Zuhal Demir © Belga

La fougueuse Zuhal Demir prend-elle Michel pour une andouille ?

La N-VA a l’art de troubler une mer d’huile. Alors, qu’en ce temps de vacances, c’était plutôt le calme plat, Zuhal Demir a lancé un bon gros pavé dans la mare. Au point de faire sortir le premier ministre de sa réserve. Et de faire tanguer le gouvernement ? Le point sur la sortie musclée de celle qu’on appelle la dame de fer de la N-VA.

Lorsqu’elle a succédé à Elke Sleurs au poste de Secrétaire d’État à la Lutte contre la pauvreté, à l’Égalité des chances, aux Personnes handicapées et à la Politique scientifique, chargée des Grandes villes son profil atypique a surpris les observateurs. On nous avait prévenus qu’elle ne comptait pas être une  » une politicienne effacée ».

« Elle savait ce qu’elle voulait défendre, ce qui lui a régulièrement valu des conflits avec ses collègues » dira à l’époque le Nieuwsblad. Madame Demir avait déjà la réputation d’être une adepte du coup de gueule.

Comme lorsqu’en octobre 2015 elle se fait remarquer en déclarant  » J’en ai ras le bol des syndicats », après une grève à Liège. Deux personnes décèdent dans l’agitation de l’action syndicale : une femme parce que son chirurgien était coincé dans les embouteillages et un homme victime d’une crise cardiaque dans les bouchons. Ou encore lorsque, dès 2014, elle se heurte régulièrement au ministre de l’Emploi Kris Peeters notamment sur la limitation des allocations dans le temps et des « mystery calls » (des fonctionnaires seraient chargés d’appeler des entreprises avec une demande discriminatoire pour voir la façon de réagir de l’entreprise. En cas d’infraction, ils pourraient servir de preuve en justice). Au point que celui-ci la traitera de « nouvelle Madame Non » par analogie avec Joëlle Milquet (cdH).

Et Zuhal Demir ne va pas décevoir.

Si tôt installée, la nouvelle secrétaire d’État va ouvrir les hostilités contre Unia, le Centre interfédéral pour l’égalité des chances. Selon elle, Unia ne s’occupe que de certains types de discrimination et en laisse de côté d’autres.

Premier clash qui va atterrir dans la presse, mais pas le dernier. Les relations tendues avec Unia ressortiront encore un peu plus tard à l’occasion d’une interview dans Knack de la juriste Rachida Lamrabet qui collaborait avec le Centre. Celle-ci s’était fait remarquer par ses propos sur l’interdiction de la burqa et avait fait vertement réagir la secrétaire. L’avocate sera licenciée.

Le sujet de la polémique

La dernière polémique en date lancée par Zuhal Demir remonte donc à ce week-end. Dans une interview accordée au journal De Zondag, elle accuse le président des démocrates-chrétiens flamands, Wouter Beke, de considérer les musulmans comme du « bétail électoral ». Elle déplore notamment que M. Beke n’ait pas recadré certains membres de son parti ayant pris des positions qu’elle considère favorables au président turc Erdogan. « Je ne trouve pas ça sain. Tout est possible en échange de vote. C’est de la politique irresponsable. Les politiciens doivent souscrire aux lois démocratiques. Je veux prévenir les Flamands: le CD&V est le nouveau parti des musulmans. »

Demande d’excuses publiques et appel téléphonique furieux

Une sortie qui, on s’en doute, aura fait avaler à certains leur oeuf de Pâques de travers. On a vu un Wouter Becke outré exiger des excuses publiques devant les caméras de la VRT. Il a indiqué qu’il estimait ces déclarations « peu respectueuses », « inacceptables », grossières et « dépassant les limites ».

Au point de réveiller le monde politique de sa torpeur en cette douce journée printanière.

D’autres partis vont empressés de condamner ces propos et de s’inquiéter de tels échanges entre partis de coalition. Le Premier ministre va vertement rappeler sa secrétaire d’Etat à l’ordre par téléphone. « Les mots qu’elle emploie sont déloyaux et inacceptables au sein d’une coalition. Le Premier ministre ne tolère absolument pas ce comportement. » a indiqué son porte-parole à l’agence Belga.

Mais Wouter Becke peut oublier les excuses, car la secrétaire d’Etat N-VA n’a clairement pas l’intention d’en présenter. « Nous ne savons pas pourquoi nous devrions présenter des excuses », affirme son porte-parole Luc Demullier. Pour le porte-parole, les déclarations de Mme Demir ne représentent en aucun cas un problème pour la coalition gouvernementale. « Il ne s’agit pas d’une affaire du gouvernement. Il n’y a aucune discussion sur les dossiers fédéraux.

Zuhal Demir va cependant accéder à la demande du Premier ministre qui « lui a demandé d’être un peu plus diplomate dans ses formulations ». « J’accepte les critiques du Premier ministre », a finalement posté dans la soirée, peu après 23h00, Zuhal Demir. « Le rôle de secrétaire d’Etat n’est pas celui d’un parlementaire », admet-elle, semblant ainsi reconnaître que sa nouvelle fonction au sein du gouvernement appelle à davantage de diplomatie. « En ce qui me concerne, l’incident est clos ».

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Michel, une ‘ »andouille » (pour Crombez)

Le président du sp.a, John Crombez, a qualifié lundi le Premier ministre Charles Michel d' »andouille » pour ne pas avoir réussi à rappeler à l’ordre un membre N-VA de son équipe de manière satisfaisante à ses yeux.

La manière avec laquelle la secrétaire d’Etat à l’Egalité des chances Zuhal Demir a qualifié dans une interview un parti de la coalition fédérale, le CD&V ne « mène nulle part au sein d’un gouvernement », a affirmé le président des socialistes flamands à la VRT-radio. « Elle (Mme Demir) sait très bien qu’elle attire fortement l’attention avec cette déclaration » alors que celle-ci ne contribue pas à faire avancer le fonctionnement (du gouvernement), mais le gêne, en renforçant les oppositions », a expliqué en substance M. Crombez.

Il a accusé la secrétaire d’Etat nationaliste d' »agir uniquement en vue d’un gain politique ». Selon lui, Mme Demir n’hésite pas à « diffuser une fausse information pour attirer l’attention », « Elle paralyse le gouvernement. A ce moment, les chefs de l’équipe doivent intervenir », a poursuivi M. Crombez. Il a qualifié de faiblarde la réaction du Premier ministre envers Mme Demir en lui disant « tu ne peux plus faire cela ».

Recadrer les membres de la N-VA, le nouveau boulot de Charles Michel ?

Fin mars, Charles Michel avait déjà recadré Francken pour un Tweet sur MSF. Le secrétaire d’Etat à l’Asile, Theo Francken, avait invité l’organisation humanitaire à quitter la mer Méditerranée, l’accusant de contribuer à la traite des êtres humains, d’encourager l’immigration illégale et d’y causer « indirectement plus de morts ». Des propos peu gouté par le premier ministre qui l’avait rappelé à l’ordre en l’enjoignant à faire preuve de plus de « nuance » dans sa communication. « Je désapprouve le tweet et je condamne ce type de communication. Je recommande de tourner 7 fois son pouce avant de tweeter et indique au nom du gouvernement que nous soutenons et respectons le travail humanitaire », avait-t-il déclaré. Une réaction que d’aucuns avaient, déjà, trouvé beaucoup trop timorée.

La fougueuse Zuhal Demir

Âgée de 36 ans, l’avocate Zuhal Demir siège depuis 2010 à la Chambre, où elle se spécialise dans les dossier sur l’ emploi. Elle était également présidente du district à Anvers, mais l’année dernière elle a déménagé à Genk dans le Limbourg pour des raisons familiales. Troisième d’une famille de cinq enfants, Zuhal Demir grandit dans une famille turco-kurde à Genk. Ses parents immigrent en Belgique dans les années 1970 et son père travaille dans les mines. Lors de sa prestation de serment, elle portait le foulard de mineur de son père autour de son poignet. Elle étudie le droit à Louvain, avant de faire une année de spécialisation en droit du travail à Bruxelles. Elle entame sa carrière dans un bureau d’avocats à Anvers, où elle a mis sa spécialité en pratique. Demir explique que son lien avec le Mouvement flamand vient de ses racines turco-kurdes.

C’est Jan Jambon, actuellement vice-premier ministre, qui lui demande d’entrer à la N-VA. Au début, elle se focalise sur l’emploi et le droit du travail. Son opposition à une proposition de loi visant à obliger les entreprises cotées en bourse d’intégrer au moins 40% de femmes dans leur conseil d’administration est très remarquée. Elle plaide en faveur d’une politique familiale équilibrée, selon elle une meilleure façon d’aider les femmes compétentes à accéder aux postes qu’elles méritent. Aux élections locales de 2012, Demir est tête de liste pour le district d’Anvers. Elle est élue et siège comme présidente du collège du district.

Début 2015, Demir pose en tenue osée pour l’hebdomadaire flamand P-Magazine à la Chambre. La séance photo suscite la polémique. Le président de la Chambre Siegfried Bracke accepte le reportage, mais finit – en concertation avec les chefs de groupe – par établir des règles plus claires.

Fin 2016, Demir fera aussi l’objet de menaces. Elle déclare à Canvas n’avoir aucune sympathie pour le mouvement de sécession kurde PKK, mais une chaîne d’informations turque sort l’interview de son contexte et présente Demir comme une adepte du PKK. L’homme qui l’a menacée sur les réseaux sociaux est condamné à six mois de prison avec sursis.

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