Tout feu, tout flamme, sauf…

Le prix des maisons et des appartements ne cesse de progresser. A Bruxelles, la dernière enquête notariale confirme la tendance mais nuance le diagnostic. Des sondages réalisés dans les provinces de Namur, de Luxembourg et de Hainaut complètent le tableau

(1) L’initiative de récolter des données sur l’évolution du marché de l’immobilier émane du Conseil communautaire du notariat francophone. Chaque province francophone, à l’exception de Liège, a recueilli des informations sur la question auprès de ses notaires et les a ensuite rendues publiques sporadiquement. Namur, le Hainaut et le Luxembourg l’ont déjà fait. Bruxelles vient de le faire et le Brabant wallon devrait bientôt prendre le relais. Signalons que la méthodologie suivie diffère à Bruxelles (récolte systématique d’informations à chaque passation d’acte) et en Wallonie, où les notaires ont répondu à un sondage.

Il n’y a pas de bulle immobilière, mais une croissance qui s’inscrit dans une continuité, amorcée il y a déjà une dizaine d’années. C’est la conclusion à laquelle aboutissent les notaires de la capitale (1). Et cette croissance se traduit par une augmentation des prix, certes, mais aussi une augmentation du nombre des transactions û plus de 10 % entre 2003 et 2004, tant pour les ventes de gré à gré que pour les ventes publiques û et une diminution de la durée de mise en vente.

Autre constat, similaire à celui des géomètres-experts dans leur rapport annuel paru en avril dernier : les maisons unifamiliales et les appartements enregistrent la plus forte croissance. En règle générale, les communes les plus chères se trouvent toujours dans le sud et à l’est de Bruxelles. Pour les maisons unifamiliales, le haut du pavé se situe à Ixelles, à Woluwe-Saint-Pierre et à Uccle, où les prix moyens se situent entre 350 000 et 400 000 euros. Malgré certains survols intempestifs… Uccle est néanmoins talonnée par Saint-Gilles. Côté villas, à l’inverse, le marché est stable. Et pour cause : il a enregistré très peu de ventes l’année dernière.

Les appartements se portent plutôt bien. Les sommes déboursées pour ceux d’une ou de deux chambres augmentent, les maximums étant trouvés, pour les premiers, à Woluwe-Saint-Pierre et à Bruxelles et, pour les seconds, à Uccle, à Bruxelles, à Ixelles, à Etterbeek et dans les deux Woluwe. On constate par contre une certaine stabilité pour les appartements de 3 chambres, excepté à Schaerbeek, à Uccle et dans les deux Woluwe où leurs prix montent.

Quant aux propriétaires de parkings, ils touchent le jackpot. Un box, voire un simple emplacement pour voiture, se vend dans la capitale entre 14 000 et 64 000 euros ! Le summum est obtenu à Etterbeek, à Bruxelles-ville et à Woluwe-Saint-Pierre.

Le Nord plus séduisant

Si le sud et l’est de Bruxelles ont toujours la cote, les communes voisines, de même que celles du Nord de la capitale, telles Schaerbeek ou Ganshoren, remportent de plus en plus de succès. Les candidats acquéreurs, confrontés aux prix élevés des quartiers les plus recherchés, se dirigent en effet vers ceux qui sont plus abordables. Les prix des appartements deux chambres ont ainsi crû de 22 % à Forest, de 23 % à Schaerbeek, de 28 % à Auderghem et de 42 % à Ganshoren ! Quant aux maisons unifamiliales, bourgeoises et de maître, elles ont augmenté de 30 % à Uccle et à Saint-Gilles mais aussi, et dans les mêmes proportions, à Berchem et à Saint-Josse.

Tous les propriétaires ne peuvent cependant pas crier victoire. Le marché des maisons de commerce et de rapport est plutôt stable. Il montre même une certaine faiblesse. En cause ? La mauvaise tenue du marché locatif, l’offre étant largement supérieure à la demande. Sans compter que, vu les taux d’intérêt particulièrement intéressants, ceux qui jusqu’à présent louaient sont portés vers l’acquisition.  » Pour les propriétaires, il est plus facile de louer un bien entre 500 et 700 euros, constate Gaétan Bleeckx, notaire. Si le loyer dépasse les 700 euros, la location entre en concurrence avec l’acquisition. Les personnes capables de mettre 1000 euros par mois achètent au lieu de louer.  »

En Wallonie aussi

Des tendances semblables à celles constatées à Bruxelles sont observées dans d’autres provinces du pays, notamment dans le Hainaut, Namur et le Luxembourg : hausse des prix, succès des maisons unifamiliales, diminution de l’attrait des immeubles de rapport et des surfaces commerciales ou encore faiblesse du marché locatif. Petites différences : tant dans le Hainaut qu’à Namur et au Luxembourg, c’est le prix des terrains à bâtir qui a le plus augmenté. Les petites parcelles de 3 à 5 ares, pour maisons jointives, considérées comme invendables il y a quelques années, redeviennent même à la mode dans le Luxembourg et dans le Hainaut. Ce boom des terrains à bâtir s’expliquerait par leur rareté. Le ministre wallon du Développement territorial et du Logement, André Antoine (CDH), espère néanmoins augmenter l’offre en la matière. Il a ainsi transformé par décret des zones en attente d’affectation (ZAD, zone d’aménagement différé) en zone habitable moyennant l’aval des communes et des citoyens (ZACC, zone d’aménagement communal concerté). Le nombre de terrains à bâtir pourrait donc augmenter, ce qui pourrait influencer leurs montants et se répercuter sur les autres segments du marché.

Elémentaire, mon cher Watson

Plusieurs facteurs expliquent la croissance du marché immobilier belge. La plupart sont communs à toutes les provinces et sont connus : une offre inférieure à la demande, des taux d’intérêt historiquement bas (la capacité d’emprunt a augmenté de 50 % en 10 ans), un effet DLU ou, encore, une déception pour les placements financiers û merci, le krach de 2000 û et un report sur les investissements immobiliers. A Bruxelles, on peut également citer l’exiguïté du territoire (les possibilités limitées d’expansion et la forte demande influencent les prix à la hausse) et le système d’abattement des droits d’enregistrement. Ce dernier est un (petit) coup de pouce en faveur des jeunes ménages qui veulent investir dans la brique. Pour rappel, un candidat acquéreur, pour autant qu’il s’engage à s’installer dans l’immeuble acheté, ou à tout le moins à rester à Bruxelles, pendant une certaine période et pour autant qu’il n’est pas déjà propriétaire d’un autre bien, peut bénéficier d’un abattement de 45 000 euros sur le prix d’achat (60 000 euros dans les EDRL, espaces de développement renforcés du logement). Cet avantage aboutit à une réduction des droits d’enregistrement de 5 625 euros au maximum (7 500 euros dans les EDRL).

Si Bruxelles flambe, c’est aussi parce que l’environnement international, de plus en plus ouvert, a un effet boule de neige qui en découle. Les prix à Bruxelles restent bien inférieurs à ceux pratiqués dans d’autres capitales européennes. Conséquence : la capitale attire des investisseurs étrangers, les prix augmentent, les Bruxellois, incapables de suivre, quittent la capitale pour les provinces périphériques. Leur arrivée y entraîne une augmentation des prix de sorte que leurs habitants migrent à leur tour un peu plus loin, et ainsi de suite. Les Bruxellois lorgnent par exemple le Brabant wallon, mais aussi la province de Namur et des communes comme Soignies, Braine-le-Comte, Seneffe, Manage, Mellet… Ath est ainsi, selon les notaires hennuyers, devenu  » la deuxième couronne bruxelloise « , proximité de l’autoroute A8/E249 aidant. Plusieurs territoires sont également touchés par l’arrivée d’une clientèle extérieure. Au Luxembourg, Arlon et ses alentours accueillent de plus en plus de ressortissants du Grand-Duché, et le nord de la province attire les Flamands. De même, les régions hennuyères frontalières avec la France sont convoitées par les habitants de Lille-Roubaix-Tourcoing, les biens étant environ 30 % moins chers en Belgique que chez eux.  » Depuis le passage à l’euro, explique Vincent Colin, notaire, on peut estimer que la clientèle française a augmenté dans les régions frontalières de 30 à 40 %.  »

Quant à savoir si le marché continuera à croître, les notaires refusent de jouer les devins. Ils mettent néanmoins en garde contre un possible ralentissement, voire une stabilisation. Les prix de l’immobilier augmentent plus rapidement que les salaires et le marché primaire, celui des habitations neuves, est appelé à se réduire, du moins dans la capitale. Des éléments comme la taxation forfaitaire des donations mobilières û déjà d’application à Bruxelles et bientôt en Wallonie û pourraient néanmoins être favorables au marché de l’immobilier. Cette mesure risque d’inciter les donations en vue d’acquisitions immobilières. l

Géraldine Vessière

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