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Chine: 25 ans après Tiananmen la nervosité règne

Le Vif

Les autorités chinoises ont imposé une sécurité draconienne mercredi autour de la place Tiananmen pour prévenir tout tentative de commémoration de la répression meurtrière du « printemps de Pékin », il y a 25 ans, tandis que Washington appelait à la libération de dizaines de Chinois détenus préventivement.

A Hong Kong, quelque 200.000 personnes étaient attendues en soirée pour une veillée commémorative de l’événement, un rendez-vous annuel que l’ancienne colonie britannique marque d’autant plus fortement qu’il est, à Pékin, plus sévèrement censuré cette année, comme chaque fois qu’il tombe tous les cinq ou dix ans. Au moins 66 personnes ont été placées en détention, en résidence surveillée ou placées à l’extérieur de la capitale à l’approche du 4 juin, selon Amnesty International. La presse étrangère s’est vue menacée de représailles par la police si elle tentait de couvrir le 25e anniversaire.

L’accès mercredi à la place Tiananmen était strictement contrôlé par les forces de sécurité qui vérifiaient les identités des Chinois et des touristes étrangers. Police armée — sorte de gendarmerie chinoise –, gardes municipaux, fonctionnaires en civil, agents des comités de quartier: l’arsenal sécuritaire de la Chine était représenté en nombre sur l’immense esplanade ou à ses abords, ont rapporté des journalistes de l’AFP. Dans la nuit du 3 au 4 juin 1989, l’endroit, le plus solennel du pays, face à l’entrée de la Cité interdite, a été le théâtre de la plus meurtrière répression par l’armée d’un mouvement populaire à Pékin depuis la fondation du régime en 1949. Des dizaines de milliers de soldats, appuyés par des centaines de chars, avaient repris possession de la place, occupée depuis sept semaines par les étudiants et la population, réclamant liberté et démocratie. L’assaut avait fait plusieurs centaines de morts et jusqu’à plus de mille, selon des sources indépendantes. Toute référence aux événements est strictement interdite et censurée, et une bonne partie de la jeunesse chinoise a grandi dans une ignorance totale des faits.

Devant l’Université de Beida, d’où était parti le mouvement, un étudiant d’une vingtaine d’année, interrogé mercredi matin par un journaliste de l’AFP sur ces événements, a répondu: « Sur cette affaire, je ne suis pas trop au clair », avant de s’éclipser rapidement. Plus loin, un couple d’étudiants de Dalian, en visite à Pékin, s’est montré partagé. « Quoi, quand ça, en 1989 ? « , a demandé le garçon, Jiang, tombant visiblement des nues. Son amie, Cui, a confié: « Moi, je sais, j’en ai entendu parler. Ca ne serait pas ce mouvement étudiant à propos de Deng Xiaoping (NDLR: le dirigeant chinois d’alors) ? Mais je ne comprends pas tout. On n’était même pas né, à l’époque!  »

Dans le reste de la capitale, où les mesures de sécurité avaient déjà été renforcées après une série d’attentats dans le pays attribués à des fondamentalistes de la région musulmane du Xinjiang, des milliers de policiers patrouillaient, certains équipés d’armes automatiques flambant neuves. Sur l’avenue de la Paix éternelle, qui longe le nord de la place Tiananmen, des véhicules de police étaient stationnés tous les 50 mètres, ainsi que des ambulances, des camions de pompiers. Un journaliste de l’AFP s’est vu ordonner d’effacer les photos prises d’une échauffourée entre des policiers et des piétons chinois désireux de se rendre sur la place et exaspérés par ces contrôles. L’importance du quadrillage policier, même 25 ans après, souligne la nervosité des autorités vis-à-vis d’un événement qui avait traumatisé la population et violemment ébranlé le régime. Mardi, les Etats-Unis ont demandé à la Chine de libérer tous les militants qu’elle a emprisonnés récemment à l’approche de l’anniversaire. La porte-parole du département d’Etat, Marie Harf, a souligné que la Chine était un pays en plein développement et qu’elle devrait accorder plus de place au dialogue politique, alors que les autorités de Pékin ont renforcé censure et répression ces derniers jours. Au même moment, le dissident aveugle Chen Guangcheng, autorisé à quitter la Chine pour les Etats-Unis en 2012, a salué depuis Washington les commémorations et la veillée aux bougies en mémoire du « printemps de Pékin » prévues à Hong Kong dans le parc Victoria, les seules à avoir lieu en territoire chinois.

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