Carla Bruni : une mari ée qui dérange

 » Avec Carla, c’est du sérieux « , avait lancé Nicolas Sarkozy le 8 janvier dernier lors de sa conférence de presse. Le président français (53 ans) a épousé Carla Bruni (40 ans) samedi 2 février à l’Elysée. Une cérémonie civile  » dans la plus stricte intimité « , tranchant avec le style plutôt flamboyant du chef de l’Etat. Peut-être une volonté de réagir à une cote de popularité en chute libre (de 67 % d’opinions positives en juillet dernier à 41 % aujourd’hui) ?

 » L’affichage de la vie privée  » était en effet désapprouvé par 76 % des interviewés lors d’un sondage récent.

Le président et la chanteuse et ancienne top-modèle avaient officialisé leur liaison en décembre dernier. Carla Bruni n’a mis que quelques semaines à devenir première dame de France. Mais comment se glissera-t-elle dans les habits de Bernadette Chirac ?

Il y a un peu plus de vingt ans, ils se sont sûrement croisés. A cette époque, Carla Bruni était à peine adolescente. Nicolas Sarkozy s’apprêtait à conquérir la mairie de Neuilly, après avoir participé à la fondation du RPR, ce Rassemblement pour la République qui devait porter Jacques Chirac à l’Elysée. Un soir, l’ex-Premier ministre du président Giscard d’Estaing demande au  » fils prodige  » de l’accompagner à un dîner chez de riches Italiens, exilés en France pour raisons politiques. Il s’agit d’Alberto et Marisa Bruni Tedeschi, les parents de Carla Bruni, héritiers d’une fortune considérable. Le couple  » reçoit  » beaucoup dans son appartement parisien. Industriel reconverti, il est compositeur, elle est pianiste. Ils comptent parmi leurs convives les plus grands noms de la musique, mais aussi des intellectuels et des responsables politiques.

En 1973, ils ont quitté une Italie secouée par le terrorisme d’extrême gauche. Pour Carla, 6 ans, c’en est fini des jours dorés dans le parc de Castagneto Po, sur la colline de Turin. C’en est terminé de cette liberté si particulière accordée aux enfants de la grande bourgeoisie, livrés à eux-mêmes par des parents trop absents. Malgré l’armada de gardes du corps, les Bruni Tedeschi craignent pour la sécurité de leur famille. Ils hésitent entre les Etats-Unis et la Suisse, choisissent la France, dont vient la grand-mère maternelle, Renée, laissent derrière eux une partie de l’extraordinaire collection d’antiquités d’Alberto Bruni Tedeschi. Onze ans après la mort de cet amateur éclairé, en 2007, quelques-unes de ces £uvres d’art, vendues aux enchères, rapporteront 18 millions d’euros… Dans un univers où la culture est une évidence et le luxe une habitude, Marisa Bruni Tedeschi, pianiste reconnue sous le nom de Marisa Borini, rêve de noces prestigieuses pour sa progéniture :  » Quand la famille habitait la résidence du cap Nègre, sur la Côte d’Azur, elle espérait que ses enfants deviendraient amis avec ceux du prince Rainier, les petits Grimaldi « , raconte encore la nounou, Marianna Parolin, 84 ans, au quotidien italien La Stampa.

En 1986, Carla entame une carrière de mannequin. Elle a de longues jambes et des yeux de chat, le succès est immédiat.  » Sexe, drogue et rock’n’roll  » – Carla Bruni,  » croqueuse d’amants « , dira-t-elle d’elle-même dans Marie Claire, en avril 2007, met le monde à ses pieds. Elle devient une professionnelle de la célébrité, apprend à contrôler son image dans un univers où seuls les imbéciles ne se fient pas aux apparences.

L’étourdissement dure dix ans.  » Le mannequinat, c’est comme le sport : à 30 ans, vous êtes mort « , déclare- t-elle dans Le Monde en 2002. La presse, bonne fille, reste friande de ses amours. En 1998, une agence fait parvenir à Voici une série de photos de Mick Jagger franchissant le seuil de l’appartement de la jeune femme pour n’en sortir qu’au lendemain matin. Or la belle a un fiancé (officiel). Jacques Colin, ex-rédacteur en chef de l’hebdomadaire, raconte qu’elle l’appelle immédiatement, tente de racheter les clichés, en vain, et finit par l’interroger : comment peut-elle réussir à se faire oublier ?

En 2000, pourtant, c’est un souvenir éternel qu’elle laisse à ceux qui la croisent sous les ors d’un palais républicain. En minishort, cuissardes et lunettes noires, Carla Bruni déambule dans les couloirs. Elle est la tendre amie (officieuse) de l’heureux occupant des lieux. Elle défraye de nouveau la chronique des bavards quelque temps plus tard : partie en week-end avec l’éditeur Jean-Paul Enthoven, elle séduit son fils Raphaël, déjà marié. Elle partage pendant plusieurs années la vie du jeune philosophe.

Cette fois encore, Carla Bruni et Nicolas Sarkozy se sont croisés par hasard. Le président, à peine divorcé, veut être diverti. Il appelle un jour le publicitaire Jacques Séguéla, ex-héraut de la Mitterrandie converti au sarkozysme, pour qu’il organise un dîner. A la mi-novembre, les agapes réunissent le chef de l’Etat, la chanteuse, l’ancien ministre Luc Ferry et sa femme, l’animatrice de télévision Péri Cochin et son compagnon. A la fin du repas, Carla Bruni demande à Nicolas Sarkozy s’il  » a une voiture  » pour la raccompagner.  » Oui, je crois que j’ai une voiture « , répond le président, qu’un cortège de véhicules officiels attend au pied de l’immeuble. La légende commence à s’écrire. Elle racontera qu’un peu plus tard la dame s’en est étonnée auprès de son hôte : son  » chauffeur « , auquel elle a pourtant glissé son numéro de téléphone, ne l’a pas immédiatement appelée…

Le 16 décembre, l’idylle est publique. Les tourtereaux sont saisis devant la parade de Disneyland Paris, avec le fils de Carla Bruni et sa mère, Marisa Borini. Stupeur et tremblements. Une frénésie médiatique s’empare de la France, de l’Italie, du monde entier. Dans la péninsule, on débat à la télévision sur la  » reine de France « . Dans l’Hexagone, c’est le début d’une séquence folle qui fera chuter d’autant la cote de popularité du président, lui dont la stabilité dans l’opinion ne s’était pas démentie depuis 2002. Trop de clinquant, trop d’argent, trop d’images des amants. Pas assez de résultats, pas assez de pouvoir d’achat.

Avec la même facilité qu’elle fréquentait des acteurs et des rock stars, Carla Bruni s’installe au c£ur du paysage politique. Avec elle, les déplacements officiels du chef de l’Etat se terminent en escapades amoureuses. Avant d’être président, Sarkozy s’affiche en homme épris. Ses conseillers sont catastrophés, qu’importe – il confirme déjà qu’il veut l’épouser. Carla Bruni mariée ! La même qui disait au Figaro Madame il y a moins d’un an, le 17 février 2007,  » s’ennuyer follement dans la monogamie « , celle qui avouait à Gala, le 2 mai 2007, que le mariage était  » un peu comme un piège, comme si on vous marquait au fer rouge. Tout est considéré comme acquis. Vous devez en plus jurer fidélité ! « 

Il en est qui ne doutent pas de la sincérité de cet amour. Le musicien Aldo Romano, avec qui la chanteuse a enregistré un titre en italien, n’est pas étonné :  » Lorsque j’ai travaillé avec elle, je l’ai sentie à un tournant de sa vie. Elle a été très touchée par la mort de son frère, en 2006. J’ai eu l’impression qu’elle avait besoin de se poser, qu’elle attendait un homme capable de la rassurer, de tout prendre en main. Nicolas Sarkozy dégage cette énergie incroyable, qui vous laisse penser que tout, désormais, va bien se passer.  » D’autres, moins optimistes, se demandent combien de temps va passer avant que le pouvoir la lasse. Elle qui, avec cette désinvolture que la société judéo-chrétienne chère à Sarkozy admet chez un homme et condamne chez une femme, déclarait dans la presse :  » Je préfère qu’on me traite de prédatrice que de vieux sac à puces ! Prédatrice, ce n’est pas si mal pour une fille, ça déplace le jeu… « 

En attendant, Carla Bruni travaille. Très attachée à son statut d’artiste depuis le succès de son premier album et son prix aux Victoires de la musique, elle prépare un troisième disque et continue d’écrire des textes pour Julien Clerc. Dans son entourage professionnel, on redoute que ses amours n’aient raison de sa carrière et que la critique, jadis enthousiaste, ne devienne assassine. Et le  » jamais vu  » le dispute au  » jamais vécu « . Jamais vu, la première dame de France presque nue sur des photos qui circulent via Internet ; jamais vu, la même enflammant sur les écrans de télévision une publicité pour une voiture :  » Cinq ans de garantie « , promet désormais le constructeur, avec un sens de l’à-propos commercial à mille lieues de la fonction présidentielle. Jamais vécu, cette débauche d’images de caresses et autres gestes tendres, cette intimité étalée au sommet de l’Etat. l

E. K.

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