – obtiennent des résultats inespérés.

Depuis quelques années, la bande dessinée semble avoir gagné ses lettres de noblesse. La discipline est à présent reconnue comme une composante à part entière de l’histoire de l’art. Pour preuve, les reconnaissances institutionnelles se multiplient : Astérix à la Bibliothèque nationale de France (2013), Enki Bilal au Louvre (2013), François Schuiten et Benoît Peeters à la Cité de l’Architecture (2014-2015), à Paris… Autant d’initiatives qui laissent penser que les frontières entre les disciplines se sont décloisonnées. Conséquence directe, le marché de l’art – toujours sur le coup – s’est vite adapté.

Leader mondial dans ce créneau si particulier, la maison française Artcurial tient plus que jamais à cultiver sa spécificité en multipliant les vacations orientées  » BD « . Indice supplémentaire de bonne santé, l’engagement de l’enseigne s’est poursuivi avec l’organisation en Asie, à Hong Kong, ces 5 et 6 octobre, de la première vente consacrée à la bande dessinée européenne.  » Une occasion unique de promouvoir les oeuvres auprès de clients asiatiques, de plus en plus présents dans les ventes parisiennes « , explique l’expert Eric Leroy.

Le spécialiste explique qu’il n’existe pas un acheteur  » type « . Il reconnaît néanmoins pouvoir tracer les contours de trois profils. Il note d’abord le collectionneur qui, porté par une sorte de nostalgie, souhaite renouer avec l’univers familier de son enfance. Il pointe ensuite le collectionneur  » thématique  » – et exclusif – recherchant, par exemple, tout ce qui touche au journal Spirou. Dernier arrivé, le collectionneur-amateur d’art qui fréquente galeries et musées. Le plus audacieux ! A juste titre, il considère que cette discipline appartient entièrement à l’histoire de l’art, comme un témoignage de la production du XXe siècle. Avec une vraie démarche de connaisseur épris d’esthétique, il est généralement attiré par les planches originales.  » Il ne faut pas oublier qu’Andy Warhol a réalisé ses premières peintures en s’inspirant de la bande dessinée, souligne Eric Leroy. Aujourd’hui, les collectionneurs qui apprécient cet univers et qui ont compris son importance dans l’art du XXe siècle ont des profils de plus en plus diversifiés et sont culturellement très ouverts, ce qui démontre l’universalité du 9e art et le dynamisme de ce marché.  »

Combien débourser ?

Comme pour tout, la rareté et l’état de conservation constituent des critères essentiels pour fixer la valeur d’un album, d’une planche originale, d’un objet dérivé.  » La demande reste soutenue pour des oeuvres de grande qualité, pour des artistes de premier ordre comme Hergé, Edgar P. Jacobs, Enki Bilal, Jacques Tardi et un petit nombre de créateurs qui ont contribué à faire de la BD un art majeur « , précise Eric Leroy. On s’en doute : tout ce qui touche à l’univers de Tintin est généralement aussi cher que convoité. En mai 2014, les pages de garde bleu foncé, à l’encre de Chine, des albums des aventures du reporter à la houppe trouvaient preneur pour 2 654 400 euros ! Un tirage de tête de Tintin au Congo a été adjugé pour 113 000 euros. Les albums en éditions de luxe, numérotés, s’échangent entre 15 000 et 45 000 euros. Les planches originales d’autres dessinateurs obtiennent des résultats beaucoup plus variables. Un marché à surveiller !

Gwennaëlle Gribaumont

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