Gérald Papy

« G7, un directoire dépassé »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le G7, qui tient son sommet annuel à Biarritz du 24 au 26 août, a-t-il encore une utilité ? Le club des pays les plus industrialisés au monde, réunis depuis 1975 en réponse au choc pétrolier, a raté trois révolutions.

La révolution économique : il n’intègre pas trois nations – la Chine, l’Inde et le Brésil – plus riches que le plus  » pauvre  » de ses membres, le Canada. La révolution citoyenne : depuis les violences du sommet de Gênes en 2001, il n’a pas trouvé d’autre réponse qu’une organisation en mode  » forteresse  » sans réelle ouverture vers la société civile. Et, même si l’échec de celle-là n’est pas lié à la structure du G7, la révolution féministe : des neuf dirigeants réunis pour la photo de famille sur la côte basque française (Etats-Unis, Royaume-Uni, Canada, Japon, Allemagne, France, Italie, ainsi que, pour l’UE, les présidents de la Commission et du Conseil), seule Angela Merkel, en attendant l’Européenne Ursula von der Leyen, fera figure de pionnière. Et ce n’est pas l’hypothétique réintégration de la Russie dans le cénacle – admise en 1997, elle en a été exclue dix-sept ans plus tard après l’annexion de la Crimée ukrainienne – qui atténuera ce déséquilibre avant longtemps.

Par frilosité et par nécessité, le G7 se résume donc en 2019 à son acception originelle (ou quasi, Ottawa ne l’ayant rejoint qu’en 1976), soit le club des grandes démocraties à l’occidentale. Or, à observer l’image que ses membres donnent aujourd’hui du  » pire des systèmes de gouvernement à l’exception de tous les autres « , le questionnement sur son utilité ne s’en trouve pas apaisé. La fracture entre le clan populiste ou nationaliste du G7 (Donald Trump, le démissionnaire Giuseppe Conte, et peu ou prou Shinzo Abe) et son pendant  » progressiste  » (Emmanuel Macron, Angela Merkel, Justin Trudeau) sera encore accentuée par l’arrivée comme porte-parole britannique du tonitruant Boris Johnson. Surtout, ces démocraties jadis érigées en modèle absolu connaissent une crise existentielle plurielle qui semble approcher de son paroxysme : rétrécissement de l’Etat de droit, gangrène de la corruption, imperméabilité aux compromis, déconnexion avec des pans de la population, accroissement des inégalités, difficulté de renouvellement, défiance du politique, manipulation de la réalité, infractions au droit international et humanitaire…

En fixant la lutte contre les inégalités comme priorité du raout de Biarritz, Emmanuel Macron offre la possibilité à ses partenaires de redorer le blason de la démocratie. La mondialisation a certes permis de faire reculer l’extrême pauvreté. Mais elle a aussi… dopé la fortune du 1 % des ultrariches de la planète et contribué à la stagnation des revenus des classes moyennes des pays développés. Les éditions du G7 sous l’ère Trump se sont illustrées davantage par leur dimension conflictuelle que par leur force de compromis : en 2017 en Italie sur la question de dérèglement climatique, en 2018 au Canada en raison d’une bisbille sur fond de droits de douane entre le président américain et Justin Trudeau. Il est donc pour le moins hasardeux de pronostiquer que le milliardaire de la Maison-Blanche consente à une taxation accrue des plus riches. Si le G7 échoue une nouvelle fois à produire des résultats concrets, la conviction d’un nombre croissant de citoyens de ne plus rien attendre des dirigeants de grandes puissances, fussent-ils démocrates, en sera renforcée. Après tout, le plus réjouissant succès démocratique de cet été, l’accord de transition entre l’armée et les manifestants antidictature au Soudan, s’est forgé sans leur concours.

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