Des bibles sur Jésus

Grâce à des chercheurs passionnés, on en sait toujours plus sur la vie du Christ. Dans de volumineux ouvrages, John P. Meier et Raymond E. Brown livrent ainsi leurs dernières investigations

Ce n’est pas Da Vinci Code. Ces £uvres ne rassembleront pas autant de lecteurs et ne connaîtront pas le même retentissement. Pourtant, il s’agit de livres fondamentaux. Qui s’intéressent au même personnage : Jésus. Le Jésus de l’Histoire û pas celui des théologiens, qui l’évoquent autrement û c’est-à-dire ce Galiléen dont les actes, les propos et les disciples ont changé croyances, sociétés et pouvoirs voilà à peu près deux mille ans.

Sur ce Jésus-là, on en sait toujours davantage. Parce qu’il y a un Etat d’Israël, une université, des chercheurs passionnés du parcours de leur peuple depuis l’Antiquité. Parce que, pour de multiples raisons, on traduit mieux les textes de cette époque. Parce que, du côté catholique, les exégètes, en dépit de quelques freins, jouissent d’une plus grande liberté.

Qui veut connaître le résultat û provisoire û de tous ces travaux doit s’attaquer à un véritable monument encore inachevé : les quatre volumes du livre de John P. Meier, Un certain juif, Jésus. Le premier volume, dans sa traduction française, parue en novembre dernier, fait 500 pages, ce qui est encore abordable ; le deuxième, qui sort ces jours-ci, atteint les 1 300 ; le troisième, à venir, qui s’intéresse surtout aux disciples de Jésus, en fera environ 800 ; le quatrième, capital, puisqu’il traitera notamment de la mort, n’est pas terminé.

L’auteur, John P. Meier, prêtre à New York, professeur de Nouveau Testament, a présidé ou animé diverses institutions d’études bibliques. Il est reconnu pour son sérieux. Et il écrit clairement. En outre, la traduction française est très lisible et vivante.

Les miracles attribués à Jésus par les Evangiles occupent, justement, une bonne partie du deuxième volume. Pour en vérifier l’authenticité ou le sens, l’auteur utilise la même méthode. D’abord, l’étude du contexte : bien des magiciens erraient alors sur les routes de Galilée et éberluaient les paysans. Jésus peut-il leur être assimilé ? Réponse, après deux dizaines de pages examinant honnêtement toutes les données et les hypothèses : non. D’ailleurs, ses adversaires ne l’ont jamais accusé de magie.

Après quoi, notre auteur étudie, un à un, tous les miracles attribués à Jésus et conclut, encore prudent :  » Différents critères d’historicité donnent à penser que le Jésus historique a accompli au cours de son ministère public certaines actions que ses contemporains et lui-même considéraient comme des guérisons miraculeuses de malades ou d’infirmes.  » Mais il ajoute que les non-croyants d’aujourd’hui pourraient penser  » en termes de maladies psychosomatiques sensibles à des influences telles que l’hypnose [à] ou l’autosuggestion « .

Quand il évoque les miracles dits  » contre la nature  » (Jésus marche sur les eaux, il multiplie les pains ou il transforme l’eau en vin), John P. Meier se montre circonspect, voire incrédule. Il admet pourtant que l’épisode de la multiplication des pains peut se référer à un  » repas particulièrement mémorable  » réunissant Jésus et ceux qui le suivaient. Et, tout en se limitant à l’historicité des faits, il souligne le sens important revêtu par ces récits aux yeux de ceux qui nous les ont rapportés.

Ne reculant devant aucune des questions qui prêtent à controverse, Meier avait abordé dans son premier volume la question des frères et des s£urs de Jésus. Pour conclure, toujours après une étude minutieuse, qu’aux yeux de l’historien et de l’exégète qui examine les textes du Nouveau Testament et des premiers frères de l’Eglise,  » l’opinion la plus probable est que les frères et les s£urs de Jésus étaient de vrais frères et s£urs « .

Da Vinci Code a relancé les hypothèses sur un mariage de Jésus. Meier s’était déjà posé la question. Réponse :  » Il n’est pas possible de dire avec une absolue certitude si Jésus était ou non marié. Mais les différents contextes proches et éloignés, tant dans le Nouveau Testament que dans le judaïsme, conduisent à penser que Jésus est resté célibataire pour des raisons religieuses [à]. Toute spéculation supplémentaire franchirait la frontière de l’hypothèse historique pour tomber dans le domaine du roman.  »

Des enquêtes minutieuses

Ces exemples montrent assez le sérieux de ces travaux, qui font et feront de ces quatre volumes un livre de référence. On peut en dire autant d’un autre ouvrage (près de 1 700 pages, celui-là !), dont l’auteur, également américain, fit partie de la Commission biblique pontificale, Raymond E. Brown. Il a consacré ses recherches aux derniers jours de Jésus et à sa mort. Avec un égal scrupule, utilisant des décennies d’enquêtes minutieuses, afin de connaître les pratiques judiciaires et religieuses de l’époque, de démêler les raisons exactes et les circonstances de la condamnation et de la crucifixion.

Le lecteur apprendra beaucoup sur l’affaire Barabbas ou sur les hypothèses concernant Judas. A propos de la crucifixion, Brown montre bien les interprétations symboliques et théologiques des dernières paroles de Jésus à Marie et au  » disciple bien-aimé « . Mais, ajoute-t-il,  » nous ne pouvons être certains  » que les soldats romains  » auraient autorisé [ce] contact avec Jésus « . Ce qui est contraire à de multiples imageries et chefs-d’£uvre de l’art. Décidément, la recherche historique, qui connaît un essor étonnant, n’a pas fini d’ouvrir de nouvelles perspectives.

Jacques Duquesne

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