L’habit ne fait pas le moine

Rik Daems (42 ans) paraissait pourtant taillé sur mesure pour hériter du portefeuille des Télécommunications et des Entreprises et Participations publiques, en juillet 1999, lors de l’intronisation du gouvernement arc-en-ciel. Ce « McKinsey boy » – fils d’un ex-secrétaire d’Etat aux PTT, détenteur d’un diplôme d’ingénieur commercial décroché à Solvay (VUB) et élevé depuis sa plus tendre enfance dans un berceau familial plus bleu que bleu – semblait bien placé pour poursuivre le processus de privatisation des entreprises publiques et les préparer à assumer le choc de l’ouverture des marchés. Mais voilà: l’habit ne fait pas le moine. Depuis son entrée en fonction, le ministre louvaniste VLD n’a pas cessé de décevoir. Au début de la législature, il se mêlait un peu trop ouvertement du dossier de la SNCB. Il a fallu les remontrances de Verhofstadt pour l’amener à davantage de retenue sur un sujet qui, rappelons-le, relève essentiellement des compétences d’Isabelle Durant, la ministre Ecolo des Transports.

Et puis, il y a eu le dossier des licences UMTS (mobilophonie mobile). Le gouvernement comptait sur la quarantaine de milliards de francs qu’aurait dû, d’après Daems (celui-ci avait été jusqu’à évoquer une centaine de milliards!), rapporter leur vente aux enchères à des opérateurs censés se les arracher. L’opération, menée trop tardivement, a débouché sur un flop intégral. Depuis lors, quelques-uns de ses « collègues » au gouvernement ne cachent plus qu’ils « encadrent » difficilement cet ultra-libéral, raffiné, certes (il met ses connaissances en matière d’art et de bon vin au service – rien ne se perd – d’entreprises familiales), mais également un brin dilettante (il préfère, dit-on, les joies de la peinture à celles du labeur) et passablement inefficace.

Que dire, alors, du dossier de la Sabena? Certes, l’affaire n’était pas simple à gérer. Tellement délicate, même, que Guy Verhofstadt – lequel est loin de porter Daems dans son coeur – l’avait reprise lui-même en mains, plus d’une fois. Notamment dans la phase la plus délicate de la négociation avec la Swissair. Une négociation dont on connaît aujourd’hui l’issue désastreuse. Et dont il serait donc bien trop facile d’imputer l’entière responsabilité à un homme dont tout le monde s’accorde à dire, depuis de longs mois, qu’il est un « mauvais » ministre, mis sous tutelle par un Premier ministre conscient de ses limites.

Il n’empêche: les Belges auront du mal à lui pardonner. Daems ne déclarait-il pas récemment, au lendemain de la signature de l’accord (dénoncé depuis) portant le contrôle de la Sabena par le groupe suisse à la hauteur de 85 %, qu’il s’agissait-là d' »un excellent accord, un « win-win » offrant de réelles perspectives de croissance à des compagnies qui n’auraient jamais pu se développer seules »? A pareil degré, l’impéritie laisse pantois…

Rétrospectivement, on comprend mal comment un ministre de si piètre envergure a pu se maintenir, depuis l’été 1999, à un poste d’une telle importance. Certes, un remaniement ministériel aurait semblé peu opportun en pleine présidence européenne. Mais la faillite de la Sabena n’entache-t-elle pas cette présidence d’une manière autrement plus dramatique?

Isabelle Philippon

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