Fleurus, le premier berceau de la Belgique

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Victoire révolutionnaire doublement décisive près de Charleroi : en faisant passer nos régions à l’heure française, elle dessine les contours de la future Belgique. Et en ôtant sa raison d’être au régime de la Terreur, elle signe à Paris l’arrêt de mort de Robespierre.

Au printemps 1794, les révolutionnaires français redressent la tête et reprennent le dessus. Ils ont dû rendre les Pays-Bas à l’Autriche un an plus tôt. Leur reconquête n’est que partie remise.

Cette fois, plus rien ne peut arrêter la marche des armées du Nord et de Sambre-et-Meuse qui progressent dans nos régions. Charleroi est bientôt en vue. Unité, discipline, encadrement, tactique : les soldats de l’An II ont mûri depuis la campagne désespérée de 1792, mais le feu sacré les anime toujours. Le 26 juin, 80 000 révolutionnaires se déploient sur un front de trente kilomètres de part et d’autre de Fleurus, pressés d’en découdre avec 52 000 Austro-Hollandais.

Au bout de quatorze heures de combats acharnés sous un soleil brûlant, de cinq assauts menés par les colonnes autrichiennes et d’autant de charges repoussées au prix de pertes sévères, les Français et leur général Jourdan sortent de justesse vainqueurs de l’affrontement. L’organisation de leurs troupes et leur esprit combatif ont eu raison d’une tactique autrichienne bancale, qui privilégiait les manoeuvres offensives menées en ordre dispersé. Les révolutionnaires n’ont rien négligé pour remporter la partie : Fleurus est la première bataille à connaître l’emploi d’un aérostat militaire pour observer les mouvements ennemis. Expérience concluante : « L’Entreprenant », déployé près du moulin de Jumet à 200 à 400 mètres d’altitude, remplit à merveille sa mission.

Averti au soir de la bataille que Charleroi avait déjà capitulé la veille, le général autrichien Cobourg décide de rompre le combat. Le coup porté au moral des Autrichiens et de leurs alliés hollandais est décisif : les Alliés, qui auraient perdu 10 000 hommes dans la bataille, n’insistent plus et abandonnent les Pays-Bas aux Français.

Ce 26 juin 1794 se referme un chapitre autrichien qui aura duré 80 ans. « Il ouvre définitivement le chemin de nos régions à la France. Le régime français va entreprendre l’amalgame de cet espace politique jusqu’alors extrêmement varié en lui donnant les contours administratifs de ce qui deviendra la Belgique », souligne Hervé Hasquin.

Fleurus, premier berceau de la future Belgique, est aussi le tombeau des grandes figures de la Terreur à Paris. La victoire française conduit la République à fixer à nouveau sa frontière sur le Rhin. Elle la libère du même coup du péril extérieur. La politique de la Terreur, mise à l’ordre du jour par le Comité de salut public, perd dès lors une de ses principales raisons d’être. Comme l’observe l’historien français Patrice Gueniffey, « les victoires militaires de Charleroi le 25 juin et de Fleurus le 26 juin enclenchent un mouvement d’opinion pour demander le desserrement de la contrainte intérieure et le retour à la légalité. »

Les jours de Robespierre et de ses amis sont dès lors comptés. Il ne s’écoule guère qu’un mois entre la bataille de Fleurus, le 26 juin, et la chute brutale de l’Incorruptible, de Saint-Just et de leurs partisans, qui montent à l’échafaud le 28 juillet. La Révolution française se pose.

La Belgique française 1792-1815, par Hervé Hasquin, Crédit communal, 1993. La politique de la Terreur, par Patrice Gueniffey, Fayard, 2000.

Cet article est paru dans sa version papier le 12 juin 2015

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