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Didier Reynders « disponible » pour être Premier ministre

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

« Un rêve, avoue-t-il, mais ne pas le devenir ne serait pas un cauchemar. » Dans un livre d’entretiens, le vice-Premier MR avoue ses ambitions. Il se dit aussi prêt à redevenir président de parti même « s’il n’en rêve pas en se rasant ».

Didier Reynders est l’une des figures majeures politiques du paysage francophone belge depuis trente ans. Le vice-Premier MR, aujourd’hui en charge des Affaires étrangères, défraie régulièrement la chronique avec ses petites phrases et ses positions tranchées. On l’aime ou on le déteste, il ne laisse personne indifférent.

Dans un long entretien aux journalistes Francis Van de Woestyne (La Libre Belgique) et Martin Buxant (L’Echo), il se dévoile un peu (1). Et comme les auteurs le précisent en guise d’introduction: « Didier Reynders n’a pas dit son dernier mot. Que ce soit dans un gouvernement ou – pourquoi pas ? – à nouveau à la tête d’une formation politique. » Morceaux choisis.

Ses ambitions : « Je n’exclus rien »

Retrouver la présidence du MR ? « On verra en fonction des majorités qui sortiront des élections et des négociations de 2014. Je n’exclus rien. Mais je ne pense pas à la présidence du parti en me rasant. J’ai 55 ans, la direction du parti n’est pas du tout un poste qui me rebute. J’ai accumulé une certaine expérience qui pourrait utilement servir. Mes fiches sont à jour, je connais mieux les personnes. Mais rien n’est programmé. » On le sent toutefois dans les starting-blocks, au cas où…

Premier ministre? Il affirme « ne pas être jaloux » d’Elio Di Rupo et pouvoir travailler avec tout qui serait désigné à ce poste. Toutefois : « Ce n’est pas un souhait mais une disponibilité. Mais il faut d’abord que les francophones le veuillent : je ne l’ai pas ressenti en 2007. (…) Je peux en rêver, mais cela ne se transforme pas en cauchemar si le rêve ne se réalise pas. Tel est mon caractère. »

Didier Reynders n’exclut pas non plus la ministre-présidence bruxelloise, comme il l’a affirmé à plusieurs reprises. Quoi qu’il en soit : « Par rapport aux prochaines échéances, je veux être clair. J’entends bien porter un projet, notamment pour Bruxelles, mais dans un parti qui progresse. Certains croient que, parce que je ne préside plus le parti, j’aimerais qu’il éprouve des difficultés. Or, je souhaite qu’on gagne… »

La N-VA et le CD&V : « Le goût et la couleur d’un cartel »

La N-VA vise-t-elle le pouvoir au niveau belge après les élections ? « Je ne suis pas toujours certain de leur volonté de gérer le fédéral, sauf peut-être à travers une formule partant des Régions et probablement sans Bruxelles. Ce n’est pas ma vision des choses. » En Flandre, constate-t-il, tout le monde veut gérer avec Bart De Wever. « On a une majorité flamande sans les libéraux et une majorité anversoise sans les socialistes, mais toujours avec la N-VA. »

Et il ajoute, grinçant, au sujet des relations du CD&V avec la N-VA: « Ce qui est sûr, c’est que le CD&V multiplie les déclarations pour de nouvelles avancées communautaires, pour une septième réforme de l’Etat alors que l’encre de la sixième n’est pas encore sèche. Ce n’est pas un cartel… mais cela en a le goût et la couleur. »

Cela dit, Didier Reynders ne formule aucune exclusive à l’égard de la N-VA et confirme avoir maintenu des contacts avec ce parti « comme avec les autres partis flamands ». Sa majorité de prédilection, dans un monde idéal ? « Une formule claire de centre-droit et, si possible, dans un scrutin un peu plus majoritaire. » C’est dans ce contexte-là, aussi, qu’il verrait la constitution d’une formation de centre-droit plus large du côté francophone.

La crise interne au MR : « Elle laisse des traces »

Concernant la crise interne qui a déchiré son parti, donnant lieu à des élections internes anticipées au début 2011, Charles Michel lui succédant, il avoue : « Je pense que tout cela laisse des traces, sur les personnes et les structures. Il y a des relations personnelles qui ont été modifiées, des structures qui fonctionnent plus ou moins bien selon les personnes qui y siègent, en particulier les groupes parlementaires. C’est la vie. (…) Mais chacun doit se tourner vers l’avenir en tenant compte d’une nouvelle répartition de rôles. » C’est, affirme-t-il, ce à quoi il s’emploie avec Charles Michel.

Didier Reynders regrette les attaques personnelles dont il a été l’objet à l’époque de la fronde du groupe Renaissance, et « davantage encore » celles dont ses proches ont été l’objet. S’il a abandonné le combat, confie-t-il, c’est parce que certains de ses proches étaient à bout, dont sa femme. Il aurait bien vu, avoue-t-il, Sabine Laruelle à la présidence « car elle était perçue comme au-dessus de la mêlée ». Mais elle a refusé de se présenter. « Elle mésestime sa capacité de contact avec les militants, et ne supporte pas les situations conflictuelles. »

De la rancune à l’égard de ceux qui l’ont poussé à abandonner son cumul ? Pas contre « les ambitions légitimes de certains », notamment les Michel. « J’ai plus de problème avec l’un ou l’autre, peut-être moins en vue, qui peuvent changer d’avis plusieurs fois par jour. Il y a des gens capables de contorsions incroyables, de vraies attractions de cirque. »

Tout au long de ce long entretien, au cours duquel il parle de son enfance « dans un milieu modeste », de son amitié pour Jean Gol et d’autres amis disparus, Didier Reynders retraverse toute sa carrière politique. L’homme, dont le ton semble globalement apaisé, mais fidèle à lui-même, n’en égratigne pas moins certains…

Di Rupo : « Qu’il parle de trahison… »

Didier Reynders dénonce à plus d’une reprise la trahison d’Elio Di Rupo à l’égard de Louis Michel, alors président du MR, quand il a mis fin brutalement aux accords préélectoraux pour les régionales de 2005. Quand il évoque Elio Di Rupo qualifiant de trahison la rencontre discrète Reynders – De Wever après les fédérales de 2010, il assène : « Il faut demander à Louis Michel ce qu’Elio Di Rupo entend par trahison. Quant à moi, je ne vois vraiment pas en quoi il était problématique de rencontrer les partenaires avec lesquels les autres étaient à table en permanence ».

Milquet : « Elle bloque souvent »

Joëlle Milquet se voit encore et toujours reprocher d’avoir été le principal obstacle à la formation de l’Orange bleue, une coalition libérale-chrétienne-démocrate, en 2007, parce qu’elle était « scotchée » au PS. « Quel était le souhait de l’électeur ?, demande-t-il. Confier les responsabilités au CD&V et au MR. Et l’on se retrouvait souvent face à un programme proche des idées socialistes à travers le prisme humaniste. La présidente du CDH bloquait souvent la progression. »

Ecolo : « De l’amateurisme. »

Quant à Ecolo, avec lequel il a gouverné dans le gouvernement Verhofstadt I, Didier Reynders avoue l’exaspération d’alors face aux pratiques des Verts, qui se taisaient en négociations mais multipliaient les fuites avec leurs Nokia ou qui ont rallumé la mèche communautaire avec le plan des répartitions des vols de Bruxelles-National. « C’était probablement de l’amateurisme de la part de ce parti dans une première expérience de gouvernement. » Et d’ajouter : « Toutefois, cela semble se reproduire parfois, à en juger par la manière dont ils gèrent la gratuité payante de l’énergie ou les reniements successifs dans le photovoltaïque en Région wallonne. Ils ne mesurent peut-être pas l’impact des décisions qu’ils prennent sur les ménages concernés. »

Toujours incisif, Didier Reynders se raconte donc en 254 pages. A travers son seul regard, trente années de vie politique belge défilent. Entre hautes ambitions politiques et petits coups bas.

(1) Didier Reynders sans tabou, éd. Racine, 254 pp, 20 euros.

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