Vive la canicule !

La sécheresse assomme et inquiète. Mais elle a au moins un avantage : elle pousse à réfléchir sur le sens de certains comportements

D’accord, ce n’est pas (encore ?) la canicule, au sens météorologique du terme. D’accord, les nappes phréatiques au sud du pays sont loin d’être taries. D’accord, la phase d’alerte officielle, en matière de température et d’ozone, n’est pas encore atteinte. Ni même celle de pré-alerte. Il faudrait des températures plus élevées et, surtout, des pics diurnes et nocturnes plus constants, pour que les autorités activent un arsenal de mesures allant, dans leur phase ultime, jusqu’à la réquisition des lieux réputés pour leur fraîcheur (églises, grandes surfaces).

Il n’empêche : il faudrait être aveugle et sourd pour ne pas avoir remarqué l’avarice des nuages, ces cinq dernières semaines. Pratiquement pas une goutte de pluie depuis plus de vingt jours. Une moyenne de précipitations huit fois inférieure à la moyenne. Un petit vent sec, de l’est ou du nord, qui assèche le sol et l’atmosphère. De quoi faire brunir les plus beaux gazons. De quoi, surtout, faire planer de sombres perspectives sur les rendements agricoles. Déjà, pour nourrir le bétail, il a fallu entamer le fourrage prévu pour l’hiver. Certains semis tardifs, comme la chicorée, n’ont pas été arrosés une seule fois. Dans le Brabant flamand, des premières restrictions liées à l’eau û pur bon sens û ont été édictées : pas de remplissage des piscines, pas d’arrosage des rues, des voitures ni des jardins.

Sur un sol aussi sec et fermé à la percolation, des orages violents s’avèrent souvent redoutables. Gare aux dégâts ! En attendant, la chaleur et son corollaire û les pics d’ozone, renforcés par le recours intensif à la climatisation automobile û créent l’inquiétude chez les plus âgés et les plus fragiles. En 2003, 1 300 personnes de plus de 65 ans, étaient mortes, en Belgique, du fait de la canicule, et près de 15 000 en France. Cette année, vingt-cinq départements français appliquent déjà des restrictions d’eau. Quant à l’Espagne, elle est confrontée à sa pire sécheresse depuis soixante ans.

Grave ? Plutôt, oui, si tout cela devait annoncer le réchauffement généralisé du climat. Mais à quelque chose malheur est bon. Lors de la crise de 2003, l’Hexagone avait pris la mesure exacte du problème de pénurie de personnel hospitalier. Chez nous, au central téléphonique  » canicule  » de la Ville de Bruxelles, on relevait, il y a quelques jours, un grand nombre d’appels de personnes âgées émanant de tout le pays. Au bout du fil, au-delà des petits bobos, les gens expliquent leur solitude, leur isolement. Et leur crainte d’être oubliés. La canicule : une loupe sur nos sociétés ?

Philippe Lamotte

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