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Quitter son partenaire malade reste tabou

Muriel Lefevre

Selon une étude néerlandaise, 78 % de la population comprend peu ou pas du tout ceux qui quittent leur partenaire malade. Ils sont pourtant plus nombreux qu’on ne le pense.

Rompre avec son partenaire malade est encore l’un des grands tabous de notre société, dit De Morgen. Si vous laissez tomber votre moitié qui souffre de problème de santé, vous aurez la certitude, en plus d’un sentiment tenace de culpabilité, d’être blâmé par les autres. Comment assumer le fait qu’on ne veut plus être au côté d’une personne qui souffre, par exemple, de démence ? On n’a, en effet, pas le droit de penser qu’il est trop difficile de vivre avec une personne malade. Pour beaucoup, il est de notre devoir de la soutenir en ces temps difficiles. Pour le meilleur et pour le pire. Ce tabou est surtout le reflet de l’une de nos craintes les plus profondes : si je tombe gravement malade demain, l’autre sera-t-il là pour prendre soin de moi ? »

Cependant les choses changent doucement. S’il y a cinquante ans, on était encore mis au pilori si on osait quitter une personne malade. Aujourd’hui, on voit davantage la personne comme un individu et on accepte plus facilement l’idée qu’on ne vit qu’une fois.

Souffrir, c’est divorcer

C’est souvent la souffrance qui pousse les partenaires aux divorces. Selon l’étude américaine In Sickness and in Health, menée par l’Iowa State University, le risque d’adultère augmente de 6 % si le partenaire a de graves problèmes de santé, tels qu’un cancer, un accident vasculaire cérébral ou une maladie cardiaque ou pulmonaire. Il n’y a pas de chiffres pour la Belgique, bien que les experts constatent que le nombre de divorces dans les relations où la maladie est présente est beaucoup plus élevé que la moyenne nationale d’une personne sur trois. Le taux de divorce dépend cependant dans une large mesure de la nature de la maladie, selon les psychologues américains. « Dans les maladies à haut risque de décès, le risque de rupture est plus faible, semble-t-il. L’explication est aussi simple que très crue: si votre partenaire meurt, vous n’avez plus à divorcer. On constate aussi qu’une personne en phase terminale peut généralement compter sur plus de compréhension et de patience que celle qui est atteinte d’une maladie chronique qui ne met pas sa vie en danger », toujours selon les psychologues américains cités par De Morgen.

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Autre fait notable, un homme est moins susceptible d’être abandonné qu’une femme. Souvent ce sont les hommes qui partent quand leur femme tombe malade. Cela ne surprend pas le thérapeute relationnel Ponnet toujours dans De Morgen. « Dans de nombreux couples, la femme est encore le pilier des soins. Si elle tombe, toutes ses tâches incombent à l’homme. Et puis les hommes prennent plus facilement la fuite. »

On a tendance à oublier que le partenaire souffre lui aussi de la maladie. Sa vie est en suspens, son cercle social se rétrécit et ces personnes sont souvent de plus en plus isolées. Elles se retrouvent à contrecoeur mariées à la maladie qui prend toute la place. On demande comment va le conjoint malade, mais personne ne s’inquiète pour elles. Le partenaire n’est plus considéré comme un individu, mais comme un prolongement de la personne malade. Au point que chez certains on voit poindre un sentiment qui n’est guère loin de la jalousie. On jalouse l’attention accordée à celui qui souffre.

Une rupture très rarement immédiate

Si la rupture intervient, elle n’est presque jamais immédiate. La maladie remet en question les relations de bien des façons. Au début, juste après le verdict, on est en mode survie, ce n’est qu’après que la relation revient à l’avant-plan. Et c’est là que réside le danger puisque le couple a mis celle-ci trop longtemps de côté au point de perdre le lien qui les unissait. La situation sera d’autant plus compliquée et stressante si la personne a été changée par la maladie. Par exemple en cas de démence ou de changement de personnalité suite à une lésion cérébrale. Souvent, celui qui part le fait dans un réflexe de survie, pour ne pas « mourir » avec l’autre ou se perdre. Certains proches vivent alors un véritable enfer avec un partenaire devenu subitement très agressif ou complètement égocentrique.

Par ailleurs, en cas de maladie, c’est souvent la libido qui trinque en premier. À cause des médicaments, de la douleur ou d’un corps qui n’est plus le même. Sans parler des soins nécessaires qui peuvent se révéler particulièrement tue-l’amour. Isolé, et parfois sans amour, il arrive donc que le partenaire en bonne santé cherche du réconfort ailleurs, même si cela ne signifie pas forcément la rupture avec la personne malade. Au contraire, il arrive que cela donne un supplément de tonus et permette de « rester » plus longtemps.

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De moins en moins de personnes soignantes

Plus il y a de malades chroniques, plus il y aura de relations en difficulté, et donc moins de personnes soignantes. On constate que de moins en moins de femmes endossent ce rôle, alors que c’était elles qui se dévouaient le plus souvent, et que les générations futures jalouseront encore davantage leur épanouissement en tant qu’individu. On risque donc, à moyen terme, de se retrouver face à une situation potentiellement problématique puisqu’il n’y aura plus grand monde pour prendre soin de ses proches malades, sans pour autant que cela soit compensé par davantage de places d’accueils. Heureusement, diront les plus optimistes, il reste la force de l’amour qui permet de déplacer des montagnes. En effet, si un couple voit la maladie comme quelque chose qui lui arrive ensemble, cela fait toute la différence.

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